Alors que le pays s'engage dans une voie étroite vers un développement incertain, la nouvelle d'une réhabilitation de la formation supérieure agronomique, dont l'antre fut l'ancien ITA, est tombée comme une pluie bienfaisante. Porté par le professeur Seddiki depuis sa venue aux affaires au niveau de l'université, le projet serait en bonne voie de finalisation au point où, lors d'une rencontre avec les chercheurs de la faculté des sciences agrobiologiques, le recteur a fait des recommandations. A savoir la nécessité de s'inscrire dans une vision à la fois moderne, avant-gardiste et pragmatique. Il ne s'agirait donc pas de donner quelque espoir aux nostalgiques d'un temps révolu mais de se porter franchement et sans plus tarder vers de nouvelles méthodes, avec de nouvelles formules, de nouvelles orientations d'enseignement et de recherche et surtout avec de nouveaux hommes, au moins aussi valeureux que ceux ayant façonné l'ITA durant les années 70. A l'époque, le pays allait s'engager dans une révolution agraire et se devait de l'accompagner par un encadrement de qualité avec des « hommes purs, durs et sûrs », selon la célèbre formule de Med Tayebi Larbi, ministre de l'Agriculture de Boumediene. Ce dernier, à la fin de son règne, était venu à l'ITA présider la cérémonie de sortie de la promotion « Chinoise », celle qui devait offrir au pays près de 1000 ingénieurs d'application. Lors d'un discours historique, probablement l'un de ses derniers à l'intérieur du pays, il avait alors annoncé l'ouverture d'une université des sciences agronomiques. A la mort de son promoteur, le projet sera définitivement abandonné. meilleure connaissance des potentialités agronomiques Cette formation spécifique sera progressivement intégrée dans le moule de l'enseignement supérieur lors du rattachement de l'ex-ITA au centre universitaire en septembre 1997. Depuis, la qualité de cet enseignement déclinera impitoyablement vers l'insignifiance. C'est donc avec un immense espoir que la nouvelle de l'érection d'un pôle d'excellence a été accueillie par la communauté agronomique. Mais, comme ne manquera pas de le souligner le recteur, ce nouveau départ devra obligatoirement se traduire par l'érection d'une formation bâtie autour d'un double ancrage. Celui de la modernité technologique avec la maîtrise des biotechnologies, du génie génétique, de la transgénèse, des OGM, des bioprocédés, de la biodiversité et des nouvelles ressources biologiques ; mais aussi celui d'une meilleure connaissance des potentialités agronomiques des hommes et de la terre nourricière en vue d'un accompagnement raisonné du développement humain. Car, pour la paysannerie algérienne, les nouveaux défis ne peuvent être identifiés et maîtrisés sans une parfaite connaissance du potentiel végétal et animal du pays. Il se trouve qu'à l'exception de quelques cultures comme la pomme de terre, l'oignon, la tomate et l'élevage avicole dont les performances permettent un approvisionnement indigène du marché, les autres spéculations continuent de tourner le dos aux progrès pourtant possibles sous d'autres cieux. Curieusement, les agronomes encore capables de porter ce projet et de le faire aboutir observent une réserve inexplicable. S'il est vrai que le challenge n'est pas une sinécure, tant les retards accumulés sont prégnants, il n'en demeure pas moins que nos prédécesseurs, à l'instar de Hadj Benabdallah Benzaza, nous ont légué une farouche volonté de relever tous les défis. Ceux de la relance d'une formation supérieure agronomique qui puisse hisser la production agricole à un niveau de performance digne d'une nation fière de son indépendance économique et technologique. En dehors de toute nostalgie de mauvais goût, ils sont très nombreux à croire que ce défi ne peut pas ne pas se parer du nom de celui qui fut pendant longtemps le véritable métronome de la formation agronomique nationale. Ce digne fils de Mostaganem, patriote par devoir – il fut fidaï durant la guerre de libération – mérite une réhabilitation posthume dont il a été injustement spolié suite à la dissolution de l'ex-ITA, qui portait alors son nom. De même qu'il était impossible de dissocier le nom de l'ITA de celui de Mostaganem, il n'est plus possible de faire l'impasse sur celui qui en fut l'infatigable artisan.