Comment protéger, préserver et mettre en valeur le patrimoine architectural national et parallèlement, penser la ville pour définir l'architecture, le type d'habitat et le cadre bâti à proposer à l'Algérien d'aujourd'hui. Voilà les principaux axes de réflexion soumis à des spécialistes et des experts au cours des deux journées d'étude sur la stratégie de mise en valeur du patrimoine, organisées les 22 et 23 avril derniers, à Béjaïa, par le conseil local de l'Ordre des architectes. De prime abord, le constat de « chaos visuel » et de « gâchis immense », en matière d'habitat et d'architecture, semble partagé par l'ensemble des intervenants qui se sont succédé à la tribune. Alors que l'Algérie, du Nord au Sud, d'Est en Ouest, possède un modèle d'habitat d'une variété et d'une richesse infinies, on ne voit aujourd'hui que le même immeuble partout à une différence de couleur près. On retrouve le même hôpital, le même tribunal, la même poste, la même université dans toutes les régions du pays, quelles que soient leurs coutumes locales, leur géographie ou leur histoire. En matière d'habitat, en quelques décennies, l'Algérie est passée d'un modèle de Casbah, de village de montagne et de ksar, à des cités d'immeubles inspirées de modèles étrangers et qui sont souvent l'œuvre d'un seul homme, en l'occurrence l'architecte qui en a conçu les plans. Un seul homme alors que la casbah, thadarth kabyle, le ksar ou la dechra sont des œuvres collectives du génie populaire. « Le village kabyle n'est pas un produit du génie militaire mais du génie populaire », dira Naït Saâda, cadre au ministère de l'Habitat. « La ville en Algérie n'est pas pensée. Elle est devenue une addition de faits indépendants les uns des autres », dira un autre intervenant. Ce laisser-aller et ce désordre urbanistique ne sont pas sans conséquences, quelquefois dramatiques, sur la vie des citoyens et l'économie du pays. La catastrophe de la vallée du M'zab est venue à point nommé pour rappeler que, plan d'urbanisme ou pas, on ne doit pas oublier le vieux principe des anciens de ne jamais construire dans le lit d'un oued. Signe des temps, en matière de logement, le F3 OPGI, dans un immeuble crasseux, au sein d'une cité sale et déshumanisée est devenu l'ultime rêve de l'Algérien. Des villes hideuses, des bâtiments uniformes, des logements cages à lapins, sans aucun cachet culturel, voilà le cadre bâti produit depuis l'indépendance. C'est cela qui a fait dire à certains que les immeubles d'aujourd'hui n'ont aucune chance de devenir le patrimoine de demain. Cela au moment même où notre héritage bâti, ce patrimoine qui s'est constitué au fil des siècles et des millénaires, est sujet à multiples agressions liées à l'abandon, au manque d'entretien ou aux aléas du climat. Que faire ? Adapter les instruments d'urbanisme pour assurer une meilleure préservation du patrimoine architectural et puis définir les responsabilités de tout un chacun, que cela soit l'élu, l'architecte ou les pouvoirs publics appelés à intervenir sur le patrimoine et sur le cadre de vie. La mise en valeur de ce patrimoine ne passe-t-elle pas, justement, par un cadre bâti inspiré de nos repères culturels et identitaires ? A défaut de proposer les bonnes réponses, les journées d'étude organisées par l'Ordre des architectes a eu, au moins, le mérite de poser de vraies questions. Monuments classés patrimoine mondial L'Algérie compte huit monuments classés patrimoine mondial. Il s'agit de la Casbah d'Alger ; de la vallée du M'zab ; du parc national du Tassili ; du site de Tipaza ; de la qalâa des Beni Hammad ; du site de Djemila et du site de Timgad