« Mourir, la belle affaire », chantait Brel. Il n'avait pas tort ! A Skikda, mourir est devenu un luxe, et les places au cimetière sont de plus en plus rares. Zef-zef, le cimetière de la ville, souffre de saturation, laquelle semble avoir atteint un seuil intolérable. Il est tellement surchargé, qu'enterrer une personne est devenu un vrai casse-tête. En effet, depuis 1981, date de sa création, ce cimetière n'a bénéficié d'aucun aménagement ; aujourd'hui, les tombes sont installées de manière si anarchique que le visiteur à du mal à s'y retrouver. « Ici les nouvelles tombes poussent comme des champignons, voyez vous-même elles bloquent même le passage », dira un vieux monsieur venu se recueillir sur la tombe d'un proche. Selon certains jeunes ouvriers du cimetière, « les autorités, au courant de la situation, n'ont cessé de (nous) réconforter avec des promesses illusoires, en évoquant à chaque fois sa fermeture imminente, devenue aujourd'hui urgente, sauf que rien n'a été concrètement réalisé et on continue à ce jour d'y enterrer les morts ». Et de poursuivre : « Nous avons, à maintes reprises, établi des rapports détaillés sur la situation, et la seule fois où nous avons pu obtenir un écho, remonte au temps d'El Islah. A l'époque, il était prévu l'exploitation d'un terrain localisé au niveau de la commune d'El Hadaeik sur une superficie d'environ 17 ha. Les entrepreneurs avaient entamé, durant quelques mois, des travaux pour son aménagement mais ont fini par laisser tomber. » Ainsi, le projet a été mis aux oubliettes et l'actuel cimetière continue de subir les aléas du temps, qui a fini par en dégrader l'aspect. Un simple tour suffit d'ailleurs pour se faire une idée sur la situation : clôture arrachée, bouteilles en plastique et tessons, en quantité, dans tout l'espace envahi par les herbes folles, jamais coupées. A terme, l'endroit deviendra un véritable maquis et connaîtra le même sort que beaucoup d'autres cimetières abandonnés. Les ouvriers ont d'ailleurs été à plusieurs reprises victimes de piqûres de scorpions, heureusement sans gravité. De plus, cet espace de recueillement s'est transformé en prairie, au grand bonheur des animaux qui y pénètrent sans que personne ne s'en soucie. « Ils font désormais partie du décor du cimetière », dira ironiquement un jeune. On l'aura compris, à Skikda, même les morts ne sont pas épargnés. Ils sont soumis à la grâce des décideurs, au même titre que les vivants d'ailleurs.