Parsemé de splendides oasis qui font rêver les touristes, le Gourara, situé au nord d'Adrar, offre un paysage paradisiaque. Cependant, dans ce paysage de carte postale tout n'est pas rose. La culture de l'opium et du cannabis occupe de plus en plus de place dans les mœurs locales. Par besoin économique, les populations locales les cultivent, pour améliorer leur quotidien, au même titre que… le blé, les petits pois ou les fèves. Avec leurs parfums discrets qui flottent dans l'atmosphère, ces plantes à l'esthétique effilée font désormais partie de ses oasis, où dans certains endroits elles sont omniprésentes. On savait que la région du Gourara a, depuis des ères, constitué un fragment vital de l'axe de communications qui liait les pays du nord de l'Afrique à ceux du Bilad El Soudan, les pays des Noirs. Le commerce était alors florissant, des caravanes venant de Fès, de Tlemcen, de Tunis, de Tripoli, de Gao et du Soudan se croisaient inévitablement dans le Touat. Parsemé de splendides oasis qui font rêver les touristes, le Gourara, situé au nord d'Adrar, offre un paysage paradisiaque. Divers produits étaient échangés, l'or figurait en bonne place des marchandises qui transitaient régulièrement par cette région. Timimoun. De notre envoyé spécial La culture de l'opium était pratiquée un peu partout dans les jardins privés, les potagers et les vergers, mais jamais à grande échelle. Historiquement, l'Algérie n'est pas connue comme étant un pays producteur. Selon certains auteurs, la consommation du kif remonte au XIIe siècle et est intimement liée au mysticisme. C'était à l'époque où le soufisme était à son apogée. Mais la culture du cannabis et surtout celle du pavot d'opium sur des superficies immenses sont un phénomène nouveau. Cela inquiète beaucoup les autorités du pays. La région du Gourara est-elle en passe de devenir aujourd'hui un lieu de prédilection pour la production de ces drogues ? Les spécialistes n'ont de cesse de tirer la sonnette d'alarme. Certes, cette année, il n'y a pas eu de grosses saisies, contrairement aux deux précédentes années. Les gendarmes ont eu à saisir lors de leurs différentes opérations de cette année 1889 pieds d'opium et 326 autres de cannabis. Cette drogue a été découverte dans sept champs d'une superficie totale de 12 ha près de certains ksour de Timimoun, Charouin et Aougrout. Depuis le début de l'année, les services de la gendarmerie ont arrêté et déféré à la justice huit personnes, et ont découvert 215 g de grains d'opium et 25 g de cannabis traité. Loin des grosses prises qui ont été enregistrées en 2008, où la gendarmerie avait découvert et détruit près de 76 241 plants de pavot, 8530 plants de hachisch (cannabis), produits dans un total de 43 champs à travers la région du Gourara. Les mêmes services avaient également mis la main sur 15,103 kg de graines destinées à la semence de différents types de plantes utilisées dans la culture de la drogue. Pourquoi cette année il n'y a pas eu de grosses saisies ? Les agriculteurs ont-ils tendance à abandonner cette culture ? Le capitaine, chef de la compagnie de Timimoun, affirme que « la majorité de ceux qui s'adonnaient à la culture de cette drogue se trouve aujourd'hui en prison ». Depuis l'apparition de la culture, en grandes quantités, de cannabis et d'opium dans la région du Gourara, 86 personnes ont été déférées à la justice et mises sous mandat de dépôt. « Telle est la raison pour laquelle les saisies ont diminué considérablement », selon cet officier de la Gendarmerie nationale. Mais ce n'est pas ce que disent des citoyens à Timimoun. « La culture du cannabis et de l'opium a toujours fait partie des us des populations d'ici, et ce n'est pas aujourd'hui qu'ils vont l'abandonner », soutient un septuagénaire, vendeur de roses de sable, rencontré à Ighzer. La culture de l'opium ancrée dans les mœurs locales La culture de l'opium et du cannabis dans la région d'Adrar faisait partie des traditions de la région avant que ce phénomène ne prenne de l'ampleur avec sa culture à grande échelle. Une réalité que reconnaît l'officier de la gendarmerie, qui n'a pas manqué d'avertir les cultivateurs : « Il pourra y avoir un retour dans les champs au cours des prochaines années. » La saisie de grains d'opium prouve d'ailleurs que le « danger » de ce trafic reste omniprésent. Parmi les prises enregistrées par les éléments de la Gendarmerie nationale, on trouve aussi du cannabis traité ou de l'opium traité. Une preuve qu'il existe également des laboratoires de traitement dans la région de Ksar Aguenet. C'est dans cette localité que le plus gros lot de plants de cannabis et d'opium a été enregistré au mois d'avril dernier. Les gendarmes de Timimoun ont découvert dans quatre champs suspects 1212 plants d'opium et 200 g de graines d'opiacé. Les propriétaires de ces « parcelles » ont usé d'incroyables stratagèmes pour éloigner tout soupçon. Ils ont recouru à une sorte de « bouillon de culture » de drogue mélangé avec soit du chou, du concombre ou des petits pois. Ces légumes, grâce à leurs fleurs de couleur violette, ressemblent beaucoup à celles des plants d'opium. Ceux qui s'adonnent au trafic de la drogue profitent en effet de l'abondance de l'eau dans les nappes phréatiques, du reste bien gérée par le système des foggaras et détournent pour leur propre compte le savoir-faire local en matière agricole, en vue de faire fructifier leur commerce illicite. « Pourquoi retrouve-t-on au milieu de certains champs de la cendre ? », s'est-on interrogé. « C'est un indice que les fellahs, propriétaires de ces parcelles, se sont hâtés de brûler leur récolte avant de prendre la fuite », soutient l'officier. « Dès qu'on arrête une personne, les autres (cultivateurs, ndlr) qui se trouvent dans une autre région, se mettent à arracher leur récolte », affirme-t-il. Les traces prêtent à croire que des quantités énormes échappent à la vigilance des services de sécurité. Surtout dans des endroits que ces derniers ne peuvent atteindre en dépit des moyens logistiques dont ils disposent. Les oasis qui se trouvent dans le fin fond de l'erg occidental et la très vaste région de Talmine sont impossibles d'accès. Le cannabis cultivé sur les terrasses des maisons Souvent, les narcotrafiquants profitent de l'éloignement de ces oasis pour s'adonner en toute quiétude à leur « sale » culture. Et comme les gens du Sud sont difficiles à faire parler, notre interlocuteur reconnaît la difficulté de ses services à recueillir des renseignements dans ces endroits. Les effectifs semblent lui faire également défaut pour couvrir toute la superficie du Gourara. « Il faut peut-être penser à créer d'autres brigades dans les endroits très éloignés », dit l'officier de la gendarmerie, bien qu'il soit difficile, selon lui, d'arrêter totalement la culture de l'opium. La raison : « De petites quantités seront toujours cultivées pour des consommations individuelles. » Parler de la culture de la drogue à Timimoun fait parfois rire certains, tellement cela fait partie des mœurs locales. Sauf que ces derniers temps, la tendance penche plutôt vers la culture de l'opium, alors que par le passé, les narcotrafiquants cultivaient du « hachisch » dont les graines parvenaient de pays voisins. Très rentable, « le nouveau métier » fait tache d'huile. Avides de gains faciles, des cultivateurs n'hésitent pas à transformer leurs parcelles de terrain en champs de culture de la drogue. C'est en raison de la découverte de quantités record l'an dernier, que la compagnie de la gendarmerie de Timimoun est cette année sur le pied de guerre. Les différentes brigades qui lui sont rattachées ont passé au peigne fin une soixantaine de champs considérés comme étant suspects. « Nos éléments font en moyen trois champs par jour », assure le capitaine. La gendarmerie de Timimoun compte même faire du porte-à-porte pour mettre hors d'état de nuire les familles qui n'hésitent pas à planter le cannabis ou l'opium sur les terrasses de leurs maisons. « Nous détenons des renseignements que des familles cultivent de la drogue chez elles, nous allons procéder à la fouille de toutes les maisons suspectes », nous affirmera l'officier. Les services de la gendarmerie font état cependant d'« une certaine prise de conscience chez des citoyens qui n'hésitent pas à participer à la lutte contre la culture de la drogue ». Pas seulement. « Les portes ouvertes de la Gendarmerie nationale sur la prévention, sur le danger que constitue cette culture, ont joué un rôle important dans cette prise de conscience. »