Les Algériens se sont indignés par le recul incompréhensible de la pêche en contradiction avec le discours officiel qui parle de milliards de dinars d'investissements consentis pour l'acquisition d'une centaine d'unités de pêche. Recul indéniable, puisqu'il s'est traduit par la disparition des étals de la sardine, qui a atteint 300 DA/kg et, pour y pallier, le recours à son importation. Ceci, juste après que l'autre aliment populaire, la pomme de terre, ait franchi la barre des 100DA/kg. Les services concernés ont bien confirmé une opération tout à fait classique d'importation de poissons frais de Tunisie. Impossible toutefois d'avoir la quantité exacte. L'importateur est un Algérien qui réside à El Kala et muni d'un registre du commerce en bonne et due forme, puisqu'il est aussi exploitant des lacs et exportateur d'anguille. C'est une personnalité bien connue dans la région. En Tunisie, le casier de 30 kg coûte 5 dinars tunisiens, soit 300 DA. La sardine est à 10 DA/kg au détail. Pour comparaison, le merlan équivaut à 180 DA/kg. Que se passe-t-il donc sur les côtes algériennes ? « La disparition soudaine de la sardine est une situation que nous avons déjà connue par le passé », nous dit un vieux loup de mer. « En 1984, elle a fui les côtes oranaises pendant plusieurs mois et elle n'est revenue qu'après une ouaâda (rassemblement populaire festif avec le sacrifice d'animaux pour offrande aux plus démunis) à Beni Saf. Au milieu des années 1970, les pêcheurs de Collo, région réputée pour sa sardine, ont dû aller la chercher ailleurs, jusqu'à El Kala. » A El Kala, précisément, un groupe de marins pêcheurs attablés pour prendre un café à crédit, comme ils le font tous les jours depuis 8 mois, nous disent que la sardine, il y en a ailleurs mais qu'elle a disparu d'El Kala à cause de la malédiction du corail. Ils expliquent que « non seulement, ils (les pilleurs) ont ravagé les fonds avec leur raclage de bancs corallifères, mais que c'est surtout ces centaines de petites embarcations qui dérangent les bancs de sardines et les font fuir plus au large ». « Rien à voir avec le corail », rétorque sous le couvert de l'anonymat un fonctionnaire de l'administration qui veut éviter les problèmes avec les pêcheurs. « Nos gars sont un peu flemmards sur les bords. En plus, ils ne sont pas outillés et qualifiés pour aller au-delà de la bande des 5 miles où ils pêchent. De la sardine, il y en a. Il faut aller la chercher là où elle est en ce moment, c'est-à-dire dans les 20-25 miles comme le font les Tunisiens qui eux ont appris depuis le temps à utiliser un sonar », nous dit-il. Depuis quelques jours, des rumeurs de ports font état d'un retour de la sardine. Elle était avant-hier, à 10 DA/kg dans un village de kabylie. « Ce sont les conditions climatiques exceptionnelles de cette année qui sont à l'origine de la disparition de la sardine », affirme péremptoire notre vieux loup de mer qui ose un pronostic en ajoutant : « Elle sera de retour avant la fin mai. » « Ce n'est pas à nous qu'il faut demander où sont passés la sardine et le poisson, mais aux ronds de cuir du ministère qui prêtent des centaines de milliards à des gens qui n'ont rien à voir avec la pêche », nous répond un universitaire reconnu pour ses travaux en halieutique.