A l'instruction judiciaire, actuellement en cours, a jusqu'à l'heure actuelle focalisée sur les dirigeants de la Cnan, compagnie à laquelle appartiennent les deux navires. Pourtant, les opérations de secours en mer, en général, et dans les ports, en particulier, relèvent exclusivement des gardes-côtes et des entreprises portuaires. L'on se rappelle que le 13 novembre 2004, à la veille de l'Aïd, les premiers appels au secours (il y a eu une centaine, selon une source proche de la capitainerie) lancés par le commandant du Béchar ont débuté vers 14h lorsque la houle commençait à faire tanguer le navire. Ce dernier étant en panne, il ne pouvait bouger de la jetée Kheireddine, où il avait été amarré quelques jours avant sur décision de l'Entreprise portuaire d'Alger (Epal), faute de place dans la rade. Il devait subir des réparations au chantier naval de l'Erenav à Béjaïa, le 25 novembre 2004. Une raison pour laquelle il n'avait pas son certificat de navigabilité, a expliqué une source proche de la compagnie maritime. Celle-ci a expliqué que la gestion de l'espace maritime à partir de la jetée Kheireddine relève des gardes-côtes, alors que celui de la rade incombe à l'Epal. « Lorsque les premiers appels au secours commençaient à parvenir à la capitainerie et aux gardes-côtes, les responsables de la Cnan ont demandé des remorqueurs pour faire sortir le navire et l'emmener au large. Mais la réponse était toujours : attendez, les secours arrivent. Les remorqueurs de l'Epal étaient occupés à dégager des bateaux chargés de marchandises lorsque la priorité en situation de détresse est au sauvetage des vies humaines. Lorsque les vents devenaient de plus en plus violents, les responsables de la compagnie ont fait appel aux gardes-côtes pour leur demander des hélicoptères de remorquage en mer que l'Armée algérienne possède. Mais ces appareils ne sont pas venus. C'est le chef du gouvernement qui a décidé en fin de journée de faire appel à son homologue espagnol pour envoyer ces fameux hélicoptères, mais c'était trop tard. Le bateau était pris au piège des vagues qui l'ont envahi de toutes parts, jusqu'à ce qu'il coule complètement et à son bord les marins ». Une fin tragique qui aurait pu être évitée si les responsables de l'Epal et ceux des gardes-côtes avaient réagi rapidement pour coordonner l'opération de secours en mettant en action les remorqueurs ou les hélicoptères de sauvetage en mer. Ces appareils ont été utilisés lors des nombreuses manœuvres militaires effectuées par la marine nationale avec les forces de l'Otan au large de la Méditerranée. Ce qui prouve qu'il y a eu défaillance dans le circuit de l'organisation des secours au port d'Alger et cela a montré que la responsabilité dans ce tragique naufrage semble être partagée entre les trois parties impliquées dans cette opération. Pourtant, lors de l'instruction judiciaire, seuls les cadres de la Cnan ont été inculpés. Les responsables des deux autres structures ont été entendus en tant que témoins dans cette affaire. Cette situation laisse planer le doute sur le traitement judiciaire de cette affaire. Des voix se sont élevées contre « la célérité et la facilité »avec lesquelles les mises sous mandat de dépôt ont été lancées par le juge d'instruction à l'encontre des dirigeants de la compagnie maritime pour, entre autres, homicide involontaire. « Même si le principe de l'inculpation de ces cadres est indiscutable, celui-ci pose néanmoins le problème du recours à la détention provisoire, une mesure qui, selon la loi, est exceptionnelle, mais du point de vue des juges, on a tendance à être systématique. Ce sont de hauts cadres qui offrent toutes les garanties pour répondre de leurs actes devant la justice. Des mises sous contrôle judiciaire auraient suffi en attendant le verdict du tribunal. La présomption d'innocence est à ce stade de l'enquête consacrée », a déclaré un des avocats des inculpés. Selon lui, ces inculpations « cachent quelque chose que nous ignorons ». « Il y a comme une volonté manifeste de faire porter le chapeau de cette tragique affaire à une seule partie, dont la responsabilité reste difficile à déterminer au vu des lois qui régissent l'espace maritime », a-t-il fait remarquer.