Située à l'extrême est des frontières de la wilaya de Jijel, à quelque 6 km du chef-lieu de la commune d'El Milia, de laquelle elle dépend administrativement, Ouled Salah est une bourgade qui renoue ces jours-ci avec ses traditions ancestrales. A l'instar des autres localités de la région, ce vaste bourg de quelques centaines d'habitants qui s'est vidé, faut-il le dire, de sa population à la faveur de l'exode rural des années 1970-1980, mais aussi celui des années 1990, est en effervescence en cet automne, saison de la cueillette des olives. Des familles entières, des femmes surtout, mais également des hommes, sont là à pied d'œuvre depuis le début de ce mois pour cueillir les olives. Habitant pour la plupart d'entre elles la ville d'El Milia, où elles sont installées avec leurs familles depuis des décennies, de nombreuses femmes rallient chaque matin le douar natal, celui de leurs grands-parents pour être à l'heure et entamer une journée d'un travail harassant. «La cueillette des olives a toujours été un travail pénible, voire une véritable corvée, bien que cette tâche soit, depuis des lustres, ancrée dans nos traditions», témoignent des femmes de retour d'une journée de labeur. Chaque matin que Dieu fait, ces femmes se lèvent tôt et s'efforcent d'être à l'heure pour arracher une place à bord d'un bus de transport qui fait la navette entre la ville d'El Milia et le douar Ouled Salah. Les retardataires ne trouvent pas de place, nous indique-t-on sur le lieu de départ de ce bus. Les bousculades sont parfois intenses entre des femmes qui s'empressent pour être à l'heure et entamer leur dure journée de travail. Depuis quelques temps, les habitants de cette bourgade, tout comme ceux qui y reviennent pour la cueillette, sont toutefois satisfaits des nouvelles conditions dans lesquelles ils se déplacent. La route reliant la ville d'El Milia à Ouled Salah, en passant par la localité d'El Atka, a enfin été aménagée après une longue attente de la population. Il ne reste que le bitume pour que cette voie qui se prolonge jusqu'au bassin du barrage de Boussiaba soit achevée. Les habitants ne cachent d'ailleurs pas leur satisfaction de voir enfin leur isolement rompu, non sans mentionner qu'ils attendent toujours d'autres gestes de la part des responsables locaux «pour (les) raccorder, pourquoi pas, au gaz de ville et trouver une solution à l'alimentation en eau potable». Le transport scolaire est également un souci pour les habitants; certains n'ont même pas les moyens de prendre en charge les frais quotidiens de déplacement de leurs enfants scolarisés à El Milia. Chaque jour, au matin comme en fin d'après- midi, les mêmes scènes de bousculades sont là pour rappeler qu'il est urgent de trouver une solution à ce problème pour faciliter le transport des élèves de cette localité, longtemps marginalisée, de l'avis même de ses habitants. Un des fiefs de la guerre de Libération nationale, Ouled Salah, qui se souvient encore de ses martyrs en ce mois glorieux de novembre, a payé le prix fort pour sa participation à la libération du pays. Cette localité martyre, ayant subi le massacre de sa population civile par l'aviation coloniale, était le point de passage et de rencontre des valeureux combattants de l'ALN. La cueillette des olives, coïncidant avec le mois de novembre, est aussi vécue comme un moment de remémoration de ces événements. L'huile d'olive a toujours été un aliment de substitution en ces temps-là où les vivres et le ravitaillement faisaient défaut. C'est un aliment de base qui fait partie des traditions culinaires de la région. Pendant la guerre, l'Histoire retiendra que chaque combattant, chaque moudjahid, selon des témoignages unanimes, avait sa petite bouteille d'huile d'olive dans la poche pour se nourrir en cas de besoin. Roger Trinquier, sinistre colonel de l'armée coloniale, qui avait été chargé par Challe, le non moins sinistre général de cette même armée, de commander le secteur d'El Milia, a reconnu dans ses mémoires qu'il avait tenté de contrôler la cueillette des olives dans la région, juste, avait-il avoué, pour éviter que l'huile d'olive n'atterrisse dans les maquis de la Révolution.