Il est de notoriété publique que notre sport roi a touché le fond et n'arrive plus à sortir la tête de l'eau malgré les vaines tentatives de certains responsables, animés de bonne volonté mais qui rencontrent d'innombrables entraves pour mener à bien leur mission. Au fait, cette bonne volonté ne suffit pas à elle seule si elle n'est pas accompagnée de décisions politiques à même d'assainir l'environnement de cette discipline devenue par la force des choses un «centre d'attraction» pour les opportunistes ou bien un piédestal pour grimper les échelons, notamment en politique. Hachemi Djiar, l'actuel ministre de la Jeunesse et des Sports, s'est empressé, juste après sa nomination à la tête de ce secteur, d'installer une commission de réflexion dont la tâche est de proposer des solutions pour faire sortir notre football du marasme dans lequel il se trouve aujourd'hui. Certes, on ne peut guérir un mal sans auparavant bien le diagnostiquer avant de lui administrer le traitement nécessaire. Cependant, si ce traitement s'avère inefficace, on passera alors à une autre étape consistant à localiser ce mal et par la suite l'attaquer à l'aide d'un traitement de choc. Alors que le commun des Algériens peut facilement prescrire le traitement à notre football, les responsables, en revanche, préfèrent d'abord réfléchir aux maux qui le gangrènent puis proposer, le cas échéant, un semblant de traitement, voire le cautère sur une jambe de bois. Il n'est nullement, dans cet article, l'intention de contester la démarche de l'actuel ministre fraîchement installé à la tête de ce secteur et qui mérite donc un délai de grâce mais juste d'attirer son attention sur l'utilité de cette commission alors que le football algérien traverse l'une des plus sombres périodes de son histoire. Sans verser dans l'alarmisme ni dans le défaitisme, encore moins dans le pessimisme, il est certain que le football algérien connaîtra dans un avenir prochain les mêmes mésaventures que celles qu'il a vécues dans les éliminatoires de la CAN 2006 et la CAN 2008, si on ne s'empresse pas de prendre des décisions draconiennes, mêmes si celles-ci ne feront pas l'unanimité exactement comme l'avait fait Yahia Guidoum qui aura eu au moins le mérite d'avoir dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Rabah Saâdane, le nouveau patron de l'équipe nationale, l'a d'ailleurs clairement notifié lors du forum organisé par le journal sportif Echibek. Il a reconnu devant un parterre de journalistes que la mission de qualifier l'EN à la phase finale de la CAN 2010 pourrait s'avérer très difficile pour ne pas dire impossible. Quant au mondial de la même année, le même Saâdane n'a pas caché son inquiétude de voir les Verts rater le rendez-vous de l'Afrique du Sud, tellement les Africains ont progressé en la matière, alors que notre pays recule. Il faut cependant reconnaître à Saâdane le mérite d'insister sur le travail à moyen et long terme pour espérer redonner à notre football son lustre d'antan. C'est-à-dire revenir le plus tôt possible à la formation et s'occuper de plus en plus des catégories jeunes qui, dans l'avenir, alimente les différentes équipes nationales. La formation est le seul secret de la réussite, certes, mais Rabah Saâdane a mis le doigt sur l'un des problèmes qui empêchent notre football de progresser. Les causes de cette régression sont multiples et ce sont justement celles-ci qui font que les dirigeants de cette discipline sportive s'occupent beaucoup plus du résultat immédiat plutôt que de s'occuper des jeunes qui souffrent de l'indifférence au profit de joueurs de la catégorie senior, trop peu talentueux pour mériter un tel égard, encore moins de gagner des sommes mirobolantes sans la moindre contrepartie. Il faut revenir un peu en arrière pour bien comprendre les raisons qui entravent le développement de cette discipline. A partir des Jeux africains de 1975 où l'Algérie a décroché la médaille d'or en battant en finale la France, des techniciens de renom, à l'image de Mekhloufi, Soukhane, Kermali et Maouche, pour ne citer que ceux-là, avaient mis les bouchées doubles, aidés en cela par le pouvoir de l'époque, pour construire le football algérien en se basant bien sûr sur la formation et ils seront récompensés d'abord par la qualification de l'EN junior au mondial du Japon en 1979 et qui atteindra même les quarts de finale en se faisant éliminer par l'Argentine où évoluait un certain Maradona. Ensuite, en 1982 et en 1986 où ce même football a atteint les cimes de la gloire grâce à des hommes dévoués mais surtout à une gestion sans faille de l'argent public. Durant cette même période, le ministre de l'époque, Djamel Houhou, a eu la main heureuse d'avoir copié l'expérience cubaine en matière sportive. L'argent est strictement contrôlé par les entreprises publiques qui, en même temps, employaient les joueurs qui ne bénéficiaient alors que des primes des matches, en plus de leur salaire mensuel. Le nerf de la guerre étant l'argent, le désengagement des entreprises publiques a porté le coup de grâce à la discipline la plus prisée dans notre pays. La crise traversée par le pays à partir du début des années 1990 l'a encore enfoncée même si notre pays a remporté la CAN 1990 grâce à une race de joueurs qui étaient à cette époque en fin de carrière comme Madjer, Menad, Oudjani et autres. Depuis, en matière de football, l'Algérie a perdu de sa verve. Presque 20 ans de traversée de désert parce qu'on refuse de voir la vérité en face. Pourquoi alors, et sans moyens conséquents, la Tunisie, le Maroc sont toujours présents dans les grands rendez-vous footballistiques alors que nous autres algériens ne cessions de nous lamenter sur notre propre sort alors que les solutions existent, elles sont à la portée de nos mains, seulement nous nous sommes montrés incapables de les utiliser à bon escient. Il est inadmissible qu'un pays aussi riche que l'Algérie et aussi peuplé ne puisse former une vingtaine de joueurs pouvant rivaliser avec au moins les équipes africaines. Inadmissible aussi qu'un seul joueur local, Gaouaoui en l'occurrence, soit le seul titulaire de l'équipe nationale alors que le reste de l'équipe évolue à l'étranger. Un constat amer qui, malheureusement, s'inscrit dans le temps. Pourquoi sommes-nous incapables d'ouvrir des écoles de football alors que l'argent coule à flots ? La réponse est tellement évidente, «l'argent a pourri le football algérien» pour paraphraser un ancien responsable du secteur qui, lui, avait réussi à identifier le mal. Si l'argent déboursé par l'Etat pour aider les jeunes à s'épanouir prend des directions obscures, le devoir de cet Etat serait alors de tirer la sonnette d'alarme et de changer de politique de façon à améliorer les choses. Comment se fait-il que les subventions allouées aux clubs algériens ne soient touchées d'aucun contrôle à chaque fin de saison ? Il suffit que les membres de l'assemblée générale des clubs approuvent, lèvent les mains pour approuver les bilans des présidents de ces clubs, et le tour est joué. Certains vont s'offusquer de lire ces lignes. Mais au risque de se répéter, l'argent non contrôlé est le principal problème de notre football et c'est ce qui l'empêche de progresser. Si l'Etat décide de contrôler le moindre sou alloué aux clubs alors, et c'est l'évidence même, cet argent sera incontestablement exploité au profit des jeunes qui, pour toute récupération, après un entraînement intense ou un match de football, sont nourris de sandwichs aux œufs bouillis. La réalité est aussi amère lorsqu'on fait jouer des gosses avec des tenues d'été sous un froid sibérien. Peut-on alors former des jeunes qui prendront un jour la relève, alors qu'ils sont mal nourris, très mal habillés et mal soignés ? De l'avis même des spécialistes, la récupération est l'une des priorités si l'on veut que ces jeunes progressent sur tous les plans, notamment physique. L'assainissement de cette discipline passe irrévocablement par un contrôle rigoureux des finances, puis le choix des hommes qui auront à prendre les destinées des clubs en instaurant des critères très stricts pour rendre le football aux siens et enfin leur imposer de prendre en charge les jeunes, comme vient de le faire Serrar, le président de l'ESS, qui, sous les conseils de Belhout, a sillonné l'Est algérien pour dénicher les jeunes talents qui sont actuellement entièrement pris en charge et, il faut le dire, représentent un avenir certain pour son équipe. Les choses sont simples pour tous nos voisins dont la volonté de progresser est avérée. Pour nous, malheureusement, elles sont si difficiles que l'on préfère faire du surplace et attendre que la providence nous tombe du ciel pour tout au plus se qualifier à la phase finale d'une CAN, une qualification devenue le rêve de tous les Algériens tellement les déceptions se succèdent dans une discipline qu'on tue à petit feu, pour ne pas dire enterré à jamais.