La nouvelle ville de Hassi Messaoud n'aura rien d'une ville saharienne : l'architecte Azzedine Belahcène, ancien secrétaire général au Conseil national de l'Ordre des architectes et ancien président du Conseil local de l'Ordre des architectes des wilayas de Guelma et de Souk Ahras, répond à la présentation de la maquette dans le numéro d'El Watan Vendredi. Au simple regard et sans être initié, il est loisible de constater que ledit projet ne ressemble à Dubaï que dans son absence de références civilisationnelles puisqu'on n'y remarque aucun building et que les bâtiments tels programmés ne dépassent pas les 10 m. Que ledit projet est tout à l'opposé de l'urbanisme des ksour (ou selon le qualificatif de certains « saharien ») : ce dernier est dense permettant aux bâtiments de s'ombrer, les uns les autres s'entraidant contre l'intensité de la chaleur d'été. Cette densité permet aussi une solidarité pendant les froids d'hiver. L'architecture des ksour, elle, n'est pas du tout caractérisée par des bâtisses en rez-de-chaussée et un ou deux étages, bien au contraire (nous observons même un cinquième niveau avec terrasses accessibles (voir au hasard Sidi Okba dans la wilaya de Biskra !). La hauteur des bâtiments ne joue aucun rôle dans l'exposition des façades au soleil, les immeubles tels parsemés en dépit de leur hauteur n'échapperont ni à la chaleur d'été ni au froid d'hiver. (J'ai vécu le calvaire en août 1987 où j'avais eu à rafraîchir d'eau les climatiseurs pour qu'ils puissent au moins ventiler l'air, et ce, dans une cité conçue et réalisée selon les mêmes discours (cité Er Rimel ex-400 Logements ; El Oued). Quant au crépi granuleux pour les maisons qui, par son relief, permet de créer des points d'ombre… cette technique est pour sûre inefficace Oasis urbaine ? J'en doute ! Je ne suis pas à contre-courant ou autre, mais force est qu'à l'observation de l'image de ce qui est projeté, nous sommes loin et de la cité saharienne (l'oasis), de la cité moderne ni même de la cité tout court ! Nous remarquons, tels les projets de l'OPGI, des bâtiments dits « barres » et ceux dits « d'angle ». Les équipements sont programmés selon la notion anti-urbanité de zoning. Ils seront, évidemment, ceinturés de clôtures et le tout aura quelques fausses coupoles sur les dalles en béton et des ouvertures surplombées d'arrondis. Cette « fausse oasis » ne pourra se différencier des cités de logements sociaux de l'actuel Hassi Messaoud, de Ouargla, Touggourt, Souk Ahras, Alger, Oran et d'ailleurs. Cette « ville », (et la ville ne se décrète pas !), dessinée tel une esquisse d'étudiants de deuxième année d'architecture (un zonage et des tracés au té et au compas avec seul objectif la production d'une « belle planche » s'inscrit à contresens du génie de notre peuple. L'histoire nous enseigne que les cités du M'zab (entre autres, voire Le M'zab : une leçon d'architecture d'André Ravereau), ont été conçues selon les règles de l'urbanisme moderne. Certes dans les conditions et pour les exigences de l'époque (il y a dix siècles de ça !) mais qui, jusqu'à aujourd'hui, prennent en charge largement la vie sociale avec tout ce qui compose. Le seul problème qui a surgi dans les ksours est bien la circulation automobile qui ne pouvait être prévue lors de la conception. Je ne dis pas que nos autres architectes sont, automatiquement, à même de produire mieux mais un tel projet ne mérite pas d'être géré tel un petit équipement de quartier. Concevoir, une ville en 2009 sans se référer aux expériences de ce peuple bâtisseur de villes (citation d'un haut responsable du ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme) ; sans se référer aux conceptions de villes dans le monde est quand même une… De l'expérience des cités antiques des temps punique, romain, musulman, turc, français, des ksour, des casbah, des ZHUN, des Diar El Mahsoul, Diar Es-saâda, des villages agricoles, du village agricole autonome (bioclimatique et solaire), des universités de Kenzo Tange et Oscar Niemeyer, des complexes touristiques de Fernand Pouillon, des Varéco, Table-et-banches, de pré-dalles et banches, de l'université et la mosquée Emir Abdelkader de Constantine, des immeubles d'habitation avec salles de cinéma intégrée, aérohabitat ; toute cette richesse avec ses hardiesses et ses tares ; nous y voilà réduit à applaudir le tracé d'une ville qui n'en sera jamais une ! « … Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes : ce sont des dactylographes », chantait Léo Ferré…