Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a été confronté, hier, au désespoir des réfugiés de la guerre au Sri Lanka en visitant un camp dans le nord, tandis que des organisations humanitaires s'alarment des conditions de vie de 300 000 rescapés. Arrivé vendredi soir, M. Ban est le premier dignitaire étranger à être au Sri Lanka depuis la victoire, lundi dernier, contre la rébellion indépendantiste des Tigres tamouls et la fin d'un conflit long de 37 ans qui a fait de 80 000 à 100 000 morts. « Je suis très ému par ce que j'ai vu. J'ai vu tant de blessés », a lancé M. Ban après une tournée de 20 minutes dans le gigantesque camp de Manik Farm, à 10 km de la bourgade de Cheddikulam, qui a vu affluer ces dernières semaines des dizaines de milliers de civils choqués, traumatisés ou blessés par le dernier coup de boutoir de l'armée et la résistance acharnée de la guérilla. « Ces immenses défis ne pourront être relevés qu'avec le soutien de la communauté internationale », a ajouté le secrétaire général venu 24 heures au Sri Lanka pour s'assurer qu'une aide humanitaire substantielle sera vite apportée « aux plus de 300 000 déplacés qui ont besoin de manger, boire et être soignés ». Manik Farm, à 90 km au sud-ouest de l'ex-zone des combats, est verrouillé par les militaires et entouré de clôtures de fil de fer barbelé. Colombo surnomme ce genre de camps des « villages de secours ». Human Rights Watch dénonce des « centres d'internement ». Manik Farm est divisé en trois sections et abrite 170 000 personnes, soit le « plus grand camp du monde de personnes déplacées », selon le responsable des affaires humanitaires de l'ONU, John Holmes. M. Ban s'est entretenu dans la matinée avec le ministre des Affaires étrangères, Rohitha Bogollagama, avant de survoler l'ancienne zone de guerre, là où l'armée a anéanti toute la direction des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), dont le commandant suprême Velupillaï Prabhakaran. Le corps de ce dernier a été incinéré, a affirmé le chef de l'armée de terre, le général Sarath Fonseka, bien que le LTTE continue d'assurer que son « chef bien-aimé » est bel et bien vivant. Au-delà de l'humanitaire, M. Ban avait prévenu que toute allégation de crimes de guerre – visant à la fois l'armée et les Tigres – « devait faire l'objet d'une enquête appropriée ». Le président Rajapakse a rétorqué qu'il n'avait « pas peur ». Il répète que 80% des réfugiés seront rentrés chez eux d'ici à la fin de l'année et que les camps seront fermés « au plus vite ». Fier de sa victoire militaire, pour laquelle il avait été élu fin 2005, M. Rajapakse plaide dorénavant pour la réconciliation entre la majorité cinghalaise (74%) et la minorité tamoule (12,5%).