Dans cet Irak en guerre, on se demande encore et toujours, ce qui peut expliquer le vote massif des Irakiens. Le fait est que le chiffre final toujours à l'état brut reste fluctuant, mais néanmoins important du point de vue participation. Mais s'interroge-t-on, du moment que tout le monde crie victoire ou la revendique à quel appel ont répondu les Irakiens, parce que cela constitue bien une réponse que seul le détail du vote pourrait expliquer. On sait déjà à ce sujet que Kurdes et chiites ont répondu aux appels de leurs leaders avec au bout de multiples promesses qui sonnent comme une libération pour les uns, et une revanche sur l'histoire et le destin pour les autres, ces deux groupes revendiquant une plus large place au sein du pouvoir, sans attendre la proclamation des résultats. Car le décompte des voix n'a commencé qu'hier matin au centre national mis en place par la Commission électorale à son siège à Baghdad, a déclaré un responsable de cet organisme. Un premier décompte avait eu lieu manuellement dans chaque bureau de vote, puis les résultats et les bulletins ont été envoyés au centre national à Baghdad pour un deuxième décompte. A ce rythme, les résultats définitifs seront connus dans un délai d'une semaine à dix jours. Mais d'ores et déjà, les Kurdes déclarent s'attendre à 25% des sièges. La liste d'union des Kurdes devrait obtenir 25% des sièges dans la nouvelle assemblée irakienne, a déclaré le chef de l'un des deux partis dominants au Kurdistan, Jalal Talabani. La presse kurde rapporte, par ailleurs, que la liste kurde a obtenu 68% des suffrages à Kirkouk, ville multiethnique dont les deux grands partis kurdes réclament le « retour » au Kurdistan, malgré les risques de tensions communautaires. Ces deux résultats, s'ils étaient confirmés, satisferaient, voire dépasseraient largement en ce qui concerne Kirkouk, les ambitions annoncées par l'Union patriotique (UPK) de Jalal Talabani et le Parti démocratique (PDK) de Massoud Barzani, qui administrent sans partage chacun une partie du Kurdistan autonome dans le nord de l'Irak et ont présenté une liste commune pour les élections nationales et à l'assemblée kurde. « Nous escomptons 25% des sièges » dans l'assemblée nationale transitoire, a dit Jalal Talabani cité dans le quotidien Kurdistani Nwe (Kurdistan nouveau). Il a relevé que « la participation (des Kurdes) est allée au-delà de nos espérances, jusqu'à atteindre 90% à certains endroits ». L'hégémonie de l'UPK et du PDK étant assurée au Kurdistan avant le scrutin, l'enjeu consistait pour eux à mobiliser leurs électeurs, afin de décrocher le plus de mandats parlementaires possibles et s'imposer comme une force incontournable. Selon des responsables kurdes, environ 80% des électeurs du Kurdistan se seraient rendus aux urnes dimanche. Les revendications kurdes inquiètent les autres communautés irakiennes, en particulier à Kirkouk, où coexistent de fortes communautés kurde, turcomane, arabe et chrétienne. Selon des chiffres non officiels, la liste conduite par les Kurdes a obtenu 68% et s'arrogerait 26 des 41 sièges du conseil de province. Si ces chiffres étaient confirmés, ils conforteraient les préoccupations des autres communautés, qui redoutent que les Kurdes ne dictent leur loi. Jalal Talabani a cependant redit la volonté kurde de consensus : « La tâche la plus importante de la nouvelle assemblée consistera à rédiger une constitution. Nous attendons qu'elle prenne en compte les vœux de tout le monde. » Des vœux, tout le monde en a. A commencer par le président irakien, Ghazi Al Yaouar qui a plaidé hier pour la participation de tous les Irakiens, à l'exception de ceux impliqués dans la violence, au processus politique après les élections générales. « Nous devons nous engager dans un dialogue et une réconciliation (...) avec tout le monde. Tous ceux qui n'ont pas eu recours à la violence doivent être des acteurs dans le processus politique », a déclaré M. Yaouar candidat à sa propre succession. « Il n'y a pas eu de perdant et de gagnant » dans les élections, a-t-il ajouté. Que penseront les autres communautés de tels propos ? Elles devraient en dire autant, tout en pensant, voire poussant à un réaménagement du pouvoir, et même des fondements du système. C'est l'enjeu des prochaines échéances.