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Crise agricole, crise du développement
Publié dans El Watan le 24 - 11 - 2007

L'essentiel des denrées de base est importé. Déséquilibre population active agricole-terres de culture disponibles. La pression démographique sur les terres a généralisé la micro-exploitation. La grande majorité de ceux classés comme exploitants agricoles n'a pas assez de terres pour s'employer plus de 100 jours dans l'année et produire le minimum indispensable à l'entretien des familles.
Cette situation présente de grandes similitudes avec celle de l'Europe des campagnes des XXIIIe et XIXe siècles : surcharge démographique, faim de terre et crises vivrières. L'émigration massive vers l'Amérique et les colonies blanches d'Australie, de Nouvelle-Zélande, d'Afrique et l'industrialisation sont venues à bout de cette crise. Durant le dernier demi-siècle, la production a été multipliée par trois et la population agricole active n'excède pas les 5% en moyenne, de la population active totale. De nos jours, les conditions pour les pays du Sud sont évidemment différentes. Les territoires sont fixés et n'offrent plus d'accueil aux flux migratoires massifs ; le développement industriel doit tenir compte, désormais, des conditions concurrentielles imposées par les pays industriels avancés. Il est clair qu'à défaut d'une alternative pour transférer les surplus de main-d'œuvre agricole vers d'autres activités, à plus forte productivité, la crise agricole et la crise de développement ne pourront que s'approfondir.
1- Surcharge démographique et déficit alimentaire
En quatre décennies, la population de l'Algérie a été multipliée par trois, passant de 10 millions en 1962 à 32 millions en 2001. Elle doit continuer à croître dans les prochaines années, selon les prévisions, à 41 millions en 2020 et 50 millions en 2050. L'exode rural a alimenté une forte croissance urbaine, sans pour autant réduire en volume le nombre de ceux qui vivent à la campagne, 7 millions en 1962 et 12,3 millions en 2001 (40% de la population totale). Après des taux de croissance très élevés — 3,2% par an (1967-1977), 2,2% (1977-1987), 1,6% en 2005 — la population connaît sa transition démographique, avec retard sur les pays de la région, la Tunisie notamment. L'indice de fécondité est en forte baisse, (2,9 enfants par femme) en réduction sensible par rapport à la décennie 1977-1987 avec 4,4 enfants.
La transition démographique prend la forme d'une élévation de l'âge au mariage; 29 ans pour les femmes, 31 ans pour les hommes. Elle accompagne, par ailleurs, l'accès des femmes au travail rémunéré (17% de la population occupée) et les gains en éducation, par la scolarisation généralisée des filles.
Cette dynamique démographique a rendu plus flagrant le déséquilibre ressources agricoles naturelles-population, déséquilibre déjà signalé dès 1930 par l'Algérie coloniale. Les superficies cultivables ne représentent que 3,5% des 2 millions de kilomètres carrés que compte le pays, 8,4 millions d'hectares, soit 0,23 ha par habitant, superficie très faible si l'on tient compte de la norme de 0,6 ha nécessaire pour couvrir les besoins alimentaires de base par la production domestique. Encore que ces terres ne sont exploitées qu'à 65%, du fait de la pratique de la céréaliculture associée à la jachère. Comme partout en méditerranée, les limites des cultures ont été atteintes. La protection des sols contre l'érosion nécessiterait même le recul des cultures et la réhabilitation de larges zones soumises à l'érosion.
Dotée d'une base foncière étroite, l'Algérie doit importer l'essentiel de sa ration calorique : blés, oléagineux, produits laitiers, sucre sont importés en grande quantité. La dépendance à l'égard des céréales, blé dur et blé tendre, qui fournissent encore 55 à 60 % des calories de la ration alimentaire, est particulièrement élevée. La production domestique ne couvre que 30 % environ des besoins ; 5 millions de tonnes de blé sont importés en moyenne pour une consommation de 7 à 8 millions de tonnes. D'ici à 2015, selon les prévisions de la FAO, les importions atteindront 8 millions de tonnes. La production plafonne à 2,5 millions de tonnes en moyenne. L'agriculture n'a pas encore fait sa première révolution agricole, celle des temps modernes qui a vu le remplacement du vieux système antique, céréales avec jachères, par le système céréales sans jachères, le passage d'un système extensif de culture et d'élevage à un système semi intensif ou intensif. Ce passage a permis à l'Europe, entre 1950 à 2000, de multiplier sa production agricole par trois.
En Algérie, depuis le début du siècle précédent, le système céréalier avec jachère est reconduit. Blés-orge occupent toujours les 4/5es des terres labourées. La productivité des terres, mesurée par le rendement des cultures, est des plus faibles : 8 à 10 quintaux tous les deux ans, 3 millions d'hectares ensemencés, 3 millions en jachère. Les rendements obtenus, tous les ans, dans les systèmes de culture sans jachère, sont de 35 quintaux USA, équivalent céréales, 80 quintaux en Europe. La Tunisie dans des conditions de climat et de sol analogues a réduit sa jachère à 13% de ses terres labourables.
La production agricole n'a donc pas fait de progrès significatifs avec un taux de croissance de l'ordre de 1% par an, croissance inférieure à celle de la population 1,6%. A consommation par tête constante, il faut importer chaque année davantage. La facture alimentaire s'est élevée en 2006 à quelque 3,6 millions de dollars. Aux nouveaux prix de 2007, ceux des céréales ont plus que doublé, ils pourraient approcher les 7 à 8 milliards de dollars dès 2008.
2- Une agriculture à surplus de main-d'œuvre
A la différence des pays industrialisés, la population active des ménages agricoles, âgée de 15 ans et plus, est encore loin d'amorcer sa décrue. Si elle baisse en valeur relative, 70% en 1954, 27% en 2001, elle triple en valeur absolue, passant de 1 032 000 (1954) à 3 349 000 en 2001.
Les terres cultivables ne se sont pas étendues en proportion de la population. Le recensement de 2001 donne une superficie agricole utile (SAU) de 8 458 680 ha, en augmentation de quelque 650 000 ha par rapport aux années 1960, 7 800 000 ha (+ 8%) ; ce qui ne laisse pas de surprendre, compte tenu des superficies livrées à l'urbanisation et aux infrastructures. Il est probable que ces terres sont gagnées sur les zones marginales, consacrées jusque-là à l'élevage ovin extensif, les plus sensibles au danger de l'érosion et de la dégradation des sols.
Les céréales, qui occupaient 3 millions d'hectares environ dans les années 1960, gagent 900 000 ha, idem pour la jachère qui s'accroît de 400 000 ha (3 350 290) ; associées, céréales et jachères occupent désormais 7 347 000 ha, soit 86,7% de la SAU totale (+ 4,7%), ce qui accentue encore le caractère extensif des systèmes de culture et d'élevage.
Chaque agriculteur recensé en 2001 ne disposait plus que de 3,3 ha en moyenne, superficie insuffisante pour l'employer et le nourrir.
La main-d'œuvre disponible sur l'exploitation excède de beaucoup ce qui est nécessaire à la production.
L'emploi dépend de plusieurs variables, la superficie disponible, le système de culture, les moyens de travail. La demande de travail nécessaire à la production, évaluée à partir de normes techniques par activité, a peu évolué ces cinquante dernières années. En 1959, les besoins de la production étaient chiffrés à 170 millions de journées de travail, 148 millions en 1970, 160 millions en 1990, 180 millions en 2000. Les changements intervenus dans les cultures, arrachage de 350 000 ha de vigne (180 jours de travail, ha), et dans les techniques de culture, motorisation ont peu influé dans la répartition entre grandes catégories d'usage du sol. Dans les années 1970, la mécanisation des cultures s'est substituée au travail manuel. Les techniques traditionnelles de labours avec les animaux de récolte manuelle ont été détrônées par les travaux motorisés plus compétitifs. La culture céréalièrs, en assolement à jachère, 83% de la SAU, a perdu ainsi plus de la moitié de son emploi. Le volume de travail nécessaire à la production est tombé de 48 millions à 12 millions de journées.
3- Des exploitations plus nombreuses et plus petites :
La démographie exerce également ses effets sur les structures foncières des exploitations, plus nombreuses et plus petites. Elles étaient 630 000 au début des années 1960 et elles sont 1 023 000 en 2001; un accroissement de 62%. La superficie moyenne par exploitation est passée de
11,9 ha à 8,26, soit moins 30%. Toutes les classes d'exploitations perdent de la superficie. Les micro-exploitation passent en moyenne de 4,74 ha à 3 ha. Les moyennes de 23 à 21,7 ha, les grandes de 273 ha à 186 ha. Les pertes les plus importantes sont enregistrées par les grandes exploitations, plus de 100 ha, dont les superficies cultivées passent de 41% de la SAU totale à 11,7% et la superficie moyenne de 273 ha à 186.
Les micro-fonds, moins de 5 ha, et les petites exploitations, de 5 à 20 ha, constituent désormais près de 90% du total des exploitations.
L'extension considérable du minifudisme, moins de 10 ha, avec 3 ha en moyenne par exploitation, qui ne peut ni nourrir ni occuper les actifs des ménages agricoles, est la conséquence des ruptures d'indivision. Le partage du patrimoine entre les héritiers, autrefois l'exception, est aujourd'hui la règle. Il conduit les héritiers à s'installer sur des exploitations de plus en plus petites. La majorité, 60% des exploitations, est sortie de l'indivision. Les ruptures d'indivision, qui créent autant de nouvelles exploitations qu'il y a d'héritiers, accompagnent le démantèlement des structures familiales. Le modèle de la
famille traditionnelle, rurale, étendue du point de vue de la parentèle et des générations, est aujourd'hui en disparition. L'unité domestique, composée d'un seul foyer matrimonial réduit aux conjoints et aux enfants, s'est non seulement généralisée dans les villes mais s'impose également dans les campagnes. Le fractionnement des exploitations n'est pas seulement la conséquence de la pression démographique sur la terre, les mesures foncières appliquées depuis la fin les années 1980 ont conduit au démembrement des grands domaines agricoles et à la généralisation de l'exploitation individuelle des terres du domaine de l'Etat, donc à la substitution de petites exploitations aux grandes exploitations. En individualisant les droits d'exploitation du domaine agricole de l'Etat hérité de la colonisation et de la réforme agraire, le nouveau régime des terres publiques a ouvert la voie au démembrement des grandes exploitations.
A la fin des années 1970, les domaines agricoles socialistes (DAS), couvraient 1200 ha en moyenne, 42% de la SAU totale avec 3 252 680 ha. En 2001, les exploitations de plus de 100 ha ne cultivent plus que 990 825 ha, soit 11,7% de la SAU. La taille (exprimée en SAU) est un facteur important de la capacité des exploitations à se moderniser et à absorber le progrès technique en agriculture.
En Europe, la diminution considérable du nombre d'exploitations agricoles et l'augmentation de la superficie par actif ont soutenu la création d'exploitations de plus en plus grandes. Les exploitations de plus de 100 ha sont les seules à augmenter en nombre et en superficie. Elles couvrent désormais plus de la moitié de la SAU totale, 56 %. A l'inverse, les moins de 20 ha disparaissent progressivement. Elles ne totalisent plus que 6% de la SAU.
Les politiques foncières et agricoles se sont efforcées de mettre en place «des exploitations viables», celles qui occupent à plein temps une unité de travail homme (UTH), le chef d'exploitation aidé ou non par les membres de sa famille, qui dégage un revenu à parité avec le revenu moyen des autres activités non agricoles. Les exploitations en dessous de ce seuil d'emploi, de revenu, disparaissent progressivement et nourrissent le mouvement de concentration des terres. En Algérie, comme d'ailleurs dans les autres pays sous-industrialisés, c'est un processus inverse qui se déroule. Les exploitations se fractionnent, la superficie par actif diminue. Le Maroc et l'Algérie sont aux plus mauvaises places. Les exploitations de plus de 50 ha ne cultivent en Algérie que 22,7% de la SAU totale, 21,8 % au Maroc, mais 40% en Tunisie, et 77% en France. L'extension du minifundisme pose le problème de la modernisation agricole. L'accès au progrès technique et agronomique n'est en effet pas indépendant de la superficie exploitée. Cette question a fait, un moment, débat. On a pu soutenir que la dimension de l'exploitation ne constituait pas un obstacle à l'adoption des technologies modernes de production ; inputs biologiques, chimiques, mécaniques… sont parfaitement divisibles. Les petites exploitations comme les grandes ont accès aux mêmes facteurs de production. Au demeurant, les fonctions objectives des petites et des grandes exploitations ne sont pas les mêmes. Les USA, qui possèdent de grandes superficies cultivables, privilégient la productivité par travailleur sur le rendement à l'hectare. La Hollande, dont les superficies agricoles sont limitées, recherche à combiner productivité du capital et du travail. Les systèmes de production sont plus ou moins intensifs en capital ou en travail selon la dotation en terre cultivable.
L'exemple de la révolution verte en Inde a cependant montré que les grandes exploitations ont davantage mobilisé le progrès technique que les petites. Dans le processus d'intensification de la culture, la maîtrise des moyens mécaniques et de financement des dépenses de production, (engrais, désherbants, semences) est évidemment essentiel pour le plein accès au progrès technique. En d'autres termes, seules les exploitations, d'une certaine dimension, suffisamment équipées, disposant de trésorerie ou ayant accès au crédit, peuvent réellement s'engager dans un processus de modernisation des techniques de culture. Une enquête menée en Tunisie du Nord sur la relation entre rendement en céréales et taille de l'exploitation, montre l'écart important entre les exploitations de moins de 50 ha et celles de plus de
50 ha. Les petites ont un rendement de 10 quintaux à l'hectare en moyenne, les grandes de 16 quintaux (+ 60%). Les exploitations de plus de 100 ha, qui cultivent 20% des superficies employées, produisent 40% des céréales. En Europe comme aux USA, les grandes exploitations, 10 à 15% de la superficie cultivée totale, fournissent de 60 à 70% de la production.
4- Le transfert de surplus de main-d'œuvre et l'alternative industrielle
Le surpeuplement des campagnes est rendu plus aigu par l'absence d'une alternative industrielle. L'Algérie n'est plus un pays agricole, elle n'est pas encore un pays industrialisé. Elle n'en affiche plus l'ambition. Depuis 4 décennies, la part de l'agriculture a sensiblement diminué dans le PIB, passant de 17% dans les années 1960 (30% de la population active) à moins de 10% en moyenne les dernières années : 8,7 en 1984, 9,5 en 2000, 9,8 en 2001. Le recul de l'agriculture ne s'est pas effectué au profit de l'industrie, qui voit également sa contribution à la valeur ajoutée totale fortement diminuée, 16% au début des années 1970, 18% dans les années 1980, 8% pour 2000-2004, 6,7% en 2005.
Le transfert de la population agricole en excédent vers d'autres activités, des secteurs à faible productivité vers les secteurs à plus forte productivité, a constitué le cœur de la réflexion sur le développement (Arthur Lewis 1950). Le transfert de la population en surnombre, soit la population que l'on peut retirer sans modifier l'outpout agricole, permet d'accroître la superficie agricole et la production par travailleur. Le schéma du cycle vertueux de croissance place l'agriculture au centre du processus d'accumulation et détermine le régime d'accumulation. Les gains de productivité de l'agriculture sont transférés à l'industrie sous forme de baisse des prix agricoles relatifs, permettant d'accroître les profits industriels.
En outre, la chute des prix réels agricoles libère du pouvoir d'achat et l'accès aux biens manufacturés. La part relative de l'alimentation décroît, tandis que celle des autres biens et
services s'accroît. Dans ce processus vertueux, le transfert de la population en surnombre, celle qui n'est pas nécessaire à la production, est l'élément déclencheur. L'économiste américain Galbraith soutiendra l'idée que le succès de l'agriculture américaine était dû à l'industrie : «Le développement industriel avait été capable de fournir à l'agriculture les moyens de sa modernisation, l'élargissement de ses marchés et l'écoulement de sa production, mais surtout d'avoir été en mesure de la soulager de son trop-plein de main-d'œuvre.» Jusqu'au milieu du XXe siècle en Europe, les industries s'implantent massivement à la campagne, offrant du travail aux paysans parcellaires qui ne sont pas pleinement employés sur leurs exploitations. Le salaire versé par l'industrie complète le revenu agricole insuffisant à la reproduction de la force de travail. De nos jours en Thaïlande, comme au Vietnam, les modalités de salarisation de la main-d'œuvre industrielle reposent largement sur la catégorie d'ouvrier-paysan. Elles permettent l'accès à un régime rapide d'accumulation. Dans les années 1970, en Algérie, un vaste programme industriel avait été mis en chantier.
La stratégie industrielle prenait appui sur l'exploitation des ressources naturelles — gaz, pétrole, minerais de fer, phosphate — pour développer des filières de production de biens intermédiaires et biens d'équipement. La recherche d'une dynamique intersectorielle avait conduit à privilégier la demande de l'agriculture en biens de production-engrais, produits phytosanitaires, machinisme agricole. L'accent est mis sur la construction de secteurs de biens de production nécessaires à la modernisation de l'agriculture, l'usine de tracteurs de Constantine (8000 tracteurs), l'usine de matériel agricole de Sidi Bel Abbès (moissonneuses-batteuses et matériels aratoires), usine de pompes et vannes de Mohammadia, celle des moteurs diesels de Tizi Ouzou.
Dans le domaine de la pétrochimie, les grands complexes d'engrais chimiques, engrais azotés et phosphatés de Annaba. Au terme d'une décennie, la demande de l'agriculture en biens de production est couverte par l'industrie locale, les consommations productives de l'agriculture se sont accrues rapidement. La progression moyenne dans l'utilisation des engrais a été de 9,5% par an, passant de 100 000 tonnes à 205 000 tonnes, le parc tracteurs et moissonneuses-batteuses a été multiplié par trois et le petit matériel d'irrigation a fait plus que quintupler. En 1984, le bilan de plus d'une décennie d'industrialisation faisait apparaître des résultats très positifs en termes de production et d'emploi. La VA industrielle atteint 18% de la VA totale, l'emploi est passé de 100 000 (1967) à 500 000. L'effort d'industrialisation est interrompu durant la décennie 1980. Les années 1990-1995 sont des années de recul industriel. La crise de la dette 1986-1999 coupe progressivement l'industrie de son marché domestique sans lui ouvrir les marchés à l'exportation. La demande d'engrais et de produits chimiques de l'agriculture s'est réduite des 2/3 après la réforme des prix des années 1990, celle des machines et des outillages agricoles produits par les complexes mécaniques de Constantine et de Sidi Bel Abbès recule dans les mêmes proportions. Les achats de tracteurs chutent de 3000 unités à 500 unités/an et l'agriculture cesse de renouveler son équipement. Le recul industriel s'est poursuivi durant toutes la décennie 1995-2005. La part de l'industrie, dont la valeur ajoutée totale a été divisée par trois entre 1986 et 2006, chute, elle, de 18,1% en 1986, 10,6% en 1998, 7,5% en 2000 et 6,2% en 2005. L'industrie a perdu 35% de son emploi. Le couplage agriculture/ industrie n'a pas été mené à son terme, les biens de consommation sont désormais largement importés et l'agriculture est revenue à un emploi extensif des facteurs de production industriels, également de plus en plus importés. Depuis la décennie 1995-2005, l'extraction et l'exportation du pétrole et du gaz se sont substituées aux développements industriel et agricole. Pétrole et gaz fournissent 98,3% des recettes d'exportation, 76% des ressources budgétaires et 45% du PIB. L'économie algérienne s'illustre par l'effet connu sous le nom du «Dutch desease» (le mal hollandais) : le développement des hydrocarbures s'accompagne de l'éviction progressive des autres activités productives.
La fin du pétrole est désormais une perspective incontournable que l'on ne peut plus feindre d'ignorer. D'ici à 2015, il faudra trouver quelque 10 à 15 milliards de dollars pour importer la nourriture dont nous avons besoin. A plus longue échéance, 2050, les réserves d'hydrocarbures seront épuisées. Il est plus que jamais urgent d'investir dans une stratégie de développement industriel capable de lever l'hypothèque lourde qui pèse sur le futur alimentaire de l'Algérie.


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