Dans son dernier roman L'envers du désir publié dans la collection l'imaginable, édition Le Chasseur abstrait (Toulouse France), Ahcène Aït Saïdi raconte une histoire d'amour contrariée par les embûches de la vie ou traîtrises du sort, si vous préférez. Les mots utilisés par le narrateur sont simples et complexes à la fois. Simples dans la manière d'écriture et multiples dans le sens imprimé à un récit douloureux dans ses actes. Les mots racontent une idylle qui se termine par une grosse déception mais également par un espoir intangible. L'espoir de se refaire autrement. L'auteur n'utilise pas de rhétorique littéraire savante pour mener son histoire. Il ne brouille aucune piste, n'insiste que sur l'essentiel dans cette relation à deux qui ne semble se réaliser que dans les méandres de l'adversité. Inès, Yasmine, Sara et Serine, personnages multiples, sont un personnage pluriel, destinée unique. Elles sont une trajectoire avant d'être un prénom de femme, une identité meurtrie. Un accident de la vie, une halte barbouillée de ratures, une violence répercutée par un pays insatiablement renouvelée en échos. L'envers du désir raconte l'itinéraire mouvementé d'une femme qui a tout mais à qui il semble manquer le primordial, la réalisation de soi par la présence de l'autre, cet être aimé que l'on se doit de partager parce que l'amour accepte tous les sacrifices, parce que l'amour ignore tous les sacrifices, réside dans tous les artifices du sacrifice. Dans son livre-observation, Ahcène met en avant des personnages de la vie, des personnages communs, ordinaires, pour dire dans sa sensibilité d'écrivain écorché par tout ce qui l'agresse, l'histoire qu'il a vécue pour exprimer l'histoire qu'il a subie — et qu'il continue de subir — dans cette terre des hommes et des femmes qui ne semble réaliser ses grands destins que dans les violences éradicatrices. A travers son héroïne, l'auteur se place, au fil de l'écrit, dans le témoignage sur une période mouvementée de la marche de son pays. Il n'est pas dans la photographie journalistique mais bel et bien dans la construction d'une saga amoureuse dont les ingrédients pourraient se retrouver dans ces événements qui l'interpellent dans ses interrogations, ses blessures symboliques et ses convictions politiques et esthétiques. Les instantanés ou repères de l'histoire immédiate, tels que nous les concevons, ne sont pas puisés à l'intégrale ni copiés à partir d'événements du jour précis, mais sur les sentiments que suggèrent ces instantanés. Dans une bonne proportion, les expressions et autres tournures qu'utilise l'auteur dans le déroulement de l'histoire de ce couple écartelé expriment toute la difficulté d'être femme moderne dans un milieu où les tentatives de se libérer sont toujours frappées de suspicion pour ne pas dire de parjures. L'envers du désir se lit et s'observe. Le roman est à la fois descriptif et visuel car l'histoire narrée est une histoire où l'image est présente de bout en bout. Elle donne la main à l'écrit et parfois le double. Rappelons que Ahcène Aït Saïdi est l'auteur d'un précédent roman intitulé Les anges meurent jeunes. L'œuvre a été éditée par Dar El Gharb en 2003.