La voie de la relance de l'investissement, voire de l'économie en général, est loin d'être dégagée en Algérie. Opérateurs nationaux et étrangers et diplomates s'accordent à relever le manque de visibilité de ce qui est appelé pompeusement « stratégie économique ». Faux, répondent quelques partenaires clés de l'Algérie qui ont, visiblement, voulu mettre le doigt sur la plaie avant d'arrêter une décision. En cause, cette nouvelles disposition obligeant les sociétés étrangères d'ouvrir leurs capitaux aux nationaux à hauteur de 30%. Cette mesure qui se décline comme un acte de patriotisme économique de la 25e heure, après tant de largesses, a tôt fait de mettre en boule les partenaires étrangers de l'Algérie, contraints d'ajouter des points de suspension à leurs projets d'investissement. Premier à sonner l'alerte, l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique, David Pearce, connu pourtant pour être très réservé même en plein scandale de l'agent de la CIA violeur. Le diplomate a invité certains journaux au siège de l'ambassade pour dire tout le « bien » qu'il pense de la bureaucratie algérienne. David Pearce a jugé « confuse » la dernière loi sur les fameux 30%. Plus grave encore, il a relevé un « manque de transparence avec des règles économiques qui changent ». L'ambassadeur américain a sans doute bien résumé l'équation algérienne fondée sur plusieurs inconnues. Ces lois qui « changent » induisent, en effet, une absence de visibilité sur les moyen et long termes. Et c'est le principal frein pour un étranger qui souhaite injecter son argent dans une affaire… incertaine. C'est à peu près la même préoccupation exprimée aussi crûment par son homologue allemand Son Excellence Matei Hoffmann, pour qui « il y a des investisseurs qui veulent venir mais qui sont déboussolés. Ils attendent des clarifications ». Le diplomate allemand est allé jusqu'à écrire au gouvernement pour obtenir des « éclaircissements ». Réponse de l' Exécutif : « Jusqu'à présent, il n'y a pas de décrets d'application ; l'ancienne loi est donc toujours en vigueur. » Allez donc savoir ! Pour le président de la Chambre du commerce algéro-allemande, les choses sont claires : « Il ne faut pas s'attendre à ce que des entreprises familiales qui n'ont jamais ouvert leur capital à quiconque, ni en Allemagne ni ailleurs, le fassent ici en Algérie ». Craintes diplomatiques Or, au moment où l'effet d'annonce de cette loi litigieuse a déjà refroidi les ardeurs de ceux qui veulent venir investir chez nous, le gouvernement continue d'entretenir le flou autour des décrets d'application. Résultats des comptes : les éventuels investisseurs ne veulent pas s'engager de peur que les nouvelles mesures ne remettent en cause leurs projets. Et le gouvernement de son côté promet de nouvelles règles du jeu en vertu de la loi Ouyahia, tout en conseillant dans le même temps ces opérateurs déboussolés de s'engager selon l'ancienne loi ! Cette situation kafkaïenne porte une signature : le manque de sérieux ! Et comme pour rendre l'investissement national et étranger encore plus aléatoire, la fameuse note de la Banque d'Algérie obligeant les importateurs à fournir, dans tout acte d'importation, un certificat phytosanitaire pour les produits agroalimentaires, un certificat d'origine et un certificat de qualité pour le reste des importations en l'état, a mis cette corporation dans le flou. « On nous exige de plus en plus de documents sans aucune explication des textes », déplore Mme Lebreton, responsable à Universal Transit Consignation. De son côté, Alain Boussieres, responsable de l'Appui aux entreprises à la Chambre française d'industrie et du commerce (CFCIA), affirme que la note de la Banque d'Algérie a eu des « effets secondaires » sur les opérateurs. « Les entreprises françaises sont perdues (...) dans le flou qu'on nous a imposé. » Il est difficile d'expliquer ce micmac dans la décision économique de la part d'un gouvernement qui glose depuis des années sur la relance de l'investissement et la facilitation des procédures. C'est d'ailleurs la principale scorie qui colle à la gouvernance économique en Algérie et qui a été régulièrement dénoncée par les organismes d'évaluation internationaux. Andréas Hergenröther, président de la Chambre algéro-allemande de commerce et d'industrie, tire une conclusion à méditer : « Avec de telles mesures, le climat n'est pas très favorable pour soutenir la diversification de l'économie qui est nécessaire pour le développement du pays. »