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Projet d'un site Internet et d'une fondation
Publié dans El Watan le 12 - 12 - 2007


Orpheline à l'âge de 5 ans, elle fut élevée par sa grand-mère qui travaillait comme domestique dans une ferme appartenant à une famille de colons. Son «génie» et sa vocation pour la peinture et le dessin ont été découverts par la sœur de la propriétaire de la ferme, une certaine Marguerite qui était également l'épouse d'un amateur d'art. On lui donna alors des crayons de couleur, du papier et de la glaise, histoire de l'occuper et surtout pour développer sa vocation artistique. A l'âge de 13 ans, Baya produisait déjà ses premières œuvres. «J'ai commencé très jeune. A cinq ans environ, j'avais trouvé une revue pour enfants et je m'étais mise à copier les dessins. Alors, on m'avait dit: ‘'ce n'est pas bien, c'est défendu, ça ne sert à rien de copier. Si tu veux peindre, peins ce qui te passe par la tête mais il ne faut jamais recopier''», raconta l'artiste blidéenne à un journaliste d'Algérie-Actualités en 1982. A l'âge de 15 ans, une œuvre de Baya avait rendu «fou» Aimé Maeght, un célèbre marchand d'art à l'époque, qui trouva matière à exposer dans sa galerie. «C'est cela que je veux exposer» dira-t-il à Baya. C'était l'occasion pour elle d'exposer douze grandes gouaches à Paris, au niveau de la galerie Maeght. Ce fut un large succès pour Baya vêtue de son seroual à rayures dorées et des babouches brodées, des vêtements qui sont conservés par ses enfants. En 1948, Baya qui fut également une excellente potière et sculptrice avait rencontré lors d'une exposition à Vallauris (France), le grand artiste Picasso. A propos de cette rencontre, elle avait déclaré toujours à Algérie-Actualités que : «Picasso faisait à l'époque ses fameuses assiettes. Nos ateliers étaient voisins et il venait de temps en temps me rendre visite. Nous discutions. Parfois, nous mangions le couscous ensemble. Des gens ont dit qu'il m'avait montré comment travailler. Pas du tout. Chacun travaillait en fait, de son côté. C'était pour moi, d'une certaine manière, un choc. Connaître tout ce monde, voir tant de choses. Je n'étais pas habituée.». Edmonde Charles Roux, rédactrice à la revue Vogue spécialisée dans l'art et envoyée spéciale à Vallauris pour couvrir cet événement, avait écrit : «Baya faisait corps avec son œuvre…Elle m'apparaissait comme un personnage mythique, mi-fille, mi-oiseau, échappé de l'une de ses gouaches ou l'un de ses contes dont elle avait le secret et qui lui venait on ne savait d'où… » Jean de Maisonseul, ancien conservateur du Musée d'Alger, a écrit pour sa part : «C'est le mystérieux secret de Baya, qui surgit des sources les plus lointaines du mythe et du rêve, dont certains savent retrouver la clef.» Le père du surréalisme, André Breton, émerveillé par le travail intuitif de Baya, lui consacra un long et élogieux texte dans la revue Derrière le miroir : «Baya, qui tient et ranime le rameau d'or». La «douce Baya» avait connu toutefois une période de répit pendant les années 1950, suite à son mariage dans la tradition avec El Hadj Mahfoudh Mahieddine, un chanteur de musique andalouse connu à Blida, elle se consacra à ses 6 enfants et à sa vie familiale. Après l'indépendance, l'artiste blidéenne avait produit davantage de merveilles, ce fut l'âge d'or de sa carrière. En 1978, elle avait apporté son soutien à la cause palestinienne en exposant à côté de plusieurs artistes arabes. Durant cette époque, l'influence de son époux sur ses œuvres était aussi remarquable, puisque les instruments qu'il utilisait à l'instar du luth, de la mandore ainsi que de la guitare, étaient souvent présents dans ses tableaux, une façon spontanée et surtout naïve de montrer sa fidélité envers lui. Ces instruments disparaîtront des œuvres de Baya à partir de 1979, une année fatidique pour elle, puisqu'elle perdait son bien-aimé. Cela l'avait rendue triste et mélancolique, comme l'était Baya enfant orpheline. Heureusement, elle avait trouvé dans la pratique de son art un moyen d'évasion et de refuge. Douée d'une grande volonté, Fatma Haddad a toujours rendu service à la culture algérienne. En 1982, le président français François Mitterrand lui rendit hommage après l'inauguration d'une exposition individuelle au musée Cantini à Marseille. Le quotidien français Le Monde avait écrit lors de cet événement dans son édition datée du 10 novembre 1982, «l'Algérie reste malgré tout la nation extérieure la plus présente aux expositions de Marseille, notamment grâce à l'étincelante rétrospective de Baya, cette femme peintre autodidacte, échappant à toutes les classifications établies, est l'un des sommets des manifestations marseillaises». Elle n'avait pas cessé de faire le tour du monde en exposant également à La Havane (Cuba) en 1986, à Bruxelles en 1989, au Koweït en 1990, à Washington en 1994, au Sharjah (Emirats arabes unies) en 1995, à Tunis en 1996, à Thessaloniki (Grèce) en 1997 et enfin à Ankara (Turquie) en 1998. Son passage en Turquie était pour elle son dernier périple, puisqu'elle décède le 9 novembre de cette année, à l'âge précoce de 67 ans alors qu'elle pouvait donner davantage. En 2001, une salle d'exposition dédiée à sa mémoire a été baptisée au niveau du Palais de la culture d'Alger. En 2003, plus de 70 œuvres de Baya ont été présentées au musée d'Arles dans une rétrospective de sa carrière. La galerie d'art de Sonatrach avait rendu un hommage à cette peintre, du 6 au 11 mars 2006 à l'occasion de la Journée de la femme, en exposant ses tableaux les plus connus comme Femmes avec deux vases et Femme en orange, datant de 1947, Femme avec sa fille sous le palmier de 1948, La grande harpe de 1984, Instruments avec oiseaux de 1989, et Bougeoir et instrument de 1997. Ses œuvres sont aussi présentes lors de la manifestation Alger, capitale de la culture arabe. 50 tableaux ainsi que des sculptures, jamais exposées auparavant, ont fait connaître davantage Baya, surtout pour les hôtes arabes. Quelques jours après, c'était le tour de la localité touristique de Saint Hilaire de Riez (ouest de la France) d'abriter une exposition de 25 tableaux de la défunte Baya, au niveau même du siège de la municipalité de cette ville. Son fils Othmane nous dira que les nombreux touristes, qui avaient assisté à l'exposition, ont été émerveillés par les œuvres de sa mère. Aujourd'hui, ses tableaux sont présents au niveau de la présidence et autres institutions nationales ainsi qu'au niveau de nos ambassades et consulats à l'étranger, ce qui fait de Baya un mythe qui représente par excellence la culture algérienne. D'ailleurs, l'ex-président de la République, Chadli Ben Djeddid et Abdelaziz Bouteflika sont de véritables admirateurs de ses œuvres. Malheureusement, la ville chère à Baya, Blida, ne possède aucun musée sur son territoire et Baya, avec une carrière d'un demi-siècle, risque d'être oubliée un jour, puisque rien ne perpétue son existence dans la ville des Roses. Ses enfants, notamment Othmane, comptent créer un site Internet regroupant la biographie, les œuvres, les témoignages et interviews ainsi que les articles de presse sur l'artiste blidéenne. Ils envisagent de créer aussi une fondation portant le nom de leur mère, afin de sauvegarder toute une mémoire et de perpétuer les œuvres de celle qui avait ouvert la voie à la peinture algérienne contemporaine à côté de Khadda, Rassem et Issiakhem entre autres.

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