Paris : De notre bureau Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a déclaré qu'une pré-enquête sera ouverte pour vérifier si les éléments de la plainte sont constitués. Serait-ce l'amorce de la fin de l'impunité dont jouit Israël depuis 60 ans ? C'est ce que vise en tout cas cette «démarche de justice», a indiqué Me Gilles Devers, qui a coordonné un collectif d'une quarantaine d'avocats internationaux, mardi après-midi, lors d'une conférence de presse organisée par le Club de la presse arabe à Paris. «La nouveauté, c'est qu'on n'a jamais été si près de l'application du droit international vis-à-vis d'Israël.» «L'idée de l'impunité d'Israël en tant que telle ne va plus de soi», a-t-il ajouté.L'avocat a annoncé qu'une autre plainte sera prochainement déposée avec des confrères espagnols dans le cadre de la compétence universelle. Celle-ci existe dans quelques pays dont l'Espagne, mais pas en France. Par contre, dans le cadre de la compétence nationale, une autre plainte sera introduite devant un juge d'instruction français par la fille, résidant à Besançon, d'une victime des bombardements israéliens, tuée à bout portant par un soldat israélien depuis un tank. Dans ce cas de figure, le juge national est compétent même si les faits ont été commis en dehors du territoire national. Les notions de crime de guerre et de crime contre l'humanité résultent de sources juridiques internationales. Un crime de guerre est un objectif militaire mis en œuvre avec une disproportion de moyens, a précisé Me Devers. Le crime contre l'humanité, c'est le systématisme de crimes de guerre. C'est aussi celui qui, d'emblée, n'avait pas de but militaire. Il relèvera aussi que «la préméditation est un élément déterminant du crime contre l'humanité». L'avocat cite trois exemples explicites de cette intention criminelle : un ordre de bombardement donné, dans les premiers jours à 11h30, correspondant à la sortie des écoles, avec «le risque assumé de frapper des enfants» ; des bulldozers dans un cimetière, dont il faut comprendre que c'est «une manière de dire aux Palestiniens que même morts vous n'aurez pas de repos, ce n'est pas votre terre» ; le troisième exemple c'est la destruction des terres arables, des champs de culture pour nuire à la population. «La justice va se prononcer sur des faits.» «Nous sommes en train d'établir ce qu'on appelle une base raisonnable pour justifier que la CPI ouvre une enquête.» Des éléments antérieurs aux bombardements israéliens de Ghaza entreront en compte dans la constitution des faits. C'est le cas du blocus qui a été imposé aux Ghazaouis, la question du Mur ou les déclarations de Olmert sur l'organisation de ripostes disproportionnées aux roquettes du Hamas. Me Devers a indiqué que l'Autorité palestinienne a fait preuve d'une «extrême sagesse» en s'adressant à la Cour pénale internationale pour lui donner compétence d'enquêter à Ghaza. «C'est un acte majeur.» «Nous invitons Israël à en faire autant et à coopérer avec la CPI comme l'a fait l'Autorité palestinienne.» Il a précisé qu'une première mission a pu ramener de Ghaza des documents et des témoignages. Une seconde mission constituée de juristes et d'avocats est bloquée depuis dimanche en Egypte par les autorités égyptiennes. «Il est inadmissible que la CPI ouvre la porte et qu'un pays arabe la ferme.» Créée légalement en 1998, entrée en fonction en juillet 2002, la Cour pénale internationale (CPI), installée aux Pays-Bas à La Haye, est le premier tribunal international permanent chargé de juger les auteurs de «crimes de guerre», de «crimes contre l'humanité» et de «génocide». 120 Etats, dont la France, ont ratifié son texte. Bien qu'Israël n'ait pas ratifié le texte, les membres de l'armée israélienne visés par la plainte déposée auprès de la CPI pourront être poursuivis par cette juridiction dans la mesure où ils jouissent d'une double nationalité, a précisé Me Devers. «Je ne vois pas pourquoi la France échapperait à cette juridiction», a ajouté Me Devers, signalant qu'une demande a été adressée à l'Elysée, mais que la réponse se fait toujours attendre. «Le droit a une part fondamentale dans la résolution du conflit», a estimé Me Devers. Et d'ajouter que «ce qui s'est passé à Ghaza restera un fait majeur, c'est une manière de refonder le droit international», dans le sens où «on va sans doute reconnaître aux peuples les moins protégés parce qu'ils n'ont pas d'Etat constitué d'être protégés».