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Un sanctuaire du savoir anéanti par les luttes idéologiques
Université islamique Emir Abdelkader de Constantine
Publié dans El Watan le 10 - 10 - 2007

Les quinquagénaires constantinois se rappellent bien le petit texte, inséré en oreille dans les encarts publicitaires, dans le journal local An Nasr vers la fin des années 1960 : « Contribuez à la construction de l'objet de votre fierté, la mosquée Emir Abdelkader. »
En ce temps-là, l'idée d'une université ne faisait que germer dans la tête des dirigeants de l'époque, au même titre d'ailleurs que les fameuses conférences de la pensée islamique, qui faisaient office d'internationale islamique, rassemblant chaque année les penseurs et ouléma des pays arabes et musulmans. L'objectif recherché était de faire accréditer l'idée que l'option du socialisme amorcé, ces années-là, n'était pas dogmatiquement d'obédience soviétique, mais puisait son inspiration dans les valeurs égalitaires énoncées dans les préceptes islamiques. « Une auto-fetwa préservant le régime des foudres des forces conservatrices, assez fortes à l'époque, mais il y avait, tout de même, une certaine sincérité conférée à une dimension spirituelle au triptyque révolutionnaire, agraire, culturel et industriel », affirme un des notables du régime de Boumediène, devenu un féru des anciens manuscrits que recèle la bibliothèque de l'université Emir Abdelkader. Les travaux avaient alors commencé en 1967, et l'Etat avait fait appel à un architecte égyptien, Mustapha Moussa, à la compétence avérée, qui a aussi conçu le Palais des nations à Alger. Il donne les premières esquisses qui laissent transparaître l'émergence de l'un des plus beaux ouvrages d'art de l'Algérie post-indépendance. Les styles oriental, mauresque et maghrébo-andalou se complètent en parfaite osmose avec, cerise sur le gâteau, un dôme cathédral trônant au beau milieu et offrant une dimension méditerranéenne. Le projet subjugue. Il est adopté. Mais les travaux traînent, non pas faute de finances, car les dons, aussi bien particuliers qu'émanant d'Etats musulmans, n'ont jamais tari, mais par l'absence de mécanismes de contrôle ayant droit de regard sur l'affectation réelle des ressources pécuniaires.
Premier écueil : l'appellation
Il aura fallu donc dix-sept années de long ouvrage, pour que le président Chadli Bendjedid, excédé par tant de retard, ordonne sa mise en fonction, en vertu du décret 84/182 du 4 août 1984 portant création de l'université islamique Emir Abdelkader. Premier écueil : un grand débat est né autour de l'appellation. Pourquoi avoir choisi l'émir de Mascara au lieu de Ben Badis ? Un débat dont la toile de fond ne dégageait pas de relents régionalistes, mais plutôt un sourd antagonisme qui avait cours, en ce temps-là, entre deux ailes évoluant au sein du pouvoir : l'aile nationalo-conservatrice dont faisait partie Boumediène, et l'aile qui se réclamait de la Nahdha badissiène. Il semblerait qu'au terme de ce rapport de forces, c'est la première frange qui a eu le dessus, arguant le fait que c'est l'Emir qui, le premier, a posé les jalons de l'Etat algérien en l'affranchissant du beylik ottoman, et aussi le premier à avoir organisé la résistance anticoloniale. L'université sera alors baptisée en son nom. Octobre, la rentrée universitaire est déjà là, et il fallait parer au plus pressé : recruter le personnel administratif et établir l'organigramme. Le choix du recteur s'est porté sur Ammar Talbi, professeur de philosophie à Bab Ezzouar, adepte du penseur Malek Bennabi, dont il était l'ami. M. Talbi était certes un érudit, passionné de la pensée musulmane, ancienne et contemporaine, mais piètre gestionnaire, qui, plus est, s'est entouré de cadres frais émoulus n'ayant jamais exercé dans l'administration auparavant. Cela ne manquera pas d'avoir a posteriori de graves conséquences. Cela étant, il manquait la caution religieuse qui conférerait à la nouvelle institution un rayonnement digne de celui d'El Karaouiyine au Maroc ou de celui de Zitouna en Tunisie. Chadli Bendjedid chargera Abdelhak Bererhi, alors ministre de l'Enseignement supérieur, de prendre attache avec l'imam cheikh El Ghazali, un Azhari vivant en Arabie Saoudite, en exil, suite à des déboires avec le régime de Anouar Sadate dont il a stigmatisé le projet de sa femme, Jihane, laquelle était sur le point d'introduire des amendements au code de la famille, jugés trop féministes. Cheikh El Ghazali accepte de présider le conseil scientifique en se réservant le droit de regard sur les programmes pédagogiques. Cahin-caha, l'année universitaire démarre. Les premières fournées d'étudiants, ayant eu une éducation et une culture religieuses puisées dans les halakates dans les mosquées, sont en fait des autodidactes (issamiyines) dans ce domaine, ils ont pour la plupart du mal à s'accommoder de cursus structurés, longs de quatre années entières. D'où de fréquentes prises de bec avec des enseignants rodés à la méthodologie froide acquise à El Azhar, Aïn Chems ou Alep. Venant du pays profond, nos étudiants charrient une structure mentale, davantage en adéquation avec l'Islam « originel », tout en se montrant réfractaires à toute velléité d'adaptation, à l'effet de faire face aux défis nouveaux. La déliquescence administrative aidant, les ultra-salafistes trouvent du grain à moudre pour tout remettre en cause. Les organisations estudiantines, celle d'obédience Hamas d'un côté et celle proche de Djaballah de l'autre, se livraient à des luttes intestines pour le contrôle de l'université. Sauf que ces tentatives étaient restées vaines, dès lors que l'imposante présence de cheikh El Ghazali, son aura internationale et sa parfaite connaissance des mouvances islamistes, ont été des remparts inexpugnables contre des manœuvres politiciennes qui se jouaient dans les arcanes de l'université. Il tenait le rôle d'un métronome entre des étudiants trop pressés d'en découdre, et une administration mièvre et dépassée, coupable, selon eux, d'être à la solde du pouvoir. Cependant, en dépit de cette atmosphère en perpétuelle surchauffe, la qualité des études, disait-on, était appréciable.
Visions antagoniques
Les Syriens, les Irakiens, les Egyptiens et dans une moindre mesure les Turcs se donnaient à fond. Des étudiants de 12 nationalités différentes, d'Afrique, d'Asie, d'Albanie et de Bosnie-Herzégovine, avaient trouvé un sanctuaire studieux qui leur plaisait et venaient chaque année plus nombreux. Des conférences de grande qualité avaient été organisées, suivies de débats d'une haute teneur scientifique, notamment celle de Maurice Bucaille, l'auteur de La Bible, le Coran et la science, celle de Youssef Islam (Cat Stevens), de même que la mémorable polémique ayant opposé cheikh El Ghazali au penseur Mohamed Arkoun… En 1988, les événements d'octobre et leur cortège de morts avaient précipité le départ de cheikh El Ghazali, dont les proches avaient avancé la raison impériale de « la maladie grave » pour le rapatrier. Les contradictions internes inhérentes à des visions stratégiques antagoniques, qui se disputaient le contrôle de l'université, apparaissent alors dans leur totale nudité. Les poussées salafistes, de plus en plus patentes, d'un côté, et les manœuvres subtiles des organisations estudiantines de l'autre, vont précipiter l'université dans la plus longue grève du palier supérieur que l'Algérie ait connue jusqu'alors, et cela au moment même où l'on s'apprêtait à organiser un colloque d'envergure internationale. Durant plus d'un mois, les ultras de tous bords s'érigent en maîtres des lieux. Personne, hormis eux, n'a pu franchir le portail où les étudiants, la mine pâle et défaite, montaient la garde. La revendication principale, non négociable, était le limogeage de Ammar Talbi, estampillé bennabiste, voulant s'emparer de l'université devenue un enjeu idéologique. M. Talbi a même été menacé de mort, après un effrayant siège du rectorat. Suite à maints conciliabules, les étudiants ont eu gain de cause. A partir de cette période, rien ne sera plus comme avant. Les professeurs étrangers, témoins de la véhémence des propos et des comportements, sont partis massivement offrir leurs services sous d'autres latitudes. Tout le staff administratif dirigeant a été changé, de même que beaucoup de choses que les pouvoirs publics se sont appliqués à revoir a posteriori. Vidée de sa substance et de son dynamisme, l'université islamique sombre petit à petit dans l'anodin. Même le défunt Dr Ahmed Aroua, nommé après coup, et dont tout le monde loue la probité intellectuelle et morale, n'a pu que constater les dommages indélébiles causés par la grève. Il a essayé, en vain, de redresser la barre, mais faute de moyens humains, il s'est vite rendu à l'évidence que les ressorts sont cassés. Un des anciens enseignants, qui a vécu tous ces avatars, regrette les projets qui étaient en maturation au sein du conseil scientifique « pour faire de cette institution une référence incontournable en matière d'exégèse, de jurisprudence islamique (fikh), bref, de l'émergence d'une fatwa crédible, au moins à l'échelle nationale ». Il enchaînera en disant ceci : « Que dire aussi de l'observatoire astrologique qui était sur le point de se concrétiser et qui nous aurait évité toutes ces palabres autour de la ponctualité des circonstances religieuses… Tout cela est maintenant tombé à l'eau. Aujourd'hui, l'activité culturelle ainsi que la réflexion sur les sujets importants sont au degré zéro. » Son collègue, aussi désabusé que lui, nous convie à assister à la prochaine manifestation qui se déroulera dans la magnifique salle de conférences et qui, pour lui, sera un indicateur fiable de l'état de l'université islamique. Après avoir insisté, il nous dira qu'elle est presque toujours louée pour des séminaires de sages-femmes et de pharmaciens, ainsi qu'à d'autres catégories professionnelles.


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