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La création d'un secrétariat d'Etat à la consommation doit être une priorité
Azzedine Chennafa. Porte-parole d'une association de défense des consommateurs (Sétif)
Publié dans El Watan le 22 - 05 - 2009

Alors que commence la saison des intoxications alimentaires, posant comme chaque année la question de la protection des consommateurs, Azzedine Chennafa, secrétaire général et porte-parole de l'Association de la promotion de la qualité et de la protection du consommateur de Sétif (APQPC), explique pourquoi de nouvelles mesures doivent être prises.
Produits toxiques importés, jouets et cosmétiques contrefaits, pièces détachées défaillantes : le consommateur algérien n'en finit plus d'être pris pour un pigeon…
Le consommateur algérien est victime d'innombrables arnaques et victime d'intoxications alimentaires graves générées par une mauvaise hygiène due à un process de fabrication défaillant et hors normes. La mauvaise conservation des produits périssables, le non-respect des délais limites de conservation (DLC) sont les autres causes de cette hécatombe. Pise encore : l'étiquetage qui, normalement, doit être en langue compréhensible (arabe et français) est, pour certains produits tels les shampooings et les parfums, écrit en bulgare ou en russe. La question des pratiques commerciales illicites - défaut d'affichage du prix et défaut de garantie - est un autre débat.
Avec la chaleur, reviennent aussi les intoxications alimentaires…
D'après des statistiques, on enregistre annuellement plus de 20 000 cas d'intoxication alimentaire. C'est effrayant. Les gens ici se souviennent du triste épisode du botulisme ayant fait en 1998 plus de 44 victimes à Sétif. La sonnette d'alarme qui est tirée ne retentit hélas pas au niveau des instances chargées du contrôle et de la protection du consommateur. L'inertie caractérisant la plupart des associations de défense du consommateur en mesure d'assigner en justice les responsables de ces intoxications a laissé le champ libre aux empoisonneurs. L'incapacité ou l'ignorance de certains gestionnaires de restaurants universitaires ou cantines scolaires des principes de base du système Hazard Analysis Critical Control Point (HACCP), préconisant la marche en avant du produit et celui du premier arrivé, dernier servi, sont les autres causes des intoxications collectives.
Que conseillez-vous pour se protéger de la contrefaçon ?
Le boycott des produits asiatiques. C'est non seulement un acte citoyen mais aussi et surtout une forme de lutte contre la contrefaçon. Pour nous, la contrefaçon est un acte criminel. Œuvre de la mafia et des grands bandits, ce phénomène est un fléau mondial et non une spécificité algérienne. En termes de chiffres, la contrefaçon représente 5 à 9% du commerce mondial, 12% du marché des jouets, 10% du marché de la parfumerie et des cosmétiques et 5 à 10% du marché européen des pièces de rechange automobiles. Ces pratiques génèrent annuellement un chiffre d'affaires annuel de plus 500 milliards d'euros (50 billions de dinars). Le consommateur doit en outre savoir que les « promotions » des souks proposant des produits en voie de péremption ou carrément périmés menacent en premier lieu sa santé avant de menacer l'économie nationale.
Avez-vous un chiffre sur les dégâts causés par les pièces de rechange automobiles ?
Selon diverses sources, les pièces de rechange automobiles sont, après les cosmétiques, en tête des produits contrefaits commercialisés sur le marché algérien. Brassant des milliards, ce marché a été encouragé par un environnement dépourvu de contrôle et de mesures coercitives à la dimension d'un tel fléau. Des pièces comme les freins et les amortisseurs contrefaits provoquent des accidents mortels. Les autres pièces de friction (plaquettes de freins, disque d'embrayage) fabriquées à base d'amiante sont cancérigènes. Les experts estiment qu'annuellement 2000 à 3000 personnes meurent à cause des pièces de rechange bas de gamme et d'origine douteuse. Pour mettre un terme à ces pratiques, toute pièce introduite sur le marché national devrait être non seulement contrôlée dans des laboratoires spécialisés mais accompagnée d'un certificat de conformité
Et vous, que proposez-vous ?
L'APQPC de Sétif propose de créer un comité local de lutte anti-contrefaçon. Il aura pour mission de développer des actions coordonnées d'informations des industriels, de sensibiliser le consommateur et d'impliquer les pouvoirs publics dans une formation adéquate des services répressifs. Ce comité doit être composé de différents acteurs : représentants des consommateurs, industriels, artisans, entreprises, justice, services de sécurité, douanes et impôts… concernés de près ou de loin par un tel virus.
Pour la première fois, l'association a organisé une journée d'information et de sensibilisation sur l'application du décret exécutif n°07.390 fixant les conditions de vente de véhicules neufs, et ce, avec des opérateurs économiques concernés. De quoi avez-vous parlé ?
Nous avons abordé les questions du délai de livraison du véhicule commandé, du respect scrupuleux des caractéristiques techniques du véhicule et sa dotation d'une quantité de carburant à même de lui permettre de parcourir une distance de 50 km au moins. Mais aussi la livraison du véhicule avec triangle de présignalisation et le trousseau de clés, l'acheminement du véhicule par des moyens de transport appropriés et à la charge du concessionnaire, le respect de la durée de garantie ainsi que le service après-vente. L'obligation d'afficher le décret au niveau des showrooms a également été débattue.
Que faites-vous pour protéger les consommateurs contre le surendettement généré par les crédits à la consommation ?
Selon certaines informations, le montant des crédits à la consommation accordés fin 2008 a atteint plus de 100 milliards de dinars. Les habitudes des ménages algériens ont été bouleversées par ces crédits qui séduisent surtout les classes moyennes. Le problème vient de la méconnaissance des règles du jeu et des différents taux d'intérêt appliqués par les banques. En contractant des prêts sans en connaître les conséquences, l'emprunteur peut rapidement se trouver en difficulté en cas de chômage, accident, maladie, décès du conjoint ou divorce. Ces événements peuvent déséquilibrer le budget des ménages dans l'incapacité de tenir les engagements pris. Afin de trouver une solution devant arranger l'endetté et le créancier, l'APQPC réclame depuis un certain temps la création d'une commission de surendettement devant accompagner l'emprunteur pour trouver un accord à l'amiable avec les créanciers, comme c'est d'usage dans d'autres pays.
Comment peut-on améliorer la protection des consommateurs ?
La protection du consommateur algérien nécessite la création d'un secrétariat d'Etat à la consommation qui veillera sur ses intérêts moraux et matériels. Cette mesure est d'autant plus importante que l'Algérie ouvre ses portes sur l'Europe (accord d'association) et prépare son adhésion à l'OMC et à la zone arabe de libre-échange (ZALE). Le rôle de l'Etat ne sera efficace à nos yeux que s'il dispose d'une telle structure, en mesure de faire face aux menaces qui pèsent sur le monde agroalimentaire (dioxine, pollution avancée, développement de germes résistants). La création d'un conseil national de la protection du consommateur (CNPC), organe consultatif, sera aussi, à n'en pas douter, une bonne tribune pour le pauvre consommateur aux abois.
Bio express
Membre de Consumer International au sein du bureau régional d'Afrique, cadre paramédical au CHU de Sétif, Azzedine Chennafa est, depuis 1988, un défenseur acharné des consommateurs. Il s'est notamment constitué partie civile dans plusieurs procès en rapport avec des affaires liées aux maladies à transmission hydrique, intoxications alimentaires et accidents de la circulation routière.


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