A quelques jours de l'ouverture de la saison estivale, les anciennes familles de Mostaganem se posent toujours la même question : qu'adviendra-t-il de la plage de Sidi Mejdoub ? Cette question lancinante, ils se la posent depuis plus de 15 ans et, à chaque début de saison, dès les premières chaleurs de mai, elle revient sur toutes les lèvres, non sans une certaine dose d'amertume. Car, il faut se rendre à l'évidence, cette plage fait partie intégrante de l'histoire des familles de Mostaganem. Alors que, durant l'époque coloniale, salamandre et les Sablettes étaient le réceptacle naturel des familles de colons, la plage de Kharrouba accueillait le plus normalement du monde les familles autochtones qui habitaient majoritairement dans le quartier arabe. Tout le monde se rappelle ce rituel singulier qui faisait qu'une partie de la plage était strictement réservée aux femmes, alors que les hommes se retrouvaient au fond de la plage, juste en-dessous du marabout de Sidi Mejdoub. C'était du temps où le respect des valeurs n'était pas un vain mot. D'ailleurs, la plupart des familles aisées y avaient leurs résidences secondaires. De superbes villas qui ceinturaient la plage dans un ordre parfait. Puis, comme frappée par un sort, la plage se laissera rapidement envahir par une lassitude qui frappera d'abord les responsables de la commune. Si bien que, durant maintenant trois décennies, aucun investissement digne de ce nom ne sera entrepris ni pour entretenir le site ni pour en améliorer les infrastructures. Le minuscule chemin communal qui desservait la plage n'a pas reçu le moindre revêtement. Le songe d'une nuit d'été Le réseau d'alimentation en eau potable est si vieux que plus personne ne songe à ouvrir son robinet, de peur de voir couler un liquide venu de nulle part. Mais le plus grand calvaire des habitués de Kharrouba sont ces canaux d'égouts qui déversent un flot nauséabond. Car, au fil du temps, la zone située dans l'immédiat arrière-pays a été fortement sollicitée pour accueillir des cités populeuses ; ce qui accentuera fortement la pression. Les uns après les autres, les accros de Kharrouba-Plage finiront par se dissuader de ne plus revenir à cet endroit mythique. Même les familles ayant un pied à terre finiront par aller voir ailleurs. Des villas qui furent somptueuses, il y a à peine 20 ans, se sont transformées en des maisons fantômes. Alors que sous d'autres cieux, elles coûteraient des fortunes, ici on n'ose même plus investir pour réparer une fenêtre, un escalier. Longtemps caressé comme le songe d'une nuit d'été, le prolongement de la route jusqu'à la plage voisine de Métarba, qui soulagerait grandement la circulation et ouvrirait de réelles perspectives de réhabilitation de l'ensemble du site, n'a plus aucun adepte dans la population locale. Chez tous, une lassitude s'est installée dans la durée. Même le fait de voir leur plage fétiche figurer en bonne place sur la liste officielle des plages ouvertes à la baignade ne rassure plus personne. Tous ceux qui connaissent l'endroit pour y avoir passé les plus belles années de leur vie sont conscients que l'eau de Kharrouba peut à tout moment réserver des surprises.