C'est une première dans un pays a majorité musulmane. Tout un symbole. Mais aussi un fort message de tolérance. La cérémonie de la béatification des 19 religieux catholiques, assassinés en Algérie durant la sanglante période du terrorisme, est à ce titre un événement inédit. Souhaitée par l'Eglise catholique d'Algérie et le Saint Siège et fortement soutenue par les autorités algériennes, l'élévation des chrétiens assassinés, dont les moines de Tibhirine et l'évêque d'Oran, Pierre Claverie, au rang de Bienheureux est un signe de fraternité entre les musulmans et les chrétiens. Un symbole de communion d'autant que par la même occasion un hommage sera également rendu aux 114 imams assassinés à la même époque. Les uns faisant le choix de rester auprès des leurs, les autres refusant de prononcer des fatwas justifiant la violence des groupes terroristes. En présence de centaines d'invités algériens et étrangers, religieux, politiques et représentants des Etats, la cérémonie se déroulera à l'église Santa Cruz d'Oran qui sera ainsi et pour toujours un haut lieu de tolérance pour célébrer le vivre-ensemble. Un instant de paix retrouvée, alors que le monde traverse l'une des périodes les plus sanglantes de son histoire. D'interminables guerres sont menées au nom des religions. Pour les autorités religieuses musulmans et chrétiennes, la béatification des 19 martyrs et l'hommage aux imams assassinés sont l'occasion de penser à toutes les victimes de la barbarie extrémiste et panser un tant soit peu la blessure des années 1990. Mais, il s'agit surtout pour toute la société de réfléchir sereinement aux raisons qui ont poussé l'Algérie dans l'empire de la violence extrême. Le traumatisme de la décennie noire continue de peser lourdement sur les Algériens, comme un cauchemar qui n'en finit pas. Pis. Le discours de haine et d'intolérance ne s'est jamais aussi bien porté. Les vieux démons ne cessent de ressurgir et fixent brutalement les règles du jeu sociétales. Persécutions des minorités, brimades des femmes et exclusion de l'autre qui est différent. Les faux dévots gardent intact leur monopole sur la religion, et toute tentative de pensée réformiste et violemment combattue. Une sorte de dictature sociale qui s'installe par petite touche. La parole extrémiste l'emporte souvent sur celle de la tolérance. Les ingrédients qui ont conduit à la violence massive des années noires se mettent en place. Et c'est en cela que la béatification des religieux chrétiens et l'hommage aux imams assassinés doivent constituer un point de départ pour repenser le vivre-ensemble dans la paix. C'est le message qui sera délivré ce samedi 8 décembre à partir de la ville d'Oran, elle-même symbole d'ouverture sur le monde et sur l'autre.