Disposant de plusieurs locaux dont deux grands docks, l'ECO (ex-ENAPAL) attend avec fébrilité sa privatisation. A l'instar des autres entreprises publiques moribondes, ce sont ses biens mobiliers et surtout immobiliers qui font l'objet de convoitises. De la part de tiers fortement intéressés, mais aussi de la part des travailleurs et des cadres qui, grâce au droit de préemption, peuvent se porter acquéreurs dans les conditions fixées par la réglementation. Selon un document remis par un délégué syndical, le gérant et les quatre cadres de l'entreprise organisent une AG le 2 juillet 2004 et décident de la constitution d'une Sarl à l'effet de se porter acquéreurs des locaux et biens sis à Mostaganem. Mais certains travailleurs regroupés autour de leur section syndicale décident de réagir et d'alerter les responsables sur ce qu'ils appellent « les dérives et les convoitises du gérant. » D'abord, ils reprochent au groupe des cinq d'abriter en leur sein deux anciens employés qui, de par le fait qu'ils aient opté pour un départ à la retraite anticipée, ne peuvent, malgré le fait qu'ils ont été de nouveau recrutés sous contrat par l'entreprise, prétendre au bénéfice de la cession des biens. Une entorse de taille qui sera portée à la connaissance du ministre en charge de la privatisation des entreprises publiques. Dans cette même requête, ces travailleurs soulignent l'abus d'autorité dont ils seraient victimes de la part du gérant qui avait procédé à la rupture du contrat de travail, dans « le but inavoué », soutiendront-ils, de les « écarter de la cession que le groupe des cinq escomptait organiser. » A la mi-décembre 2004, devant l'absence de réactions, la section syndicale à laquelle le directeur de l'ECO ne reconnaît aucune représentativité ni légitimité, décide de saisir directement le chef du gouvernement et le président de la République. Dans cette dernière lettre, le gérant est accusé de dilapidation de biens publics, faux et usage de faux, recrutements illégaux - faisant allusion aux deux anciens cadres partis à la retraite et revenus pour bénéficier de la cession -, passation de contrats douteux et abus d'autorité. Accusations que le principal mis en cause réfutera catégoriquement. En attendant la réaction des instances contactées, ces travailleurs n'ont pas hésité à introduire une action en justice contre le gérant. L'affaire pourrait être enrôlée dès la prochaine session, comme le soulignera le délégué syndical. Contacté pour donner sa version des faits, le directeur de l'ECO affirmera que c'est lui qui aurait engagé trois actions devant la justice à l'encontre de ce délégué syndical dont il dira ne pas reconnaître la représentativité. Le gérant accusé de dilapidation En effet, selon ses déclarations, cette section syndicale n'aurait aucun fondement légal. Ce qui lui ôterait toute représentativité et toute légalité. Concernant la constitution d'une entreprise des cadres dénommée SESO - dont une copie du PV de constitution en date du 10 juillet 2004 nous a été remise par les travailleurs - en vue de bénéficier de la cession des biens de l'ex-ENAPAL, il niera sa participation à cette opération, tout en soulignant que les deux anciens cadres recrutés après un départ volontaire pouvaient parfaitement devenir actionnaires en raison de leurs compétences. Pourtant, par lettre du 11 juillet 2004, destinée au président du directoire de Galenco, il est bien fait référence à la constitution d'une Sarl en vue de prendre en charge les biens - ex-cave Gay à Oran et les docks Mesbahi et Chebli à Mostaganem - appartenant à l'ECO. Ce qui fera réagir neuf travailleurs qui saisiront, dans une longue lettre, la tutelle auprès de laquelle ils demandent la suspension des démarches entamées par le DG de l'ECO et se portent collectivement candidats à la constitution d'une entreprise de travailleurs. A la mi-août, un des neuf travailleurs est licencié pour troubles et entraves à la liberté du travail. Le 11 septembre, un PV d'installation - dûment établi par un greffier - le désigne en qualité de délégué syndical de l'ECO. C'est l'union territoriale de l'UGTA qui prend ensuite le relais pour en informer toutes les autorités locales ainsi que le directeur de l'ECO de l'existence d'un partenaire syndical habilité à négocier toutes les phases menant à la privatisation. Le 18 septembre, la direction de l'ECO décide d'officialiser la dissolution de la cellule ECO de Mostaganem, ce qui rend sa privatisation inéluctable. Toute la question est de savoir à qui elle va profiter. A la SESO constituée par cinq cadres, aux 18 travailleurs dont certains ont été mis au chômage ou à une autre entité qui reste à définir. Avec un patrimoine aussi consistant, les convoitises ne pouvaient que s'exacerber dans un climat d'extrême tension entre d'anciens partenaires devenus adversaires. Curieusement, les deux parties campent sur leurs positions en attendant que la justice, dans le cas où elle serait saisie, se penche sur cet épineux dossier.