Pour la première fois à Constantine, ville natale du penseur Malek Bennabi, un séminaire consacré à ses œuvres et sa pensée a été organisé, mercredi dernier, à l'université islamique Emir Abdelkader. Cependant, faut-il le noter, l'organisation hâtive d'un rendez-vous qui devait rassembler de nombreux conférenciers était bien remarquée. Carences organisationnelles et défaillances de marque ne sont pas passées inaperçues face à une salle à moitié vide. Première fausse note, la séance d'ouverture a démarré avec une heure de retard. Contrairement au programme communiqué à la presse, les intervenants pour le protocole se sont avérés nombreux. Les paroles données par complaisance n'ont pas manqué de susciter l'impatience des présents. Un fait à retenir est la présence de Mme Rahma Bennabi, fille cadette du penseur. Trahie par un accent syrien (on saura qu'elle vit depuis plus de vingt ans à Los Angeles avec son époux syrien), l'invitée du colloque s'est attardée sur des souvenirs lointains bien qu'elle n'eut connu son père que durant neuf ans. L'ombre du 8e congrès du FLN a aussi plané sur la rencontre. Des invités dont Mme Z'hour Ounissi, n'ont pas fait le déplacement. Le docteur Abdessalam El Harras du Maroc, tant attendu pour avoir connu et côtoyé Malek Bennabi durant son long séjour cairote, dans les années 1950, s'est excusé à la dernière minute. Seconde fausse note, après une longue parade d'ouverture, l'assistance n'a eu droit durant la matinée qu'à deux interventions dominées par des témoignages personnels. Le premier invité à prendre la parole n'était autre que le docteur Omar Kamel Meskaoui, un ex-ministre libanais devenu célèbre pour être le détendeur, selon ses allégations, d'un testament signé par Malek Bennabi, lui conférant l'exclusivité de la traduction, de la publication et de la diffusion de ses œuvres. Intervenant durant plus d'une heure, il s'est donné le plaisir de se balader dans des évocations de souvenirs et d'incessants flash-back où l'on lit une tendance apparente à se mettre en exergue. Il sera suivi par le docteur Jawdet Saïd qui, malgré quelques révélations intéressantes qu'il a tenu à apporter, a péché par sa fougue et son incohérence. Mis à part l'intervention du docteur Amar Tabli, suivie avec grand intérêt, le reste des invités est passé complètement à côté du sujet. Alors que les thèmes de la rencontre ont été carrément mis aux oubliettes, des débats, pourtant prévus dans la rencontre, on n'en a pas vu la queue. Le moment fort du séminaire fut sans aucun doute celui de la lecture des recommandations. Des recommandations qui n'apportent rien de nouveau, apprend-on auprès de certains habitués de ce genre de colloques, puisqu'elles ont été celles-là même qui ont bouclé les travaux du colloque international organisé depuis une année à l'hôtel El Aurassi par le Haut-Conseil islamique. Cependant, c'est au tour de la lancinante question de la création de la fondation de Malek Bennabi qu'une véritable polémique est née. Selon la famille constantinoise de Malek Bennabi, représentée par sa nièce et l'une de ses héritières légitimes, Zineb Moussaoui née Meskaldji, l'idée de la fondation fait l'objet, depuis des années, d'une série de tergiversations dans les coulisses de certains cercles en Algérie et à l'étranger. Cette famille qu'on a rencontrée au cours de ce séminaire, affirme même que les organisateurs du colloque auraient tout fait pour l'écarter. D'ailleurs, à la lecture des recommandations, Mme Moussaoui qui a demandé à intervenir fut empêchée de prendre la parole. Elle insistera tout de même pour faire entendre sa voix en annonçant son opposition à la création de toute fondation au nom de Malek Bennabi sans l'aval de sa famille et de ses héritiers légitimes. « J'ai passé vingt ans de ma vie à me battre pour récupérer l'héritage intellectuel et culturel de Malek Bennabi et je ne permettrai pas que cet héritage demeure entre les mains d'une poignée d'opportunistes » nous dira-t-elle d'un ton ferme. Finalement, le séminaire qui s'est terminé d'une manière inattendue, devant une salle vide, a laissé planer une foule d'interrogations. Qui profite réellement des œuvres et des innombrables écrits de Malek Bennabi ? Qui tire les dividendes qui en découlent de leur traduction, de leur publication et de leur diffusion sachant qu'elles s'arrachent comme des petits pains dans les pays de l'Orient et demeurent, jusqu'à nos jours, absentes des étals de nos librairies ? L'avenir est bien capable de nous apporter les réponses.