Vous avez suivi, comme nous, les interventions en direct souvent intempestives des députés autour du plan d'action proposé par le Premier ministre. On aurait dit quelle mouche les a vraiment piqués pour être aussi offensifs, voire aussi critiques à l'égard d'un projet qui avait pourtant, à l'instar de tous les précédents, la certitude de passer comme une lettre à la poste. Des heures durant, nos parlementaires, face à la caméra, se sont échinés, en effet, à mettre le projet gouvernemental dans ses petits souliers pour bien montrer aux citoyens qui les ont élus que dans l'auguste enceinte, on ne badine pas avec les sentiments quand les problèmes multiformes qui se posent au pays sont nombreux et d'une réelle gravité. Le plus curieux dans cette subite crise d'opposition, qui n'avait rien de spontané, c'est que ce sont les élus de la majorité présidentielle qui se sont montrés parmi les plus entreprenants pour dire à Ouyahia qu'en Algérie les choses ne vont pas aussi bien qu'on a tendance à le faire croire. Nos députés qui savaient que leurs électeurs étaient à l'écoute ont visiblement fait fi de l'obligation de réserve qui conditionne généralement leur carrière pour se refaire une petite crédibilité le temps d'une session un peu particulière. On pourrait les soupçonner de s'être donnés le mot pour essayer de taquiner le Premier ministre dont on dit qu'il se trouverait actuellement dans une posture plutôt inconfortable malgré les apparences, mais toujours est-il qu'il y avait dans l'air comme un jeu à double facette qui ressemblait fort à une mise en scène de laquelle évidemment l'invité du jour ne pouvait avoir aucune inquiétude. Ouyahia en a vu d'autres, et avec son agaçant sourire du bout des lèvres et sa redoutable faconde à expliquer l'inexplicable, il a vite fait de remettre la salle à sa véritable température. Celle d'une assistance docile, qui s'était simplement laissée aller à quelques moments récréatifs pour amuser la galerie. A quoi sinon aurait servi toute cette effervescence parlementaire qui s'est montrée par moments très tranchante vis-à-vis de l'action gouvernementale si au bout du compte elle aboutit à une adoption presque unanime du texte engagé par le Premier ministre. On le savait déjà que, et on le sait encore mieux maintenant, entre ce que pensent nos parlementaires et ce qu'ils font, existe un vrai conflit de la noble fonction qu'ils exercent. C'est la nature même du système politique garant de l'institution qui produit ce lamentable spectacle où l'acteur principal reste l'hypocrisie et dans lequel le Premier ministre lui-même joue un rôle peu glorieux. La preuve, Ouyahia est applaudi par les deux chambres, alors que l'action qu'il a soumise dans sa diversité à la critique reste très vague et surtout très politicienne. En tout cas, sans engagement chiffré de résultats sur le court et moyen termes. Ce qui est la moindre des résolutions lorsqu'on on est sûr de la fiabilité de son programme. Mais la concorde au sommet de l'Etat et entre les organes législatifs étant une réalité intangible qui se vérifie chaque jour que Dieu fait, tout le monde se laisse entraîner malgré ses intimes convictions dans les méandres des faux semblants, même si on est persuadés que de telles attitudes ne vont jamais dans le sens des objectifs pour lesquels on s'est mobilisés... Qui peut contredire les chiffres ou les statistiques en tous genres étalés par le numéro un du gouvernement pour nous convaincre que les efforts pour le développement économique et social sont toujours en progrès, alors que l'Algérie continue de vivre grâce à l'exportation d'une seule marchandise, son pétrole ? En matière d'emploi, par exemple, il se permet de se lancer, sans risque d'être débouté, dans des projections phénoménales pour un pays qui peine à s'installer dans l'économie de marché, et l'APN trouve cela normal, séduisant. Le seul organisme qui a la faculté de dire à l'opinion publique si le Premier ministre est dans le vrai ou pas dans le seul intérêt de la régulation économique du pays reste le Conseil national économique et social (CNES), mais depuis le départ de Mentouri, cette institution, déjà sévèrement contrôlée, a plongé hélas encore un peu plus dans un mutisme effarant qui en dit long sur le déterminisme farouche de nos dirigeants pour qui une seule vérité compte, la leur. En tout état de cause, ce ne sera pas Ahmed Ouyahia qui se laissera emporter par ses émotions face à une pression sociale qui monte mais qu'il a appris à apprivoiser et surtout à gérer d'une échéance à une autre, à la manière d'un sportif de fond qui maîtrise parfaitement le terrain d'obstacles. Les larmes c'est pour... Rabah Saâdane qui s'est complètement lâché dans sa dernière conférence de presse à la veille du match capital contre l'Egypte. Notre entraîneur national s'est offert en spectacle devant les journalistes en se présentant comme une victime expiatoire en cas d'échec et on se demande pourquoi la Télévision nationale a raté cette séquence pitoyable qui nous montre un coach défaitiste et qui semble vouloir prendre ses distances par rapport à une catastrophe annoncée. Comment se fait-il que le même Saâdane, qui paraissait, il n'y a pas si longtemps, maître de son plan (comme Ouyahia), se retrouve aujourd'hui dans un tel état de déperdition alors que toutes les conditions lui avaient été réunies par la fédération pour aller au bout de son contrat ? Si la peur de perdre est un sentiment naturel fort compréhensible chez un entraîneur, à condition toutefois qu'il ne la communique pas à ses joueurs à un moment aussi crucial, c'est le fait de la dramatiser publiquement qui reste inconcevable. Saâdane a fait les choux gras de la presse égyptienne, il a déjà perdu psychologiquement gros, c'est dire que sa sortie médiatique risque de faire des dégâts inimaginables à notre sélection.