A l'origine, le refus de payer le «droit de passage», ce qui a poussé les braqueurs à confisquer le chargement de drogue. Pour monnayer la restitution de la cocaïne, les narcotrafiquants ont enlevé le maire d'Anefis, dans la région de Kidal. Grave escalade qui intervient au moment où Ag Bahanga se trouve à Alger pour des entretiens sur l'inquiétante situation. Alors que les cadres dirigeants du mouvement de rébellion targuie du nord du Mali intensifient leurs démarches pour la réactivation du dialogue avec Bamako, la situation dans la région de Kidal s'aggrave avec les guerres de clans entre contrebandiers et narcotrafiquants et surtout l'enlèvement, dans la nuit du 21 au 22 janvier derniers, d'un notable de la région de Kidal, maire d'Anefis, une commune rurale située à 100 km de Kidal et à 250 km de Gao. Révélé par quelques journaux locaux, le rapt de Ould Sidi Mokhtar, âgé de 80 ans, intervient à la suite d'une guerre entre gangs arabe et touareg pour le contrôle du trafic de cocaïne entre Gao et Kidal, où les trafiquants en tout genre et les groupes terroristes se partagent les revenus de leurs activités criminelles. C'est ainsi que les narcotrafiquants, généralement issus des tribus arabes, sont obligés d'acheter la sécurité de leurs convois auprès de gangs composés de Touaregs qui contrôlent les routes et les chemins de la région, alors que les terroristes doivent partager avec toutes les factions les rançons qu'ils obtiennent en contrepartie de la libération des otages, choisis uniquement parmi les touristes occidentaux. Le trafic de drogue, notamment de cocaïne, a proliféré rapidement ces dernières années pour devenir un des plus rentables après celui des armes et des rançons. Si les Arabes ont réussi à avoir la mainmise sur ces filières, les Touaregs, de par leur connaissance du terrain, ont plutôt profité de cette manne en imposant des «taxes» sur chaque passage de cargaison par leur région. Des taxes qui évoluent selon l'importance des quantités, devenues importantes depuis l'affaire de ce Boeing (bourré de cocaïne) qui a atterri, il y a quelques mois, au nord de Gao, pour débarquer des dizaines de tonnes de cocaïne, disparues dans la nature. En cette nuit du 31 décembre 2009, un accrochage armé a opposé des narcotrafiquants à des Touaregs dans la région de Bouraïssa, au nord-est de Kidal, faisant au moins deux morts, des deux côtés, avant que les véhicules transportant près de 10 tonnes de drogue ne soient déchargés et calcinés et la cargaison confisquée. A l'origine de cet affrontement armé, le refus des convoyeurs (en général de la communauté arabe) de payer les «taxes de passage» jugées trop élevées. Des sources locales nous ont expliqué que «l'accrochage a éclaté parce que les convoyeurs de cocaïne auraient refusé de payer la somme de 30 millions de dinars réclamée pour garantir la sécurité du passage de la cargaison». Bilan : deux morts, un de chaque côté, des blessés et la destruction des véhicules avec confiscation par les Touaregs des 10 tonnes de drogue. Une marchandise que les narcotrafiquants ont tout fait pour récupérer en ramenant des renforts de leurs tribus. Comme la fin justifie les moyens, c'est le maire d'Anefis, patriarche des Kounta, qui en a fait les frais à travers son enlèvement dans la nuit du 21 au 22 janvier derniers alors qu'il se trouvait dans son campement de la commune rurale. Une grave escalade qui a poussé, hier, les communautés arabe et tamashek à condamner le rapt et à interpeller les autorités de leur pays «à prendre des mesures immédiates contre les narcotrafiquants». Des appels au calme ont été lancés de part et d'autre. Pour l'instant, aucune nouvelle n'a été donnée sur le sort de l'otage, alors que des informations non confirmées font état de négociations quant à sa libération en contrepartie de la cocaïne confisquée. C'est dire que la situation dans le nord du Mali a atteint un seuil de gravité inquiétant. La venue à Alger de Brahim Ag Bahanga, un des figures de proue de la rébellion du Nord, intervient dans un contexte très particulier, lui qui fait partie de la communauté à laquelle appartient l'otage des narcotrafiquants. Après les appels de détresse des cadres de son mouvement lors de la conférence qu'ils ont tenue début janvier à Alger, Ag Bahanga vient réitérer son soutien à la réactivation du dialogue avec Bamako dans le but de réanimer l'Accord d'Alger, signé en juillet 2006, et de résoudre définitivement le problème d'insécurité dans la région du nord du Mali. Une région où les terroristes du GSPC détiennent depuis des semaines sept otages occidentaux : Pierre Camatte, un humanitaire français (pour lequel ils exigent, avec un ultimatum de 20 jours qui expirera le 1er février, la libération de quatre membres d'Al Qaîda arrêtés au Mali), trois humanitaires espagnols (pour lesquels le GSPC réclame une rançon de près de 5 millions d'euros) ainsi qu'un couple d'Italiens (enlevé en Mauritanie) dont le commanditaire présumé, un Malien du nom de Abderrahmane Ould Meddou, a été mis sous mandat de dépôt lundi dernier par la justice mauritanienne. Abderrahmane Ould Meddou, membre d'une tribu arabe du Nord malien, est soupçonné d'avoir participé à la prise d'otage, lui qui aurait reconnu avoir joué le rôle de pisteur de cibles pour de l'argent. De son côté, le Niger a lancé une offensive militaire contre les hordes salafistes, à sa frontière avec le Mali, qui seraient derrière l'assassinat de six Saoudiens il y a plus d'un mois. En dépit d'une dizaine de morts dans les rangs de ses soldats, l'armée nigérienne a réussi à chasser les terroristes de son territoire en leur infligeant des pertes considérables. Mais, de l'autre côté de sa frontière, le régime malien se contente de servir d'intermédiaire dans les opérations d'enlèvement menées par le GSPC. Il persiste dans sa passivité, préférant jouer le rôle de négociateur de rançons, livrant le nord de son territoire au terrorisme et à ses corollaires, le banditisme et les trafics de drogue et d'armes. Des bombes à retardement qui risquent de faire basculer la région dans l'inconnu.