Perpignan : De notre correspondant Un monde fait de guerre, de misère, de tristesse, de beauté, de grandeur et de tragédie. Chacun y apportant son regard, son témoignage aussi intense que touchant, troublant, que dérangeant. Ils ne se contentent pas de montrer leurs photos, accrochées dans l'un de ces superbes lieux, offertes gracieusement au public. Ils témoignent, ils expliquent, pourquoi, comment, quand, qui… Ils tentent d'apporter des réponses aux questions, auxquelles ils sont eux-mêmes confrontés. De faire parler ce qu'ils ont vécu, de donner à voir ce qu'ils ont vu. Photos choquantes pour les uns, parlantes pour les autres, l'exposition n'est plus professionnelle, elle devient militante. On se souvient du reportage choc du Sud-Africain, Gideon Mendel, qui, au moment où les multinationales pharmaceutiques négociaient les prix des médicaments, il dénonçait l'holocauste du sida en Afrique australe. On ne peut oublier le travail effectué par le Bengali, Shafikul Kiron, sur ces femmes agressées au vitriol, suscitant un mouvement de solidarité internationale. L'inusable Paul Fusco traînant son ombre à travers le monde dans ce train transportant la dépouille de Bobby Kennedy, ou à l'ombre de ce commandant de l'armée US, messager de la mort pour ces familles dont le fils, soldat, est tué en Irak. Avec son air presque innocent, il nous dévoile l'atrocité provoquée sur les enfants de Tchernobyl après la catastrophe nucléaire. Le Laos inédit de Philip Blenkinsop, lorsqu'on voit cette image des guerriers Mong se prosterner devant les nouveaux venus. Terribles images de tout un peuple aux abois. Le Liberia et sa guerre, dénoncée par Patrick Robert, les rues jonchées de cadavres et de pseudos militaires aux multiples déguisements, se croyant invincibles, avec leurs petites armées d'enfants soldats. Le regard intense de Diane Grimonet porté sur ces femmes SDF de Paris, pour qui la vie n'a laissé qu'un coin de rue. Elle les accompagnera pudiquement pour nous montrer leur quotidien dans l'une des plus belles capitales du monde. Mais Visa pour l'image ce sont aussi des soutiens aux professionnels de toutes parts, comme cette période noire de la presse algérienne, le festival avait alors accueilli Hocine en 1994 puis Louisa Ammi et Kader Boukerche en 96. Tous se rappellent cette standing ovation de la part des confrères présents. Lorsqu'à la question de savoir ce qu'ils allaient faire après le festival, ils avaient répondu : «On retourne en Algérie continuer notre travail…» Et enfin Zohra Bensemra en 1997, année de consécration pour Hocine, grâce au World Press obtenu pour sa photo «La Madone». Voilà donc vingt ans que Visa pour l'image nous montre le monde, celui que nous voyons peu, celui que la course aux médias occulte, car trop noir, trop négatif, mais si réel. Qu'il nous secoue, qu'il nous plaise, qu'il nous attriste, peu importe, ce monde est le nôtre, il doit être connu, alors… à l'année prochaine.