-Il y a sûrement une vie après La Madone d'Alger ? Je ne me suis pas arrêté à cette photo. J'ai d'autres travaux que les gens ne connaissent pas assez. Une partie de ces travaux est exposée à Tlemcen. Avant d'être un photographe de presse, je suis d'abord un artiste-photographe. Les circonstances ont fait que je fasse du photo-journalisme. A l'époque, dans les années 1990, l'Algérie était à feu et à sang. On ne pouvait pas rester insensible face à cela. J'ai eu des propositions auparavant pour exposer en Algérie, mais j'ai refusé. Je participe donc pour la première fois avec une dizaine de photos jamais présentées au public algérien. C'est un genre particulier de photographie qu'on peut classer dans la photo d'art. Il n'est pas toujours facile d'en faire. Comme cela n'était pas facile de réaliser «La Madone d'Alger». Dans les deux cas, c'est la même chose. Une belle photo ne vient pas toute seule. Il faut une certaine expérience, adopter des réflexes. Le hasard ne fait pas une photo. -Il y a beaucoup d'esthétisme dans les photos que vous présentez... Je fais de la recherche dans toutes les photos, un travail sur la couleur, la construction d'images. Il s'agit d'une continuité après «La Madone d'Alger». Il m'arrive de revenir sur les lieux. La première photo réalisée à la cité Confort (Diar El Mahçoul à Alger), dans un endroit appelé «Le passage des quatre vents», en noir et blanc, remonte à 1975. J'y suis revenu en avril 2012 pour faire une autre photo, complètement différente de la première. Là, j'essaye de me retrouver dans certains de mes travaux. Parfois, je fais en sorte d'éviter l'élément humain. Une volonté de ma part, même si l'on dit souvent que la présence de l'humain rend la photo vivante. Quand j'ai envie de faire du graphisme, une composition dans la forme d'architecture ou la perspective, je préfère prendre une photo d'une manière simple (...). A un moment donné, je voulais me réconcilier avec moi-même. J'ai traversé une période difficile après le retrait de ma carte de presse. J'ai commencé à faire des choses qui m'offraient une certaine évasion. Et dans ce style de travaux, je suis en train de me retrouver dans mes premiers clichés avant de faire du photo-journalisme. -Quel style ? La photo d'art, la condition des gens, la vie quotidienne... Je pense que c'est cela la vraie photo. La photo d'art ou la photo politique ne dure qu'un temps. C'est cela la continuité pour tout photographe qui se respecte. Les périodes d'instabilité politique ou autres durant lesquelles les photographes s'investissent ne sont pas éternelles. -Et que fait Hocine Zaourar actuellement ? Je continue toujours avec de la photo-magazine. Je préfère beaucoup ce que je fais maintenant par rapport à ce que je faisais auparavant. Je suis plus à l'aise avec moi-même. J'ai pris beaucoup de recul par rapport à la situation du pays. Dans ce genre de métier, il faut avoir la tête froide, être calme. -Pour le Fespa (Festival national de la photographie d'art), vous avez hésité. Pourquoi ? Pour les deux premières éditions, je n'ai pas hésité. Les conditions n'étaient pas réunies pour que j'y participe. Là, je suis content d'être présent à l'exposition. Je suis satisfait de la façon avec laquelle ils ont accroché les photos. Il y a quand même un grand sérieux (…). L'évolution de la photographie algérienne a pris un grande dimension. Malheureusement, il n'existe pas beaucoup de références pour les photographes algériens. Pour ma part, je ne considère pas les étrangers comme une référence. A chacun sa sensibilité. Le photographe algérien se construit toujours dans sa manière de transmettre le message, d'exprimer ce qu'il ressent et de montrer ses capacités de création. Il y a une école algérienne de la photographie. La tradition est là, bien installée. C'est cela le plus important. -Faut-il ouvrir un musée ou une école pour la photo algérienne ? Il faut trouver un endroit pour la mémoire photographique. Il est nécessaire de laisser des choses pour les générations futures. Il faut que dans deux ou trois siècles, on retrouve ces photos, témoins de notre époque. -Vous allez publier un livre... Oui, sur la photo d'art, l'Algérie vue à ma manière. Il me semble qu'à ce jour, on n'a pas produit un beau livre comme il se doit sur l'Algérie. Tous les livres que j'ai vus paraissent avoir été élaborés dans la précipitation. Il ne faut pas bâcler ce genre d'ouvrages. Il faut prendre le temps pour faire des photos, choisir les beaux endroits, faire découvrir des paysages. A partir de là, on peut procéder à une sélection aux fins de faire un beau livre. Cela est valable dans tous les pays, du Pakistan aux Etats-Unis. -Et qu'en est-il du photo-journalisme. A-t-il évolué ? Il y a une stagnation de la photo de presse en Algérie, comme ailleurs dans le monde. L'arrivée du numérique a bousculé les choses. Il y a une grande perturbation dans le monde de la photo. Résultat, le photo-journalisme a perdu beaucoup de terrain. Auparavant, avec l'analogique et le film, il n'était pas facile d'accéder au métier de photographe. Le nombre des photographes de presse était limité. Le numérique et l'Internet ont introduit une certaine concurrence déloyale entre amateurs et professionnels.