Même si le public n'était pas nombreux à ce concert, Joe Batory s'est surpassé en matière de professionnalisme. Maîtrisant les moindres arcanes de la scène, il a subjugué son assistance par son talent et son courage. En effet, le décès de sa mère, cinq jours auparavant , ne l'a pas incité à déprogrammer ce rendez-vous musical avec ses fans. Prenant son courage à deux mains, et son goumbri, il a interprété d'une voix rocailleuse un des plus magnifiques répertoires gnawis, exhumé du patrimoine ancestral, le tout saupoudré d'arrangements personnels. Se définissant comme un spécialiste de l'afro-gnawi, Abdeldjaber Chaïha dit Joe Batory, en compagnie de ses acolytes, ont déchaîné les présents dès le premier morceau entonné à savoir Baba El-Arabi. Suivront d'autres titres, aussi rythmés les uns que les autres, tels que Charaba, Maya, Hamouda, Sidi Moussa, Salam Alikoum. Le public aura même droit à quelques titres de son premier album Sergou dont entre autres Lala Mira, Sebhanou, Yo Badi, Sergou, Baba Moussa, Africa, Chalaba et Djilala. Quand le goumbri fusionne avec les karkabous et que Joe lance au public : «Je ne vous entends pas», les corps se mettent à bouger dans tous les sens, avec l'incontournable chèche enturbannant les têtes ou encore entourant le cou. Le groupe Sakia est formé de cinq musiciens dont Boualem aux karkabous et au chœur, Toto à la percussion, Adlan à la derbouka et bongos et Yanis à la guitare. La musique de Sakia se décline sous la forme d'un voyage pluriel, sauf celle de la rivière. La rivière Sakia qui traverse les pays de l'ancien Soudan, ses cultures et ses tribus africaines. C'est leur manière d'affirmer qu'ils sont gnawis. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Joe Batory excelle dans le chant et le goumbri. Il a débuté par le hip-hop en 1995, en devenant le premier maître de cérémonie (M.C) algérien, attiré par la culture et les traditions gnawies par laquelle il revendiquera son appartenance au Maghreb et à l'Afrique. Du micro du MC au goumbri où il devient maître de cérémonie du diwan, Joe revient aux sources. Des 360 compositions originales traditionnelles, il apprendra, les parties du Koyobongo (le chanteur) et la maîtrise des karkabous. Il retrouve les diwans familiaux, puis forme Sakia. Il est à noter, par ailleurs, que le deuxième album du groupe, dont le titre n'a pas encore été défini, sera disponible chez les bons disquaires d'ici à la fin de l'année. Cependant, Joe Batory promet que son deuxième album sera plus acoustique qu'électronique. Parmi les autres projets du groupe figurent des tournées au Liban et en Syrie durant la saison estivale prochaine. En somme, Joe Batory et ses «potes» ont offert 2 heures de pur bonheur à des jeunes complètement accros à la musique gnawie.