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La décentralisation : Un défi à relever
Publié dans El Watan le 27 - 08 - 2008

Allons-nous continuer à trouver normal un rendement insuffisant de l'appareil associatif mis en place au prix de lourds sacrifices et de grands efforts ? Se taire aujourd'hui, c'est se rendre complice. La montée au créneau du ministre de l'Intérieur, Noureddine Zerhouni en accusant la société civile de n'avoir rien fait lors des émeutes d'Oran est justifiée. Son diagnostic, que nous partageons, reste insuffisant, puisqu'il ne prévoit pas de remède.
Qu'est-ce qu'une association ?
Une association, c'est à l'origine quelques personnes qui se réunissent sur un projet pour proposer, pour gérer, pour se défendre contre les emprises des pouvoirs. Avoir la possibilité concrète par l'adhésion active à une association, d'intervenir personnellement dans des activités utiles à la société, voilà certainement un volet important, caractéristique de cette «nouvelle citoyenneté». Dans les pays avancés, l'association est assez souvent consultée par l'administration. Au plan national, elle est devenue un compagnon de route, un allié objectif.
Au plan local, c'est une autre affaire, quels seront les effets de la décentralisation ? L'élu local s'entendra-t-il avec les élus des associations ? Son nouveau pouvoir sera t-il exclusif ? Ne sera-t-il pas agacé par les initiatives de l'autre ? Les oppositions ne vont-elles pas s'accroître entre les gens «condamnés» à être des partenaires ? L'association se révèle comme une alternative au déracinement et à la «déresponsabilisation». Au début de cette époque, le monde était relativement simple, les hommes maîtrisaient leur environnement social, leur itinéraire professionnel, leurs problèmes familiaux. On mourait généralement là où on avait vu le jour. La technique et la croissance interviennent, apportant dans les pays le confort et l'aisance certes, de meilleures conditions de vie, mais aussi la mobilité professionnelle, le déracinement, le changement de cadre de vie. Les technocrates dans la complexité grandissante de la société s'avéraient apparemment les plus aptes à répondre aux questions.
Les petites cellules de vie perdaient de leur vitalité, de leur sens dans le même temps qu'elles n'avaient plus droit au chapitre. Le village se vidait de la substance et la ville en se développant, sans mesure et sans réflexion, détruisait l'esprit de quartier. L'homme refaisait connaissance avec la solitude en n'étant plus armé pour y faire face où s'y installer. Les médias voyaient grandir leur influence dans cet environnement propice et suscitaient de nouveaux besoins, non évidents, mais qui jouaient leur fonction de succédané.
Face au déracinement, à l'instabilité, à la désinformation, à la perte progressive de la citoyenneté au matraquage des médias, à une délégation de pouvoirs aux «élus-désignés» qui sont hélas, eux-mêmes, souvent subordonnés à la techno-bureaucratie, certains se sont rebellés. Plus instruits en général, ayant élargi le champ de leurs compétences pouvant accéder avec plus de facilité aux classes moyennes dotées de responsabilité, ces hommes et ces femmes ont constitué de petits groupes souvent informels, où l'on concevait des réalisations en commun, où l'on faisait front à un pouvoir anonyme et lointain qui imposait ses vues. Certains de ces petits groupes avaient pris en charge un service non assuré par l'Etat s'affirmèrent, grandirent et devinrent ces grandes associations de gestion reconnues par les pouvoirs publics qu'elles déchargeaient d'une responsabilité jamais prise en compte jusque-là.
Dans le système algérien, cette délégation de pouvoirs n'est que tacite, vu notre tendance ancestrale à tout codifier, rationaliser et notre réticence envers tout ce qui n'entre pas dans la norme, alors que dans les pays européens, l'initiative de citoyen pour «faire» au lieu et place de l'Etat est encouragée. Sans doute, les conventions devront être affinées, le contrôle du bon usage des fonds publics effectué a posteriori, laissant à ces grandes associations la marge d'indépendance, d'initiative et d'action qui permet l'invention et le progrès permanents. Façonnés par des décennies de centralisme, nos responsables ne voient pas toujours d'un bon œil ce grouillement d'irresponsables. La société mutait et ils ne s'en apercevaient pas. Ils refusaient de bouger, d'assumer le changement. Pourtant, octobre 88 a bien montré que l'époque exige la démocratie des participations, l'après -octobre, les difficultés commençaient. Les associations sont-elles représentatives ?
Témoignent-elles toujours de la compétence ? Ne vont-elles pas s'ériger en équipe oppositionnelle ? Une association est sectorielle, alors que la municipalité doit juger selon une approche globale. Mais dans son secteur, l'association est en principe mieux informée, mieux préparée.
L'élu, avec juste raison, se réclamerait de se représentativité officielle, de sa capacité de jugement global, de son pouvoir de décision. C'est lui qui doit rendre compte, qui porte le poids de la responsabilité vis-à-vis de ses concitoyens. Mais, il est de moins en moins universel. II peut alors se tourner soit vers le fonctionnaire, soit vers le citoyen ou cheminer entre leurs points de vue. La tentation peut être de court-circuiter les associations et de s'adresser directement au citoten dans une vue autogestionnaire de la cité, cela n'exclut pas de faire appel aux groupes ayant réfléchi, s'étant informés et qui sont porteurs de propositions.
Les associations de leur côté sont délaissées. Elles ne pourront pas devenir des interlocuteurs informés, des partenaires compétents sans formation et sans accroissement de leurs compétences. Une formation sérieuse des responsables d'associations dans les délais les plus rapprochés est plus que nécessaire. Un projet de création d'un mouvement, le Rassemblement des intellectuels algériens est presque bouclé. Dans une de ses priorités, le RIA compte encadrer le monde associatif en lui prodiguant un enseignement pour aiguiser son rôle dans le développement global et la promotion de la citoyenneté.
Les militants animateurs d'associations espèrent surtout être reconnus comme des acteurs à part entière de la démocratie, appelés à faire entrer dans les institutions, instruments de cette démocratie, toutes les richesses du fait associatif.
Contrepoids du pouvoir et non contre-pouvoir, l'association doit acquérir la dimension qui lui permettra, dans les secteurs où elle œuvre, de plaider des dossiers ou de s'opposer à des mesures démographiques, inopportunes ou nocives en ayant toujours à l'esprit qu'il est plus facile de suggérer que de faire, de critiquer que de décider.
L'auteur est DEA en sciences de l'information et de la communication (Strasbourg)


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