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Saoudiens assassinés au Nord-Mali : Riyad sollicite Alger
Publié dans El Watan le 12 - 02 - 2010

La visite éclair à Alger, mardi dernier du vice-ministre saoudien de l'Intérieur chargé des Affaires de sécurité, le prince Mohamed Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud, et celle du ministre de l'Intérieur du royaume, Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud, ont été entourées d'un total black-out.
Pourtant, elles interviennent au moment où l'affaire des quatre touristes saoudiens, assassinés entre la frontière du Niger et du Mali par un groupe de terroristes, connaît un rebondissement avec l'arrestation à Gao, au nord du Mali, d'un des commanditaires présumés de l'opération. Pour rappel, les victimes étaient en route vers le Mali, le 30 novembre 2009, lorsque leur cortège a été intercepté par une bande armée ; quatre d'entre eux ont été tués et deux autres grièvement blessés. L'arrestation du suspect n'est pas le fruit des efforts des autorités maliennes, mais la conséquence des pressions des Saoudiens et Interpol que les services nigériens avaient sollicités. L'identification d'un véhicule loué, faisant partie du cortège des Saoudiens, a permis l'arrestation, à Niamey, de son propriétaire, une douanière malienne, chef du poste de Ménaka, puis de trois bergers maliens et d'un Nigérien chez lesquels des objets appartenant aux victimes ont été retrouvés. La piste sur laquelle travaillent les services nigériens mène les éléments de l'armée vers une embuscade où quatre militaires sont tués.
L'affaire prend une grave tournure, d'autant que les auteurs ont, après leur action criminelle, pris la direction du nord du Mali. Inculpée pour complicité, la douanière est l'épouse d'un trafiquant de véhicules connu et recherché depuis des années. Ce trafiquant fait partie des auteurs présumés de l'assassinat de l'attaché militaire de l'ambassade des USA à Niamey, en décembre 2000, auquel il avait volé sa voiture. Arrêté, reconnu coupable, il s'est retrouvé en liberté sous la pression de sa communauté, puis déclaré, avec la complicité des autorités, mort en 2001. Pourtant, toute la région savait qu'il vivait parmi les siens et n'a jamais mis fin à ses activités criminelles.
Lorsque les Nigériens ont remonté sa piste, les Maliens ont maintenu la version de son décès. C'est l'enregistrement d'une communication téléphonique avec son épouse, le jour même de l'embuscade contre les touristes saoudiens, qui met les Maliens au pied du mur. Les pressions d'Interpol et des services nigériens aboutissent à l'arrestation du mis en cause, alors qu'il se rendait à une fête à Gao. Les informations collectées par les Nigériens sont éloquentes. Le véhicule, loué aux touristes par la douanière, avait été volé au Tchad, et le guide qui accompagnait les victimes s'avère être son frère. L'embuscade, selon l'enquête nigérienne, aurait été organisée par le mari de la douanière Mali. Il aurait même été cité dans l'enlèvement des deux diplomates canadiens, libérés en contrepartie d'une rançon.
Des informations qui montrent comment Bamako manipule un dossier aussi lourd que les activités d'Al Qaîda sur son territoire. Et c'est peut-être pour faire pression sur Bamako que l'Arabie Saoudite vient de solliciter Alger. L'Algérie connaît assez bien son voisin pour avoir subi les conséquences de son entêtement à offrir au GSPC le gîte, l'immunité et surtout le commerce juteux du rançonnage. La déclaration du président malien faisant état de son refus d'élargir les quatre terroristes (deux Mauritaniens, un Algérien et un Burkinabé), membres d'Al Qaîda, en contrepartie de la libération du Français enlevé à Ménaka depuis des mois, n'est pas fortuite. Très proche des tribus brébiches, son principal appui pour réprimer la rébellion touareg, il n'osera jamais susciter leur colère en libérant les auteurs présumés de l'assassinat, à Tombouctou, d'un des leurs, le colonel Lamana.
Il ferme la porte de la libération des détenus, réclamée par les terroristes, mais laisse la voie ouverte au paiement d'une rançon puisque les preneurs d'otage ont exigé soit l'élargissement des terroristes, soit le paiement d'une rançon. Une voie plus rentable pour lui mais également pour ses intermédiaires, devenus les négociateurs attitrés d'Al Qaîda. D'ailleurs, dans l'entretien qu'il a accordé la semaine dernière au journal espagnol El Pais, Amadou Tourami Touré (ATT) laisse deviner cette option de paiement de rançon. Il a affirmé qu'« il y avait au final deux solutions : payer une rançon ou organiser un échange des combattants d'Al Qaîda détenus en prison », expliquant que « beaucoup de gens interviennent pour résoudre ces prises d'otage (…), nous passons par beaucoup d'intermédiaires. Il est possible que l'argent transite à travers d'autres pays et par d'autres personnes ».
Les mêmes personnes, souvent des notables et des hommes de confiance de ATT, ont participé à libérer les otages autrichiens, suisses et canadiens en contrepartie de sommes colossales en devises ayant servi à renforcer la logistique du GSPC et à acheminer de l'armement vers les maquis algériens. Ce commerce est devenu si lucratif que des complicités dans les enlèvements sont de plus en plus évidentes au point où le nord du Mali a fini par se transformer en base arrière non seulement pour les terroristes, mais aussi pour les contrebandiers et les narcotrafiquants.
L'enlèvement de Baba Ould Sidi El Moktar Kounta, patriarche des Kounta, maire de la commune d'Anefis, dans la région de Kidal, par des narcotrafiquants et sa libération après intervention du président malien et de ses négociateurs attitrés, après un compromis dont on ne connaît pas encore les contours, lève le voile sur les liens supposés entre la route de la cocaïne et les dirigeants maliens. L'affaire du Boeing qui a déchargé des dizaines de tonnes de cocaïne non loin de Gao, avant d'être incendié par son équipage, ne fait que conforter cette thèse. Cette situation a certainement poussé le ministre de l'Intérieur saoudien à solliciter l'aide de l'Algérie pour aller plus loin dans l'affaire de l'assassinat des quatre touristes saoudiens. De quelle manière l'Algérie pourrait aider le Royaume dans un dossier où Alger n'arrive pas à se faire entendre par Bamako, y compris lorsqu'il s'agit de la sécurité de son territoire ?


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