Bouziane Ben Achour récidive, après Le Théâtre algérien, de 1988 à nos jours, avec un second ouvrage sur l'art des tréteaux. En effet, Le Théâtre algérien, une histoire d'étapes », édité aux éditions Dar El Gharb, est un ouvrage qui traite, sans aucun jeu de mots, de l'archéologie du 4e art. L'auteur revient, tout au long des 199 pages de son ouvrage, sur les longues étapes du mouvement théâtral national comme si, au-dessous des péripéties politiques et de leurs épisodes, il entreprenait de mettre à jour les équilibres stables et difficiles à rompre de l'art des planches. Il aborde ses processus irréversibles, ses régulations constantes, les phénomènes tendanciels dominants qui s'inversent après de longues continuités, les mouvements d'accumulation et les saturations lentes. Il s'attaquera, sans complaisance aucune, aux « grands socles immobiles et muets » que l'enchevêtrement de l'histoire contemporaine, la floraison de coopératives et de pièces recouvertes par une épaisseur d'événements au point de sombrer dans l'oubli. Il exhumera, tel un historien, les notions de « coopératives », de « compagnies » ou « des hommes-locomotives » qui permettent d'établir entre les phénomènes simultanés ou successifs d'une étape de notre mouvement national - de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1970 - une communauté de sens, d'établir des liens symboliques qui, finalement, font resurgir un principe de cohérence et d'explication d'une conscience collective aiguë chez les architectes du mouvement théâtral national sous ses différentes facettes. D'ailleurs, l'auteur écrira, dès le premier chapitre : « Tentant le difficile compromis entre une authenticité fuyante et une transgression sans cesse différée, imposée du reste par la marche du temps, le théâtre algérien de l'après-Deuxième Guerre mondiale aura été, dans ses flux sincères et ses reflux désordonnés, le théâtre de la course pathétique après le cachet de la spécificité culturelle. » Ces synthèses, Bouziane Ben Achour ne les problématise pas, mais il montre qu'elles sont toujours l'effet d'une construction dont il s'agit de connaître les règles. Il montre, à travers plusieurs chapitres, que certaines sont légitimes tout en les mettant à l'abri d'une critique qui les mette hors d'usage. Cependant, il se refuse à prendre appui sur elles-mêmes provisoire. C'est ainsi que Bouziane Ben Achour en allant un peu plus loin, revient dans cet ouvrage, comme par un nouveau tour de spirale sur « les filiations politiques et philosophiques de cette mouvance culturelle (rarement mise en évidence) pour dire les destins de ces hommes et femmes qui ont le mieux incarné l'Algérie désirée, l'Algérie des vœux et celle des contradictions ». Il évoquera, tour à tour, la grandeur et le talent des précurseurs du mouvement théâtral national, entre autres Mahieddine Bachtarzi et Rédha Houhou, et des pièces cultes (Bilal Ben Rabah, L'Orpheline, La Fréquentation ou Le Père injuste) tombées hors du temps et figées maintenant, hélas, dans un mutisme, le moins que l'on puisse dire, irréversible. Cela étant dit, l'auteur, lui-même homme de théâtre et dramaturge, en évoquant une floraison d'œuvres individuelles, en déchiffrant les textes, voudrait faire saisir au lecteur que la spécificité du mouvement théâtral national dans ses combats, ses rechutes, les obstacles contournés, les conditions de son apparition, son évolution, les règles auxquelles il est soumis et les discontinuités qui le scandent sont un héritage commun, non seulement à exhumer mais aussi un patrimoine à partager. Tel est l'enseignement qui se dégage de l'ouvrage de Bouziane Ben Achour. Le théâtre algérien Bouziane Ben Achour (Une histoire d'étapes) Editions Dar El Gharb 2005/ 207 pages