Aïn Témouchent a connu la première retombée du projet Medgaz, le pipeline aboutira sur sa côte, sur laquelle la station de compression du gaz en direction de l'Espagne est en érection. Mais contre toute attente, ce premier gain n'est pas économique mais culturel, puisque Témouchent est la première wilaya de l'Oranie vers laquelle s'est déployé, pour une journée, le Festival espagnol en Oranie, une manifestation dont c'est la 5e édition et qui, jusque-là, était confinée à Oran. Au programme, en matinée, une conférence sur l'architecture, donnée par José Galvan, le directeur de l'Institut Cervantès d'Oran, également architecte et auteur de plus d'une trentaine de publications. Dans son propos, il a mis en exergue les points communs et les différences entre cette discipline et les techniques et arts qui lui sont voisins. Mais c'est plus sur la valeur esthétique des ouvrages et moins sur leur solidité et fonctionnalité que l'accent a été mis. Exemples à l'appui, le spécialiste rapporta les tendances actuelles qui ne se suffisent plus de susciter une émotion esthétique, mais l'interrogation et la remise en cause avec des ouvrages, qui sont plus de l'ordre de la sculpture que de la construction. Assurément, les réflexions de José Galvan ont été très opportunes pour rappeler par contraste l'insignifiance, pour ne pas dire la laideur de notre urbanisme, à l'heure où l'Algérie est en train de construire bien plus que ce qui a été édifié depuis son indépendance. Le second mouvement de la journée a continué à cultiver l'émotion avec la projection d'un film si inclassable, qu'aucune des présentations, que nous avons au préalable consultées, ne rend justice. Orfanato, de Jose Antonio Bayona, n'est surtout pas un film d'épouvante, même si les ingrédients du genre y sont. Suspense suivi ou précédé d'un rythme faussement apaisant, portes qui s'ouvrent sans raison, images choc sur plans serrés et éclairage parfois chiche. L'Orphelinat en use plutôt pour tendre vers le fantastique, mais sans être pleinement de ce genre. L'on n'est pas loin de Stanley Kubrick avec Bayouna. On y vogue entre réalité, fiction et irrationnel pour nous mettre en plein dans un questionnement métaphysique, le tout à travers un subtile palimpseste des aventures d'un célèbre personnage, Peter Pan, cela à la différence qu'il n'y est pas question de méchant pirate, le protagoniste étant la vie où la mort, l'une se confondant avec l'autre. Il n'est pas alors étonnant qu'il ait glané sept trophées sur les 28 à la cérémonie des Goyas, une manifestation annuelle par laquelle l'Académie des arts et des sciences cinématographiques d'Espagne récompense le cinéma espagnol. L'on ne peut manquer de noter également la prestation de Belén Rueda sur laquelle repose le film. Elle y est époustouflante de vérité, comme elle l'est par le sublime négligé dont savent se parer les grandes actrices du cinéma espagnol, ce qui les distingue du surfait de la femme objet qu'Hollywood s'ingénie à perpétuer. Enfin, au dernier moment de la journée, un concert qui a mis à l'honneur la guitare, un instrument caractéristique de la culture ibérique. Cependant, le programme présenté par le maestro Jorge Orozco a pris soin de s'écarter des sentiers battus et de l'idée commune que l'on se fait de l'art de la guitare en son pays. Il n'a point été question de musique festive mais d'intériorité à travers un très éclectique choix d'œuvres, tant dans leur variété que dans la nationalité de leurs compositeurs et de leurs sources musicales d'inspiration parfois éloignées de leur culture d'origine. A quand une prochaine journée ? José Calvan s'est engagé, pour peu que les autorités en charge de la culture le veuillent, d'une présence, voire d'un échange culturel raffermi.