Le manque à gagner induit par l'évasion fiscale dans les transactions commerciales en Algérie dépasse annuellement 200 milliards de dinars, soit près de 3 milliards de dollars, révèle Boulenouar Hadj Tahar, chargé de la communication et porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). « Le phénomène prend des proportions alarmantes. Il met en péril l'économie nationale. Si les choses restent en l'état, le manque à gagner sera encore plus important », a-t-il averti, hier, lors d'une conférence de presse organisée au siège de l'annexe de l'APC des Eucalyptus (Alger). M. Boulenouar conteste même le chiffre avancé par la direction générale des impôts (DGI). « La DGI a donné un chiffre de 70 milliards de dinars d'évasion fiscale. Il est loin de la réalité », dira-t-il. Soutenant que les symptômes de ce phénomène sont nombreux, il cite, entre autres, la prolifération des marchés informels et la hausse du nombre des faux registres du commerce. Sur ce point, le porte-parole de l'UGCAA affirme encore que 10% des registres du commerce inscrits au Centre national du registre du commerce (CNRC), sous tutelle du ministère du Commerce, sont des « faux ». « Parfois, le propriétaire du registre du commerce n'existe pas. Il y a même des registres du commerce qui se vendent dans les marchés », note-t-il, en indiquant que 80% des transactions commerciales se font sans aucune facturation, alors que 70 à 80% des transactions utilisent le « cash », comme moyen de payement. M. Boulenouar relève que près de 900 000 sur les 1,2 million de commerçants inscrits au CNRC ne payent pas leurs cotisations à la Casnos. « Il existe une relation très étroite entre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent. De nombreuses personnes recourent au blanchiment de leurs fortunes dans l'activité terroriste, le marché parallèle et l'immobilier. Des sommes faramineuses sont utilisées également dans l'importation et la commercialisation de la drogue », dénonce-t-il. L'UGCAA a rédigé une série de propositions à soumettre au gouvernement afin de lutter efficacement contre la fraude fiscale, selon le conférencier. La première mesure concerne la constitution d'une institution nationale rattachée à la présidence de la République, regroupant les ministères des Finances, du Commerce, de la Justice et de l'Intérieur, dont « la mission sera de protéger l'économie nationale des crimes économiques ». « Ces différents départements agissent de manière dispersée. Il n'y a pas de coordination ente eux », déplore-t-il. La seconde proposition a trait à la révision de la législation fiscale de manière à « réduire les charges fiscales et parafiscales sur les commerçants et autres artisans ». « La loi actuelle ne pourra pas éradiquer ce phénomène. Même la multiplication du nombre des contrôleurs ne donnera pas des résultats probants. Le problème ne peut être résolu que si l'on décide d'aller vers les causes », argue-t-il. Autres propositions avancées par M. Boulenouar : l'obligation d'utiliser les chèques lors des transactions commerciales, la facturation durant l'achat et la vente de produits ainsi que la rationalisation des dépenses publiques.