La maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou abrite, depuis le 7 mai dernier, les Journées maghrébines du théâtre amazigh. Treize troupes participent à cette manifestation, première du genre, qui se poursuivra jusqu'au 12 du mois en cours. Deux d'entre elles viennent de Tétouan et d'Al Hoceïma (Maroc). En plus des représentations théâtrales, les organisateurs ont prévu également des ateliers de formation sur la dramaturgie et sur l'expression corporelle dans l'art dramatique ainsi que des conférences traitant du même thème. Fouzia Aït El Hadj, metteur en scène, directrice du Théâtre régional de Tizi Ouzou (TRTO) et présidente de ces journées, fera remarquer au sujet de ce festival : « Il n'y a jamais eu ce genre de rencontres, ni de festival du théâtre amazigh depuis l'indépendance (…). Notre objectif à travers l'organisation de ces journées est de répertorier, classifier et étudier les différentes créations dramatiques en langues berbères et de poser les jalons qui permettraient son développement sur le plan dramaturgique, artistique et scénique. Nous espérons élargir la manifestation aux langues authentiques de la région méditerranéenne. Au Maghreb, nous sommes déjà cinq. Il y a aussi d'autres langues comme le basque, celle des îles Canaries ou le corse, et nous voudrions leur donner la chance de s'exprimer. Nous avons contacté une troupe mauritanienne amazighe, mais malheureusement elle n'a pas pu venir à cause de la situation politique dans le pays. » Côté spectacle, c'est la troupe du TRTO qui a ouvert le bal avec une pièce intitulée Sinistri adaptée de l'œuvre du dramaturge Mohia (1950-2004) et mise en scène par Kamel Yaïche. Dans une salle archicomble, Allam Samy et les autres comédiens de la troupe ont bien campé leur personnage dans cette comédie satirique qui narre l'histoire d'un avocat escroc. Le deuxième spectacle de la journée, Ulac el harga ulac (pas de harga) a été présenté par la troupe d'Iferhounène (Tizi Ouzou). Mise en scène par Houche Abderrahmane et interprétée par des jeunes amateurs, cette pièce est d'une brûlante actualité, puisqu'elle traite du phénomène des harraga. Les scènes se déroulent dans une place d'un village kabyle appelé « Virage ». Elles traitent des problèmes de chômage, des fléaux sociaux, la tchippa (corruption), le favoritisme, le visa, le suicide. Un jeune raconte à ses amis l'aventure des harraga africains, vue à la télévision. Chemin faisant, il les persuadera de construire une barque pour prendre le large. Au milieu du voyage, la barque chavire et c'est le naufrage. Les morts sont recueillis et ramenés à la place du village. Ils reviennent à la vie, « réincarnation », pour exprimer leurs regrets et dénoncer les causes qui les ont poussés à risquer leur vie. Puis, ils interpellent les autorités pour qu'elles règlent les problèmes de la jeunesse, afin que celle-ci puisse rester dans son pays. A défaut, « la harga changera de camp », menacent les revenants, invitant les gouvernants à décamper en lançant un pathétique « Barra ! » (partez !) Les 9 comédiens de la troupe n'ont pas manqué d'imagination et de jeu scénique pour épater le public qui répondait par des applaudissements et des youyous à chaque envolée. Pour rappel, cette même pièce a décroché le 1er prix lors de Festival du théâtre amazigh qui s'est déroulé récemment à Tizi Ouzou. Le 24 avril dernier, la troupe d'Iferhounène a été sélectionnée pour prendre part au Festival du théâtre de Mostaganem. Sur 12 troupes en lice, elle s'est adjugée la première place. Hier vendredi, ce sont les troupes de Béjaïa (TRB) et la troupe de Casablanca (Maroc) qui étaient programmées. Dans la matinée, une conférence-débat sur le théâtre a été animée par Abdelkarim Barchid, Benachour Bouziane et Abdel Hakim Ibnoussina.