Il y a de l'ironie mais surtout de la tension dans l'air, pourtant purifié depuis le tête-à-tête Medvedev-Obama à Moscou. «La question se pose : qui fixe la politique étrangère des Etats-Unis ? Le président ou les respectables membres de son équipe», s'est interrogé le conseiller de Dmitri Medvedev, au micro de l'agence Interfax. Et Serguei Prikhodko est forcément la voix de son maître au Kremlin. Il rappellera au besoin que lors de la récente visite d'Obama à Moscou, il a eu «une conversation que nous jugeons positive et sérieuse et qui a créé une atmosphère de bonnes relations». Or, les propos du vice-président américain, Joe Biden, tenus la veille dans une interview accordée au Wall Street Journal, ont fait l'effet d'un rabat-joie à Moscou. Joe Biden s'est montré critique vis-à-vis de la Russie en estimant que l'accès de faiblesse actuel de l'économie russe comptait pour beaucoup dans l'attitude «plus conciliante de Moscou vis-à-vis du reste du monde et que la Russie serait contrainte de faire des compromis avec l'Occident sur nombre de dossiers». Ces propos semblent avoir heurté la sensibilité des dirigeants russes, ayant pris acte de la bienveillance d'Obama. «Si cette atmosphère ne plaît pas à certains membres de l'équipe et du gouvernement de M. Obama, qu'ils le disent. S'ils ne sont pas d'accord avec la ligne de leur propre président, nous devons simplement le savoir», a encore déclaré Serguei Prikhodko, manifestement vexé. Et ce n'est pas fini, le porte-parole de Medvedev lance une contre-offensive aux torpilles de Biden. «A présent que les délégations et institutions russes et américaines ont commencé un travail pratique important pour mettre en œuvre les accords passés, pourquoi soudain le numéro deux de l'Administration américaine, le vice-président Joe Biden, a-t-il décidé de faire part de son interprétation et de ses vues sur les relations bilatérales ?» Ces déclarations préoccupées de Moscou se veulent une mise au point destinée à susciter la réaction du président américain pour être fixé sur la conduite à tenir avec Washington à la faveur de cette duplicité de langage entre le président et son vice-président. Joe Biden, qui a effectué cette semaine une visite en Ukraine et en Géorgie, deux pays dont les relations avec la Russie ne sont pas un modèle de bon voisinage, semble avoir dilapidé le capital sympathie dont Obama a été crédité lors de son crochet à Moscou. Cela risque de polluer un peu l'atmosphère entre deux grandes puissances qui négocient laborieusement la réduction de leurs arsenaux nucléaires. Le vice-président américain s'était également distingué, il y a quelques jours, par des déclarations tonitruantes à l'égard des responsables irakiens dont il avait critiqué la gestion politique. Il est allé jusqu'à menacer Al Maliki de retirer les troupes américaines si les conflits confessionnels n'étaient pas réglés. Des propos qui n'ont pas plu à ce dernier, qui a tôt fait de les rejeter en les qualifiant d'«ingérence». Il est loisible, en effet, de déceler une dissonance dans le discours de l'Administration américaine, qu'il soit prononcé par le président lui-même ou son vice-président. S'agit-il d'un savant partage des rôles au sein de l'équipe Obama qui consiste à tendre la carotte par-ci et à brandir le bâton par-là ? Ou est-ce un signe que le couple Obama-Biden commence à battre de l'aile ?