A la veille de l'élection présidentielle, des voix fusent de partout appelant au rassemblement des démocrates. Le « système politique » se perpétue par la réélection du président Bouteflika. Il faut donc le changer. Tous les démocrates sont d'accord. Aux partis représentant cette mouvance s'ajoutent des personnalités politiques et autres intellectuels qui prônent le changement démocratique. Des projets naissent. Mais une fois l'ancien-nouveau président investi dans ses fonctions, l'opposition perd la voix, les appels à l'union des démocrates cessent et les espoirs d'un changement s'affaissent. L'idée d'un projet rassembleur est-elle abandonnée ? Les forces démocratiques n'arrivent-elles toujours pas à accorder leurs violons, à enterrer leur hache de guerre et se rassembler autour d'une même initiative ? Pour Ahmed Benbitour, économiste de renom et ancien Premier ministre, plaidant pour une alternative démocratique dans le pays, le projet lancé dans le sillage du dernier scrutin présidentiel n'est pas totalement abandonné. Mais il admet qu'il est toujours en état d'initiative. « J'ai contacté beaucoup de personnes auxquelles j'ai expliqué ma perception des choses et présenté ma façon de préparer le changement démocratique. La vision ‘'scientifique'' appréciée par nombre d'entre eux. Mais pour pouvoir aller de l'avant, il faut un cadre institutionnel bien organisé qu'on peut trouver au sein de partis et organisations militant pour la démocratie », estime Ahmed Benbitour qui affirme que « ce sont ces institutions qui peuvent faire avancer le projet ». L'ancien chef de gouvernement considère toutefois « insuffisants » les appels lancés à travers la presse pour concrétiser cette initiative dans laquelle s'inscrivent beaucoup de personnalités démocratiques. « C'est aux partis de réunir ces personnalités et d'œuvrer pour fédérer les forces démocratiques en mettant en place, notamment, un programme d'actions pour le changement », estime-t-il. Si Ahmed Benbitour accorde aux partis le rôle le plus important, ce n'est pas le cas de Abdeslam Ali Rachdi pour lequel « les partis d'opposition sont devenus inutiles, sauf à servir de faire-valoir à un régime autoritaire, mais soucieux de son image à l'étranger ». Pour cet ancien cadre du FFS, il faut aller vers la création de ce qu'il appelle « une dynamique citoyenne ». « Aujourd'hui, le camp démocratique est atomisé et donc condamné à l'impuissance. » Il lui faut, pense-t-il, « impérativement trouver le chemin de l'unité et définir une stratégie pour le changement. Les citoyennes et les citoyens, en apparence résignés, n'ont jamais perdu espoir », ajoute notre interlocuteur. « Nous avons le devoir de répondre à leurs attentes », déclare Abdeslam Ali Rachedi. Rassembler les forces démocratiques autour d'une seule initiative doit, à ses yeux, nécessairement passer par l'établissement d'un état des lieux et l'élaboration d'une feuille de route en ouvrant le débat et sans mettre de préalables. « Ce débat, précise-t-il, devrait concerner tant des acteurs partisans et des personnalités politiques du camp démocratique que des animateurs du mouvement associatif, des représentants des syndicats autonomes, des membres des mouvements féministes, des défenseurs des droits de la personne humaine, des militants de la cause amazighe, des journalistes, artistes et intellectuels. » Mais il n'y a pas que cela. Pour lui, il est aussi nécessaire de savoir qui est démocrate et qui ne l'est pas en Algérie. « Il y a des islamistes qui se disent démocrates », prévient-il. Abdelhak Brarhi, animateur du CCDR, attribue l'échec des différentes tentatives d'unification des démocrates à deux facteurs : le subjectisme et les préalables des uns et des autres. « Nous avons toujours montré notre disponibilité à aller de l'avant pour tout projet d'unification des rangs des démocrates. Mais le problème qui se pose à chaque initiative, c'est à la fois la lutte de leadership, le subjectivisme et les préalables à toute union », souligne-t-il. Pour cet ancien ministre de l'Enseignement supérieur de l'époque de Chadli Bendjedid, si les démocrates veulent unir leurs forces de frappe, il faudrait qu'ils mettent de côté leurs préalables et s'entendent sur ce qu'il appelle un « smig démocratique ». Peuvent-ils un jour le faire sans enfourcher les chevaux de l'invective ? Les deux principaux partis représentant la mouvance démocratique se sont, semble-t-il, résolus à ne jamais s'entendre. Si le RCD adhère à l'idée d'unir ses forces démocratiques notamment avec le FFS, ce dernier, en revanche, a une autre conception de la chose. Le FFS affirme être toujours attaché à une construction démocratique à plusieurs. Mais comme le souligne son premier secrétaire, Karim Tabbou, il reste « allergique à toute forme d'alliance du hasard, d'appareils et populiste ». Comme il rejette « toute construction aux relents sectaires ou tribalistes ». Pour ce parti, la lutte démocratique il la mène « au quotidien » sur le terrain avec les syndicats autonomes, les associations, les organisations de masse... De l'avis de nombreux observateurs, cette mésentente endémique entre ces deux formations (le FFS et le RCD) et l'absence d'autres partis, au capital militant aussi riche, participent amplement à la démobilisation nationale pour une alternative démocratique.