A l'heure actuelle, le gouvernement algérien subit des pressions émanant d'opérateurs économiques tant nationaux qu'étrangers en ce qui concerne sa politique économique. Les premiers plaident pour moins de pression fiscale, la mise en place d'une réelle stratégie d'exportation, la lutte contre l'informel et les lenteurs administratives. Ils réclament également plus d'implication des entreprises nationales dans le programme d'investissements publics, mais surtout l'institutionnalisation de la concertation et du dialogue entre les opérateurs et les institutions de l'Etat. Par ailleurs, les pressions des seconds sont relatives aux dernières mesures de régulation de l'investissement introduisant de ce fait l'actionnariat algérien majoritaire dans tous les projets d'investissement ainsi que l'obligation faite aux sociétés étrangères d'importation d'associer un partenaire algérien à hauteur de 30% dans leur capital. Ces opérateurs plaident pour le gel ou l'assouplissement de ces mesures. Aujourd'hui, nul ne peut nier que la survie de l'entreprise, acteur central de la vie économique, dépend non seulement des lois de l'économie mais surtout de sa compétitivité. Cette dernière est devenue, avec la mondialisation, un impératif, voire une obligation de survie de chaque entreprise et par ricochet de l'économie en général. La capacité de l'entreprise à rivaliser avec les autres en terme de prix et en terme d'innovation, de qualité de produits ou de services à la clientèle, de maîtrise technologique, ne dépend pas seulement de sa réorganisation interne. Se mettre au diapason de l'évolution économique mondiale n'est nullement une simple question d'un renouvellement constant de l'outil de production ou un réajustement des compétences du personnel. D'autres facteurs s'y mèlent. Il s'agit d'une démarche globale qui affecte toutes les sphères de l'entreprise et l'environnement extérieur dans lequel celle-ci se développe. Cependant, cette réforme globale de l'économie nationale souvent est loin d'être palpable sur le terrain. Les entraves sont de plus en plus ardues et difficiles à évincer. Du coup, les attentes des opérateurs algériens et étrangers installés en Algérie sont autant frustrantes. Ils se plaignent de divers boulets qui pèsent sur l'essor économique national tout en plaidant pour une issue dont toutes les parties en retirent des bénéfices. Mais la question qui s'impose à présent est de savoir si les pouvoirs publics répondront favorablement aux aspirations des uns et des autres ? Le gouvernement trouvera-t-il un terrain d'entente. L'Etat va-t-il faire marche arrière concernant le nouveau climat d'investissement en Algérie ? Une politique fiscale au profit de l'entreprise Il est vrai que le gouvernement a pris des mesures courageuses ayant trait à la poursuite des efforts consentis concernant la simplification et la modernisation du système fiscal en vue de favoriser la compétitivité de l'entreprise algérienne et le développement économique. Néanmoins, les opérateurs économiques réclament plus de souplesse, plus de cohésion du système fiscal algérien. Les opérateurs économiques ont maintes fois exprimé leurs revendications en matière d'allègement fiscal au profit de l'entreprise. Le président du groupe agroalimentaire Cevital, M. Issad Rebrab, a appelé à la réduction de l'impôt sur les bénéfices réinvestis (IBS) à 1%, actuellement à 19%, estimant que cette réduction pourrait encourager l'investissement et mettre fin au transfert des bénéfices à l'étranger par les sociétés internationales. Cet industriel a relevé aussi une incohérence dans le fait de taxer de 5% les matières premières importées par un producteur national alors qu'un importateur de produits finis est exonéré d'impôts dans le cadre de Zone arabe de libre échange (Zale). Le patron de Cevital a, par ailleurs, appelé à l'instauration d'incitations pour encourager les entreprises à s'introduire en bourse en exonérant les plus-values de cession et en réduisant l'IBS sur des périodes allant de 3 à 5 ans. Le président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI), M. Brahim Bendjabber, a plaidé pour un allégement fiscal, un moyen selon lui d'intégrer les entreprises activant dans l'informel dans la sphère légale. Il propose en contrepartie un moratoire de trois ans consistant à supprimer tous les impôts aux entreprises pour les aider à se développer et qui sera suivi par une réduction de plusieurs taxes notamment de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) de 10% et la suppression de l'impôt sur les dividendes distribués pour éviter la double imposition des bénéfices. Le président de la CACI a également appelé à plafonner l'impôt sur le revenu global (IRG) à 20% afin d'inciter les entreprises à déclarer leurs travailleurs et à supprimer la taxe sur l'activité professionnel (TAP) en la remplaçant par une autre source de recouvrement à travers notamment l'augmentation des taxes sur le carburant et le tabac. Sur la même taxe, M. Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), reconnait l'existence d'un début d'écoute concernant l'allégement fiscal à ne pas nier ; toutefois, selon lui, des efforts complémentaires dans le sens d'alléger la pression fiscale sur l'entreprise doivent être accomplis. Emettant le vœu de voir réduire la taxe sur l'activité professionnelle (TAP), M. Naït Abdelaziz dira que « cette taxe gêne et pénalise l'entreprise ». Selon lui, l'entreprise privée ne doit pas subir à elle seule les charges fiscales. « Les collectivités locales doivent s'autosuffire et avoir les moyens de leurs politiques. Ce n'est pas à l'entreprise de les prendre en charge », plaide-t-il. Le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), M. Réda Hamiani, plaide également pour la suppression de cet impôt direct, “frappant, selon lui, sans distinction les entreprises qui réalisent des bénéfices et celles qui n'en réalisent pas” M. Hamiani a dans ce sens proposé une autre source de recouvrement pour se substituer à cette taxe en suggérant d'augmenter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 18% au lieu de 17% actuellement. Outre ces revendications, les opérateurs économiques souhaitent que le paysage fiscal d'imposition algérien soit en étroite harmonie avec les paysages fiscaux des autres pays et ce, pour mieux s'adapter à la concurrence fiscale mondiale. Cette concurrence, faut-il le dire, influe sur les flux entrants et sortants d'IDE d'un pays à l'autre. Les IDE préfèrent là où il y a une imposition relativement basse. Exportation : une problématique en suspens Pour aller à l'assaut des marchés extérieurs et se repositionner en dehors des frontières, les entreprises algériennes doivent être plus persévérantes, plus professionnelles et plus agressives pour réussir une telle démarche. A l'heure actuelle, le constat est sans appel : les produits algériens ont toujours été méconnus en dehors des frontières. Dans la perspective de mettre un terme à cette absence, les opérateurs économiques estiment que les pouvoirs publics doivent tracer une stratégie adéquate. Sans une stratégie d'exportation, l'Algérie ne pourrait pas tirer pleinement profit des avantages des accords paraphés avec divers espaces économiques. Les efforts consentis jusqu'à présent ne se cristallisent pas pour donner forme à une politique nationale de promotion des exportations. Les statistiques le démontrent suffisamment. Moins de 2% des recettes extérieures (soit 1,1 milliard de dollars) sont apportés par les exportations hors hydrocarbures. Selon les opérateurs économiques, les pouvoirs publics doivent accroître leur accompagnement aux différentes chambres de commerce nationales qui supportent d'importants déficits financier à l'heure actuelle. M. Nacereddine Kara, vice-président de l'Association des exportateurs algériens Anexal , a déploré récemment le fait que seule l'Agence nationale de promotion des exportations (Algex) œuvre dans le sens de promouvoir les exportations hors hydrocarbures. « En dehors de l'Algex, il y a absence d'un environnement institutionnel », a-t-il regretté. Par ailleurs, les opérateurs économiques estiment qu'il est impératif de créer de nouvelles représentations commerciales pour mettre fin au déséquilibre bancal des échanges avec, notamment, les pays d'où l'Algérie importe des quantités colossales, alors qu'elle n'y exporte presque rien. Il est donc nécessaire également d'augmenter le budget consacré aux salons et foires à l'étranger. D'autant que dans le but de diversifier les marchés, notre pays, selon les patrons, doit multiplier les missions d'hommes d'affaires vers d'autres espaces économiques que ceux méditerranéens, arabes et européens. Aussi, plusieurs observateurs de la scène économique nationale estiment que la diplomatie algérienne, à travers les ambassades ou autres institutions nationales ouvertes à l'étranger, doivent faire un peu plus d'efforts en vue de sortir le produit algérien de l'anonymat, et ce en invitant les représentants des entreprises à exposer et à faire connaître leurs produits et services. Outre, les entraves liées à l'écoulement des produits algériens sur les marchés extérieurs, certains opérateurs économiques se disent lésés en ce qui concerne l'octroi des marchés publics et leur implication dans les projets de relance économique. Sur ce point, le plan quinquennal de relance économique 2005/2009, doté d'une enveloppe de 150 milliards de dollars, selon le FCE, n'a pas profité à l'entreprise algérienne. Il a fait le bonheur des groupes étrangers et des fournisseurs extérieurs de l'Algérie. Cette association patronale a, à plusieurs reprises, déploré ce recours massif aux étrangers pour réaliser des projets, sans associer les entreprises locales. Selon certaines estimations, sur les 150 milliards de dollars du plan de relance économique, la part des contrats attribuée à des sociétés algériennes est d'un peu de 15 milliards soit moins de 10%. Tout le reste est parti en contrats en faveur de groupes étrangers. Dans un document intitulé «Propositions pour la mise en valeur des entreprises nationales de réalisations», qui sera prochainement adressé au Premier ministre, le FCE, a énuméré une liste de mesures qui doivent être prises afin de soutenir les entreprises algériennes de réalisation. Il s'agit, entre autres, de lancer des avis d'appels d'offres exclusivement nationaux pour des projets de même nature que ceux dans lesquels les opérateurs nationaux ont déjà démontré leurs capacités de réalisations en termes de qualité, coûts et délais ; porter le taux de préférence nationale de 15 à 30% de sorte à neutraliser l'avantage dont bénéficient les opérateurs étrangers dans le cadre des mesures de soutien à l'exportation que leurs accordent leurs gouvernements. Nouvelles mesures de l'investissement : avantageuses pour les uns et draconiennes pour les autres La décision d'imposer aux investisseurs étrangers une ouverture de capital à hauteur de 51% au profit d'un ou de plusieurs partenaires algériens et l'obligation faite aux sociétés d'importation étrangères de céder 30% de leurs parts à une partie algérienne, ne cesse de susciter des appréhensions auprès des opérateurs économiques étrangers exerçant en Algérie. Ces derniers assimilent ces décisions à des restrictions au commerce et à l'investissement. Suite à l'instauration de ce nouveau climat d'investissement et d'importation, bon nombre de divergences seraient nées entre l'Union européenne et l'Algérie. Outre, les revendications exprimées par les différentes représentations économiques étrangères installées en Algérie, qui n'ont pas autant abouties, Catherine Ashton, commissaire européenne au Commerce extérieur, a saisi, au mois de juin dernier, par lettre le ministre algérien du Commerce extérieur, El-Hachemi Djaâboub, pour exprimer son «inquiétude». Les Européens accusent les Algériens de non-respect de l'accord d'association signé entre les deux parties - mis en œuvre en 2005 - notamment les articles 54, 37, 32 et 39 qui stipulent l'instauration d'un climat d'investissement serein et clair, et ce en mettant en place des mesures cohérentes et simplifiées ainsi que des mécanismes communs d'investissement. Les Européens veulent persuader l'Algérie de revenir sur ces décisions prises récemment en matière d'investissements et d'importation, car cela ne conviendrait pas aux opérateurs européens déjà implantés en Algérie. Défendant ces mesures, le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia estime que celles-ci sont indubitablement justes. L'Algérie « prend ses décisions en toute souveraineté et nul ne peut s'arroger le droit de lui dicter ce qu'elle doit faire », a rétorqué le Premier ministre à la commissaire européenne. Donc, ces décisions sont irréversibles. Par ailleurs, le FCE, dans le document qui sera adressé au Premier ministre dans les prochains jours, propose l'élargissement de la loi appliquée aux sociétés étrangères d'importation, qui exige de ces dernières d'associer un partenaire algérien à hauteur de 30% du capital, aux entreprises de prestations de services. La demande du FCE intervient dans un contexte tendu entre Alger et ses partenaires européens. Ces derniers souhaitent que le gouvernement annule les mesures sur les sociétés d'importation, alors que le FCE, estime que ces mesures sont une opportunité pour que les entreprises nationales s'intègrent dans la réalisation de la croissance du pays, devraient acquérir les capacités technologiques nécessaires à sa participation au développement du pays et à la réalisation des grands chantiers en Algérie, et pourquoi pas hors de l'Algérie. A la faveur de toutes ces revendications émanant d'opérateurs économiques tant nationaux qu'étrangers en ce qui concerne la politique économique nationale, le gouvernement ne pourra rejeter les propositions avancées tant que celles-ci ne mettent pas l'économie nationale en péril ou en dysfonctionnement. En vue de défendre l'intérêt national, le gouvernement entend consacrer tous les moyens nécessaires. Défendre l'intérêt national induit la prévalue des opérateurs économiques nationaux sur les étrangers. De ce fait, la préférence nationale, la mise à niveau et assainissement des entreprises, la réforme du système financier, des mesures pour promouvoir l'investissement national et réduire la pression fiscale sont autant de dispositions que le gouvernement algérien est en train de faire valoir pour mettre sur les rails une économie nationale compétitive et solide. Hamid Mohandi