Les investisseurs étrangers se plaignent de plus en plus du durcissement de la politique économique, incarné par les mesures d'ouverture à hauteur de 30% du capital des sociétés étrangères d'importation à des partenaires algériens et surtout celle liée à la circulaire limitant à 49% les parts détenues par le partenaire étranger dans les projets stratégiques... Ils ont raison. Les circulaires du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ont rendu obligatoire une participation locale de 51% dans l'investissement de production et 30% dans le commerce. Ces mesures les ont beaucoup gênés. Ce qui est à mettre en évidence, ce sont ces côtés changeants d'une réglementations. Le gouvernement adopte désormais des positions plus nationalistes, plus protectionnistes alors que l'Algérie disposait déjà d'une réglementation qui organise l'investissement. Pour nous, ça va dans la bonne direction. Car l'investissement étranger doit à la fois être porteur de croissance et créateur d'emplois, de valeur ajoutée pour le pays et aussi intéresser les partenaires locaux. A notre niveau, on ne peut qu'être d'accord avec ces nouvelles réorientations. Maintenant, il faut se demander si c'est bien de fixer à 51%, est-ce que ce n'est pas trop ? Car les groupes étrangers accordent beaucoup d'importance à cet aspect, eux qui préfèrent diriger eux-mêmes leurs propres investissements. Le recours à ce type de mesures dites protectionnistes n'est pas l'apanage du gouvernement algérien. Il s'agit d'une tendance mondiale. Pour faire face aux effets de la crise économique et financière mondiale, beaucoup de gouvernements à travers le monde invoquent la préférence nationale et prennent des décisions de protection de leur économie… Oui. On n'échappe pas, nous aussi, à cette tendance mondiale. Il faut dire également que beaucoup de pays, au Moyen-Orient à titre d'exemple, appliquent des mesures similaires depuis déjà plusieurs années. Seulement, chez nous, ces mesures ont été mal présentées. On a été également un peu excessif. Peut-être que les 51%, c'est beaucoup ? On aurait dû garder le principe d'une participation et laisser à l'appréciation des partenaires le soin de fixer eux-mêmes le niveau d'intervention. L'Algérie doit préserver ces IDE, car nous avons besoin de leur apport, notamment en matière d'équipements et de technologies. Le gouvernement a aussi enjoint récemment aux sociétés étrangères d'importation d'ouvrir leur capital à hauteur de 30% au partenaire algérien... On aurait aimé que cette mesure s'applique sur les investissements touchant l'industrie que ceux en rapport avec le commerce (importation), il est fait mention d'une obligation de 51%. Je m'explique. Dans le commerce, il n'y a pas tellement de transferts de technologies à attendre, ni une souveraineté à exprimer beaucoup plus fortement. Dans les réseaux de distribution de voitures ou de médicaments, l'apport étranger n'est pas fondamental, et c'est là précisément où il faudrait impliquer à 51% et plus le partenaire algérien. Dans l'investissement par contre, on a plus besoin de l'apport que drainent les IDE en matière de mise à niveau, de création d'emplois, de transfert de technologie et naturellement, il faudrait être moins exigeant au niveau de l'actionnariat. 30% de participation des partenaires algériens me semblent donc plus appropriés. Le ministère du Commerce a mis en place, lundi dernier, un dispositif d'information pour le suivi et l'évaluation des échanges commerciaux, qui concernera, dans une première phase, les opérations d'importation… Ceci annonce-t-il, d'après-vous, de nouvelles mesures, plus vigoureuses, pour diminuer le volume de plus en plus croissant des importations ? La hausse des importations est un phénomène fondamental. Il ne doit pas nous échapper, car on ne peut pas continuer comme cela avec une balance commerciale orientée vers la hausse en matière d'importation. Ce dont dispose le pays comme réserves de change, l'argent du Fonds de régulation des recettes pétrolières, est un stock qui ne se renouvelle pas. Les cours du pétrole ne sont plus ce qu'ils étaient ; le baril est autour de 50 dollars. On ne peut donc pas soutenir, dans de telles conditions, la tendance haussière du volume des importations. Quelles devraient être, selon vous, les mesures à prendre ? Aides à la production, encouragements des capacités de production locales pour que tout ce qui peut être fabriqué localement ne soit pas importé. Selon des chiffres récents de l'Office national des statistiques (ONS), l'industrie algérienne a vu la disparition en 2008 de 54 produits et de 3 branches d'activité... Oui… Le taux de 5% qui représente l'apport de l'industrie nationale publique est en train de diminuer. Le gouvernement doit prendre des mesures d'appui et d'aide au système productif local. C'est ce qui doit être fait. Justement, n'avez-vous pas l'impression qu'il existe un décalage entre le nouveau discours du gouvernement axé sur le protectionnisme et la préférence nationale et la réalité des mesures prises. Comment peut-on à la fois s'accrocher à l'accord d'association avec l'Union européenne, adhérer à la zone arabe de libre-échange et ouvrir le marché national aux quatre vents et soutenir dans le discours la protection de l'économie nationale ? Cette approche est un peu excessive. On ne peut pas remettre en cause totalement ces accords, parce qu'il y va de la crédibilité de l'Algérie. On a signé avec l'UE, la zone arabe, on ne peut pas revenir sur ces engagements. L'Algérie est-elle dans son droit d'invoquer les clauses de sauvegarde ? Il faut du temps pour invoquer les clauses de sauvegarde. Il faudrait au minimum une période de deux ans après la signature. En plus, il faut la preuve que le libéralisme mis en œuvre porte atteinte à des secteurs d'activités bien précis. En parallèle, rien ne nous empêche d'avoir une politique active de remise à niveau, de formation des ressources humaines, un meilleur financement de l'économie, une diminution du poids excessif de la bureaucratie, un meilleur accès au foncier. Sans renoncer à la politique libérale, on peut tout aussi armer la production nationale.