Une indemnisation, qui doit assurer la réparation intégrale des préjudices subis lors des essais nucléaires français, sera versée à toute personne justifiant avoir résidé ou séjourné dans des zones d'essais, durant la période de 1960 à 1996. Paris De notre bureau Le Conseil des ministres français a adopté hier matin un projet de loi relatif à « la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie ». Ce projet de loi – qui devra être déposé à l'Assemblée nationale avant la fin de la présente législature et entrer en vigueur d'ici la fin de l'année – devra « faciliter l'indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française ». « L'indemnisation doit assurer la réparation intégrale des préjudices subis », précise un communiqué gouvernemental publié à l'issue du Conseil des ministres. Cette indemnisation est ouverte aux personnes (qu'il s'agisse des personnes ayant participé aux essais ou des populations locales) justifiant avoir résidé ou séjourné dans les zones des essais, durant les périodes fixées par la loi, et atteintes d'une pathologie figurant sur une liste arrêtée par décret en Conseil d'Etat. Soit pour les personnels civils algériens et les populations du Sahara entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 (date de démantèlement du site) au Centre saharien des expérimentations militaires ou dans les zones périphériques à ce centre ; entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 (date du démantèlement du site) au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ce centre. Seules quelques centaines de personnes (Français, Polynésiens et Algériens) sont concernés par ce dispositif, selon Hervé Morin. L'indemnisation sera versée sous forme de capital. Les indemnisations antérieurement perçues par le demandeur au titre des mêmes chefs de préjudice en seront déduites. Le projet de loi stipule aussi qu' « un comité d'indemnisation présidé par un magistrat et composé principalement de médecins appréciera si l'on peut conclure à l'existence d'un lien entre les essais et la maladie. A l'issue de cet examen, il adressera une recommandation au ministre de la Défense ». Autrement dit, la charge de la preuve est renversée, ce n'est plus au malade de faire le lien entre sa maladie et son exposition aux rayons ionisants. La composition de ce comité d'indemnisation chargé d'examiner les demandes individuelles d'indemnisation, son organisation, les modalités d'instruction des demandes et le délai dans lequel l'offre ou le rejet d'indemnisation seront fixés par décret en Conseil d'Etat. Ce projet de loi a été préparé dans un « souci de transparence, de justice et de rigueur », a souligné Hervé Morin, lors d'une conférence de presse au siège de son ministère, ajoutant que « le secret sur ces essais a alimenté les rumeurs et la désinformation ». Et aussi « tous les placards, tiroirs et coffres seront ouverts » pour une étude complémentaire commandée à des experts qui devra être finalisée d'ici la fin de l'année. « Pour l'ensemble des essais, nous disposons des documents de mesure de radioactivité. » Et « je refuse qu'on entre dans une espèce de repentance absolue. Il y a des drames personnels, la République les assume. » Le ministère de la Défense « a décidé de tourner une page », « il était temps que la France soit en accord avec sa conscience », a ajouté M. Morin, 13 ans après la fin des essais nucléaires français. Patrice Bouveret, président de l'Observatoire des armements et co-président du Comité Vérité Justice (pour plus de précisions lire El Watan du 19 mai), estime que « le ministre de la Défense reste juge et partie », « la radioactivité ne s'arrête pas avec la fermeture des centres d'essais, elle se poursuit, y compris sur des dizaines de milliers d'années ». « Les personnes qui résident dans ces zones-là sont confrontées à cette radioactivité à travers la chaîne alimentaire, l'eau, les poussières, le sable », mais « il n'y a rien de prévu actuellement dans le texte de loi », a-t-il observé. « Le comité de suivi pourrait aborder cette question pour éviter que les générations futures paient encore nos essais nucléaires. » Et de conclure que « ce qui va être déterminant, ce sont les zones géographiques qui vont être prises en compte ». Les associations de victimes AVEN et Moruroa e Tatoo, ainsi que le comité Vérité et Justice (chercheurs, parlementaires, artistes, journalistes…), qui appuie leur action, réunis hier après-midi à l'Assemblée nationale, ont fait part des propositions qu'ils soumettront au débat parlementaire sur le projet de loi : un suivi sanitaire et environnemental indépendant des essais nucléaires ; la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes ; la création d'un comité de suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires avec la participation des associations ; la levée du secret défense sur les documents portant sur le niveau des retombées radioactives, sur la santé et sur toutes les données radiologiques des essais nucléaires de la France au Sahara et en Polynésie entre 1960 et 1996 ; la reconnaissance de la nation.