Paris tente de limiter dans le temps et dans l'espace les dégâts provoqués par ses essais nucléaires dans le Sahara algérien. La France a fait un pas sur le dossier des victimes des essais nucléaires. Mais depuis, elle commence à reculer. Pis, Paris reste ambigu, voire très ambigu sur la question. Le Conseil des ministres, présidé par Nicolas Sarkozy, qui a examiné hier un projet de loi portant indemnisation des victimes des essais nucléaires français, n'a fait que ressurgir les défaillances que porte ce projet. Ainsi, dans son compte rendu publié sur le site de l'Elysée, le Conseil des ministres a ajouté plus d'ambiguïté quant aux personnes concernées par l'indemnisation. Il a tenu à limiter la recevabilité des dossiers dans le temps et dans les lieux, sans toutefois fixer une période bien déterminée. Pour plus de précisions, le communiqué du Conseil des ministres annonce que «ce régime est ouvert aux personnes (...) justifiant avoir résidé ou séjourné dans les zones des essais, durant les périodes fixées par la loi...». Le projet de loi ne précise pas «la période exacte». L'autre défaillance réside dans le fait que le gouvernement français ne prend en compte que les personnes ayant «séjourné ou résidé dans les zones des essais». En aucun cas, les responsables français n'ont fait allusion à l'environnement. Globalement, le projet de loi tel qu'il a été débattu par le Conseil des ministres a complètement «ignoré» le temps, l'espace et l'environnement. Explications: d'abord dans le temps. Les études scientifiques ont prouvé que les effets des essais nucléaires restent néfastes sur les humains durant des milliers d'années. Les bombes explosées au Sahara étaient fabriquées à base de plutonium, une matière plus toxique que l'uranium. Les chercheurs ont prouvé scientifiquement que la radioactivité du plutonium mettra 24.000 ans pour voir ses effets diminuer de moitié. Ce qui laisse entendre que les effets des essais nucléaires français au Sahara continuent à faire des victimes des années après les explosions. Pour mieux illustrer cette situation, il suffit juste de se rappeler que les régions d'«Hiroshima» et de «Nagasaki» au Japon restent polluées à ce jour à cause des deux bombes atomiques larguées par les Américains sur ces deux villes, vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des études scientifiques ont montré, il y a une année, que les populations de ces deux régions continuent d'être atteintes de maladies très graves, cancer notamment, à cause des bombardements américains. A noter que la dose radioactive due aux essais nucléaires français est nettement supérieure à celle des deux bombes de Hiroshima et Nagasaki. Il serait injuste, voire indu, que les Français fixent les indemnisations pour juste une période bien limitée dans le temps. L'autre ambiguïté concerne l'espace. Le communiqué du Conseil des ministres annonce que ce régime est destiné seulement aux personnes ayant séjourné ou résidé dans «les zones des essais». Or, scientifiquement parlant, les nuages radioactifs et les gaz toxiques libérés dans l'atmosphère peuvent toucher toutes les régions limitrophes aux zones d'essais, et ce, sur des centaines de kilomètres. Selon la logique française, il n'y aurait que la moitié de la population de la wilaya d'Adrar qui serait déclarée victime. Or Adrar et Tamanrasset, pour ne citer que ces deux régions, continuent à compter des victimes dont la pathologie est directement liée aux essais nucléaires. En ce qui concerne l'environnement, il est reconnu que les essais nucléaires portent des préjudices écologiques comme en témoignent aujourd'hui les roches qui restent noires et les terres toujours brûlées. Voilà, où résident les défaillances du projet français. S'agissant des procédures d'indemnisation, le Conseil des ministres a prévu de créer un comité d'indemnisation qui sera présidé par un magistrat et composé de médecins. Ce comité examinera la recevabilité du dossier présenté par les victimes. Il s'agira de conclure l'existence d'un lien entre les essais et la maladie. L'indemnisation sera versée sous forme de capital, a précisé le communiqué. Et de noter: les indemnisations antérieurement perçues par le demandeur au titre des mêmes préjudices en seront déduites.