Rentrés chez eux pour bénéficier d'un congé ramadhanesque béni, les parlementaires guettent le fameux ordre de la présidence de la République devant les convoquer pour une session extraordinaire consacrée à la révision constitutionnelle. Mais les députés sont convaincus qu'elle aura lieu après l'Aïd, et surtout loin du 5 octobre, date qui, cette année, sera celle du vingtième anniversaire de la révolte populaire qui ébranla l'édifice du parti-Etat et ouvrit l'ère du multipartisme. Le pouvoir choisira de raser les murs pour ne prendre aucun risque de dévoiler ses intentions à une population dont il sait que le malaise est à son paroxysme, spécialement la jeunesse, au bout du rouleau, aux horizons bouchés, de plus en plus happée par l'exil et la délinquance. Quel pourrait être l'état d'esprit de ces jeunes auxquels on présentera un projet de consolidation d'un pouvoir à l'origine de tous leurs maux ? Mais les décideurs ont pris pour habitude de ne pas tenir compte de leur opinion publique considérée comme marginale, voire inexistante. Leur cap est constant depuis une dizaine d'années : la pérennité du système, à sa tête un président de la République dont l'intention de briguer un troisième mandat par le biais d'une infraction constitutionnelle est intacte. Toujours mobilisées, ses troupes attendent le feu vert pour relancer la campagne de propagande qui avait déferlé il y a une année puis atténuée ensuite pour des raisons tactiques. L'Algérie officielle s'est programmée pour vibrer d'ici la fin de l'année au son de la révision constitutionnelle et du troisième mandat présidentiel, alors que tout le pays est dans l'impasse à tous points de vue. Réduite aux seuls communiqués des conseils du gouvernement et des rares conseils des ministres et aux activités ministérielles, la vie politique ne laisse place à aucune voix discordante. L'opposition politique, ou ce qu'il en reste, n'arrive à faire parler d'elle que dans de rares espaces de la presse indépendante. Les débats essentiels sont inexistants. Des changements fondamentaux d'orientation au plan économique sont intervenus en catimini et aucune explication ne les accompagne. Lorsqu'il lui arrive d'intervenir publiquement, le président de la République ne ménage pas sa colère contre son gouvernement, mais il se garde bien de prendre l'initiative de réformer en profondeur le pays qui ne tient plus que par la manne financière tirée des exportations des hydrocarbures. L'argent est dépensée sans résultats palpables et surtout sans contrôle, ne serait-ce que des parlementaires. Ces derniers sont privés, pour cela, des instruments légaux, mais généralement ils ne manifestent pas de volonté forte de contrer l'Exécutif, bridés par leurs penchants partisans. Alors que se rapproche l'échéance présidentielle d'avril 2009, l'Algérie consomme sa fracture entre un pouvoir politique qui fonctionne par lui-même et pour lui-même et une population livrée quasiment à elle-même.