Le tribunal londonien de Westminster rendra demain sa décision concernant la demande d'extradition de Abdelmoumen Khalifa, introduite par l'Algérie. Cette décision intervient au moment où le dossier Khalifa ouvert par le tribunal de Nanterre, en France, connaît une nouvelle tournure. Raghed Echamaâ, cet ex-conseiller de Abdelmoumen, s'est rendu à la justice française qui l'a placé sous contrôle judiciaire. Le juge Timothy Workman du tribunal londonien de Westminster rendra sa décision demain, concernant l'extradition ou non de Abdelmoumen Khalifa, l'ancien patron du groupe Khalifa, réfugié depuis 2003 en Grande-Bretagne, et condamné (par contumace) par le tribunal criminel de Blida à la peine perpétuelle. Ainsi, après les auditions des témoins et des avocats des deux parties, (Abdelmoumen et le ministère algérien de la Justice) qui ont duré plusieurs mois, le juge se prononcera sur le sort de l'ex-golden boy, en attendant le lourd dossier ouvert par le tribunal de Nanterre, en France, concernant des opérations de blanchiment, d'abus de biens sociaux et de banqueroute frauduleuse. Cette affaire, dans laquelle s'est constitué le liquidateur de Khalifa Bank, comme partie civile, connaît une nouvelle tournure depuis que Raghed Echamaâ s'est rendu à la justice, après une cavale de plus d'une année. Il a été placé sous contrôle judiciaire pour « pour escroquerie, abus de biens sociaux et recel ». Le tribunal de Nanterre, faut-il le préciser, enquête depuis près de trois ans sur des opérations frauduleuses de blanchiment de fonds, ayant permis l'achat, par Abdelmoumen Khalifa, de 13 avions taxis, accaparés par Raghed Echamaâ, et d'une somptueuse résidence à Cannes, au prix de 35 millions d'euros, revendue à 6 millions seulement. Plusieurs personnes ont été, à ce titre, mises en examen pour « banqueroute frauduleuse, complicité de banqueroute, détournement d'actif et recel de ces infractions ». Une société écran Il s'agit – en plus de Abdelmoumen Khalifa – de Raghed Echamaâ, contre lequel un mandat d'arrêt international a été lancé pour le grief de « complicité de banqueroute frauduleuse, détournement d'actifs et recel ». Dans le cadre de cette même affaire, le juge de Nanterre a mis en examen l'ancien patron de EADS Scota, Phillip Debrun, pour « complicité de recel de biens sociaux » du fait qu'il n'avait pas procédé aux vérifications nécessaires sur les commanditaires de ces avions avant la transaction, comme le prévoit la réglementation, notamment en matière d'exigence des bilans. L'entreprise et son ancien patron sont soupçonnés d'avoir aidé Abdelmoumen à désimmatriculer les 13 avions, puis les réimmatriculer au nom de Khalifa Jetcorp, une filiale anglaise, qui n'est en réalité qu'une société écran et de les avoir vendus une seconde fois à Raghed Echamaâ. Ce dernier aurait un rôle important dans toutes les transactions relatives à ces avions, à commencer par leur achat auprès de la filiale du groupe EADS, Eads Scota, opération pour laquelle il aurait touché une commission de 5 millions de dollars. Après la chute du groupe Khalifa, Echamaâ a accaparé les appareils, dont un a été mis au nom de sa fille et les autres transférés aux USA, pour les démonter et les revendre en pièces détachées. L'avocat de la filiale de EADS, Me Kami Haeri, avait déclaré à la presse que c'est à la demande de Khalifa que l'immatriculation a été modifiée, précisant au passage que la vente litigieuse ne portait que sur trois avions et que l'enquête n'a pas démontré que Khalifa Jet Corp était une société écran. A signaler que le juge de Nanterre a également enquêté sur l'achat par Abdelmoumen d'une somptueuse villa à Cannes, à raison de 35 millions d'euros, revendue, à 6 millions, à la société SCI McMahon, et dont la transaction s'apparente beaucoup plus à une opération de blanchiment de fonds. En fait, c'est en 2003, que le tribunal de Nanterre a ouvert une information judiciaire pour « abus de confiance, banqueroute par détournement d'actif, banqueroute par dissimulation de comptabilité et de blanchiment en bande organisée », à la suite de plaintes pour malversations, au sein des sociétés du groupe Khalifa, enregistrées en France, à savoir Khalifa Airways, Antinéa Airlines (transport aérien) et Khalifa Rent-a-Car (KRC, location de voitures). L'enquête va durer plus de deux ans à l'issue desquels plusieurs personnes sont mises en examen. D'abord, Amine Chaâchoua, porteur d'un mandat général pour la gestion de Khalifa Airways en France et qui aurait établi l'acte de vente de la villa de Cannes. Il a été placé sous contrôle judiciaire « pour banqueroute frauduleuse, abus de biens sociaux et recel de ces derniers », au même titre que le notaire qui a établi la transaction, Mme Sakina Tayebi et l'ex-épouse de Khalifa, Mme Amirouchène Nadia. Le juge a également mis en examen Krim Smaïl et Jean-Marc Brandela, (qui avait mandat général sur les activités de Khalifa Airways en France), pour « complicité à banqueroute et abus de biens sociaux », avant de les placer sous contrôle judiciaire. Dans le cadre de ce dossier, la justice française avait introduit une demande d'extradition de Abdelmoumen Khalifa, en même temps que celle déposée par l'Algérie, laquelle avait plus de priorité pour en faire la demande. En tout état de cause, en attendant la décision du tribunal londonien prévue demain, celui que l'on dénomme le scandale du siècle n'a toujours pas livré tous ses secrets, d'autant que le volet le plus important, lié aux transferts illicites de fonds vers l'étranger ayant servi au blanchiment, est toujours au stade de l'instruction depuis 6 ans au tribunal de Chéraga, près la cour de Blida, alors que le dossier, ouvert par la Cour suprême et impliquant plusieurs personnalités de l'Etat, semble sombrer dans l'oubli.