Perdre ses documents lors d'un voyage peut arriver à n'importe qui. La famille Loucif, après les déboires endurés au retour du voyage qui l'a ramenée de Djeddah à Rome, sait, désormais, que dans de telles circonstances, il vaut mieux ne pas se faire trop d'illusions sur le secours de notre représentation dans la capitale italienne. « Tous ont pris à cœur notre souffrance ; les responsables de la compagnie aérienne d'Arabie Saoudite, le commissaire-adjoint de la police des frontières de Fiumicino, sauf nos diplomates en poste à Rome », nous raconte, amer et visiblement épuisé, Imad Loucif, un père de famille qui a dû passer, avec ses vieux parents, sa femme et son bébé de six mois, plus de douze heures de garde à vue à l'aéroport de Rome. A leur arrivée en Italie, mardi dernier, à 6h, les Loucif, nous racontent-ils, se sont rendu compte que tous leurs documents gardés dans un même sac à main sont restés dans le bus de l'aéroport de Djeddah. Imad, un médecin qui a fait sa spécialité en cardiologie à Rome et où il réside encore officiellement - il nous apprend que son passeport lui a été délivré par l'ambassade de Rome - bien que ses études en France l'obligent à des va-et-vient de part et d'autre des Alpes, est encore sous le choc. Il nous montre les photos qu'il a tenu à prendre, avec son téléphone portable, de sa famille gardée à vue dans le poste de police de Fiumicino. Une en particulier lui fait venir les larmes aux yeux. « Mes parents, hadjs, qui attendent leur tour au milieu de délinquants pour se faire prendre les empreintes comme de vulgaires criminels. Pourtant, les services de l'ambassade auraient pu facilement leur éviter une telle humiliation à leur âge en attestant simplement que nous étions bien des citoyens algériens. » Pour en savoir plus, nous avons contacté, hier, Mokhtar Reguieg, l'ambassadeur d'Algérie à Rome, qui nous a déclaré que ses services « ont une réglementation à suivre et ne peuvent établir la nationalité sur simple déclaration d'une personne », avant de couper court à la conversation téléphonique et de nous lancer sur un ton agacé et arrogant : « Qu'est-ce que vous voulez de moi ? Je n'ai pas à répondre à vos questions ! » Pour sa part, Fayçal Abdel Aziz al Seddik, directeur de Saudi Airlines, qui a assisté la famille, nous affirme qu'il n'a fait que son devoir de bon musulman. « Nos recherches à l'aéroport de Djeddah n'ont pas permis de retrouver les papiers de la famille Loucif, j'ai alors contacté, en personne, l'ambassade d'Algérie, vers 11h. Après quoi, j'ai chargé mes employés de secourir cette famille dans la difficulté. » Imad insiste pour nous dire qu'il a passé son temps à appeler les fonctionnaires de l'ambassade algérienne et à laisser des messages de détresse. Vers 17h, fichés par la police italienne, qui, preuves digitales à l'appui, a vérifié que les malheureux n'étaient pas recherchés, épuisés et désespérés par les pleurs incessants du bébé, les Loucif contactent, grâce à l'aide de la police de Fiumicino, le consulat de Naples, de qui ils savent pourtant ne pas dépendre territorialement. Cette fois, la chance leur sourit et ils tombent sur un diplomate qui connaît M. Loucif et qui leur envoie, via fax, un document attestant qu'ils sont des citoyens algériens. A 18h, ils sont finalement libres. Ils sont restés de l'aube jusqu'au crépuscule entre le poste de police et la nursery de l'aéroport de Rome, sans qu'aucun représentant de l'ambassade daigne leur porter secours. Si le fait d'être un médecin résident à Rome, de parler italien et de connaître plusieurs diplomates en poste, n'a pas trop servi à cet Algérien, inutile d'imaginer le calvaire d'un simple touriste algérien de passage en Italie qui aurait eu la malchance de perdre ses documents.Il semble que les diplomates algériens en poste à Rome aient oublié depuis longtemps l'un des principaux motifs pour lesquels ils se trouvent en poste à l'étranger : préserver la dignité des ressortissants algériens. Il faut croire que la Dolce Vita, aux frais du contribuable algérien, fait perdre la tête à certains.