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Le pays légal coupé du pays réel
Publié dans El Watan le 04 - 08 - 2007

Plus grave encore, un gouvernement convaincu de ses échecs se refusant de payer le prix de ses engagements non honorés qui aurait été au minimum de s'en aller, se contente d'un week-end et de revenir !
L'épisode de cet aller-retour gouvernemental emprunt d'illégalité constitutionnelle dans sa démarche imposée au ou par le président de la République vient encore une fois traduire sa stratégie de la tension, avec une évolution et un discours contradictoires où les avancées coexistent avec des régressions, en poussant les contradictions jusqu'au sommet de l'Etat. Il est à craindre que cette situation, induite par le pouvoir en place ne mute et ne se transforme selon de nouvelles logiques actuellement difficiles à cerner mais que l'on peut imaginer. Sinon, comment expliquer que deux tendances opposées puissent se manifester dans un même gouvernement dit de coalition ? On ne peut réunir l'éradicateur et le réconciliateur dans une même démarche à moins de vouloir les neutraliser. Comme procédé de freinage, le concepteur du système ABS a de quoi rougir !
Il est évident que ces deux protagonistes que sont Belkhadem et Ouyahia ne s'aiment guère, mais l'un et l'autre n'aiment encore moins l'affaiblissement du régime. Certains, bien sûr, se trouvant de l'autre côté du canon, m'ont reproché mes propos, paraît-il intempestifs, tenus dans ma précédente contribution dans ce même espace, le 11 avril dernier, jour des funestes attentats qui ont endeuillé la capitale, où j'ai tenu, malheureusement à raison, à expliquer que l'Algérie, de par une politique inappropriée, se trouvait dans un équilibre sécuritaire précaire et que l'après-Bouteflika risquait d'être plus tragique que celui qu'il n'a trouvé. Eh bien, je vais encore les décevoir, au risque même de provoquer leur colère ou de me considérer comme traître tant il est vrai que dans les mœurs politiques de ce régime, est considéré traître non pas celui qui a failli à son devoir mais bien celui qui n'est pas du côté du pouvoir (Aït Ahmed, Mehri en savent de quoi il en ressort avec l'épisode de Sant'Egidio). Alors autant être traître à ce pouvoir que de faillir à mon devoir, celui de dire ce que je pense être la vérité.
La génération de novembre est responsable du naufrage
Je le dis sans détours, avec tout le respect que j'ai et que je dois à la génération de Novembre, que si cette génération a été capable de construire et de mener le bateau Algérie à bon port, elle a été également la cause de son naufrage. Là est la vraie crise, là est le vrai mal qu'il faut connaître, identifier, si nous voulons apporter un remède et faire en sorte qu'il ne dure encore. C'est entre Tripoli, la Soummam et Oujda qu'il faut trouver la racine du mal qui ronge notre pays. On peut ne pas parler de la responsabilité des hommes mais il y a la responsabilité des méthodes, c'est-à-dire du système conçu aux frontières qui s'est imposé de fait et de force en opposition à celui conçu au sommet des montagnes de la Soummam. On ne peut rien changer à ce système sans savoir ce qui s'est passé à sa naissance et admettre qu'ils n'ont pas tous été résistants. Cela est bien évidemment de la responsabilité du pouvoir en place mais également des authentiques résistants de faire en sorte que cet épisode de notre mémoire occultée, voire falsifiée, qui entrave et grève lourdement l'évolution de notre pays soit apuré ou même épuré mais qu'on en finisse !
Seul le gouvernement est responsable
Pour en revenir à ces élections, tenues dans une atmosphère d'indifférence générale, le taux d'abstention jamais égalé montre bien le discrédit dans lequel sombre le Parlement, mais également la désaffection, voire le mépris dans lequel sont tenus les partis de la coalition, ce qui doit amener ces derniers ainsi que les autres acteurs politiques à une réflexion et une analyse beaucoup plus intelligente que celle d'accuser la loi électorale ou les «petits» partis. Seuls le gouvernement et sa coalition sont responsables de cette déroute électorale, et ce ne sont pas les sorties «vernies» du président qui peuvent cacher cette rupture entre la société et ses institutions. Jamais le pays légal n'a été autant coupé du pays réel ! Cette abstention est à considérer également comme un acte de résistance passive, c'est-à-dire une résistance qui s'explique par le refus d'accepter la médiocrité d'une caste «d'affairistes» politiques au gouvernement. Au lieu d'en saisir le message et de prendre les mesures courageuses qui s'imposent, le président, toujours par un souci d'équilibre clanique, s'est contenté de reconduire et de nous imposer des politiques usés, voire compromis ; des réconciliateurs saisonniers qui n'aiment l'Algérie que s'ils sont au pouvoir, ces patriotes des bons jours seulement, ceux qui se découvrent une âme «novembriste» quand ils sont aux affaires et une autre «soummamiste» lorsqu'ils n'y sont plus, ces âmes flottantes que vous avez rassemblées pour en faire un édifice également flottant vous trahiront à votre moindre faiblesse comme ils l'ont fait avec Zeroual, Boudiaf et d'autres. Ce gouvernement aux affaires avant les élections a montré ses limites, coupable de mensonges, parfois même de blocages, a surtout montré qu'il n'a aucune vision économique, se contentant de rester à cheval sur les deux secteurs publics et privés, additionnant leurs faiblesses plutôt que leurs avantages ; frileux dans sa politique de privatisation du secteur public considéré par sa force d'inertie comme seul élément permettant le maintien d'une cohésion sociale. Faute de rétablir les équilibres économiques, il camoufle les déséquilibres ; ne pouvant faire face à la demande d'emploi et au chômage, il multiplie les emplois du filet
social ; faute d'assurer la croissance, il planifie et augmente son quota Opep. Tous les pays qui se sont développés, avant comme auleur tour à valoriser ces matières premières. Si vous n'êtes pas capables de relever ce défi, alors partez, ma grand-mère sait elle aussi vendre le pétrole ! Ce gouvernement de la rente nous fait honte, nous avons honte pour tant de médiocrité, d'incompétences et d'hypocrisie alors que le pays recèle des compétences et des richesses qui lui permettent de se hisser parmi les pays développés, assurer un meilleur quotidien et un avenir plus prospère.
Un peuple d'habitants
Alors que les inégalités ont tendance à s'aggraver au fur et à mesure que le pays s'enrichit par la rente, alors que de larges couches de la population attendent vainement une amélioration de leur situation, de leur niveau de vie et que s'installe sous leurs yeux une prospérité grandissante d'une minorité, le gouvernement, dans sa présentation de son programme, se refuse de voir la réalité, ment, parle d'un pays qui n'est pas le nôtre, d'une Algérie irréelle où les citoyens ne sont que de simples «mauvais» électeurs, en somme, un pays appartenant à un Etat, ses institutions, ses clans où le peuple ne fait qu'y habiter. De ce fait, une explosion sociale est loin d'être impossible, le peuple a démontré maintes fois par le passé que sa patience a des limites ; les mécontentements, la paupérisation et les injustices attisant le feu pourraient amener un jour à un véritable mouvement de révolte sociale et alors on cherchera comme par le passé des boucs émissaires, alors qu'en réalité le peuple n'en peut plus, il en a ras-le-bol.
Pour éviter ce risque de débordements dans un contexte d'insécurité où le terrorisme reste encore une réalité, malgré le discours trompeur sur cette paix qui n'a jamais quitté Club des pins, pour avancer, une amélioration rapide et continue du pouvoir d'achat est la première donnée de toute action politique responsable. Mais à cela, le gouvernement est-il seulement en mesure de contrôler et de réguler le circuit de la pomme de terre ?
Plus concrètement, en matière de programme, il doit répondre aux problèmes posés par la société et proposer une dynamique conforme à l'idéal de justice, d'égalité et de liberté. Il doit également amener à l'instauration effective d'une triple démocratie politique, économique et sociale, culturelle.
Une démocratie policière
Pour cela, il est nécessaire de sortir de cette politique pratiquée par le triumvirat aux affaires, une politique faite de calculs, de roueries, de manœuvres, de veuleries, de fausses loyautés, en somme un «adultérisme» politique qui fait le déshonneur des mœurs politiciennes. Cela passe également par la prise en compte de toutes celles et de tous ceux qui, par un esprit éclairé, une expérience et un savoir avéré, ne cessent d'alerter, de donner des suggestions, d'émettre des idées mais qui sont malheureusement ignorés par suffisance ou par mépris, car toute divergence de vue est considérée comme un acte d'opposition au régime. Cette volonté d'exclusion de la critique traduit en fait une appréhension à l'égard de toute possibilité de changement, d'une modification du statu quo. Ainsi, la démocratie dont s'enorgueille policièrement l'Etat est caractérisée par l'exclusion. Dans ce climat d'intolérance et d'exclusion, les intellectuels en sont résignés à la force des choses, cherchant des excuses à leur démission, ne sachant point que celui qui s'y soumet, devient esclave et prépare les chaînes à ses propres enfants et celui qui s'y oppose prépare à ses enfants un avenir fait de dignité, de liberté et de prospérité.
L'auteur est Universitaire


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