En dehors des problèmes environnementaux liés aux rejets de saumures, une polémique enfle sur le coût des stations de dessalement d'eau de mer, dont l'Algérie prévoit 13 unités à terme. Les stations algériennes sont-elles chères ? A titre de comparaison, la Libye vient d'inaugurer une station d'une capacité de 40 000 mètres cubes/jour, qui a coûté 134 millions de dollars, deux fois moins chère que la station d'Alger (250 millions de dollars annoncés) mais pour un débit 5 fois inférieur (200 000 mètres cubes/jour). Sur ce marché très en vogue dans le monde, on estime entre 2500 et 3000 dollars le mètre cube produit, soit entre 50 et 150 millions de dollars l'usine de 50 000 mètres cubes/jour. Les stations algériennes ne sont donc pas aussi chères qu'on le dit, même si celle prévue à Magtaâ (à l'Ouest) rafle le record avec 468 millions de dollars pour un débit énorme de 500 000 mètres cubes/jour, qui va poser des gros problèmes de coûts d'entretien. Autre élément récent de comparaison, la station de Djerba en Tunisie. Un appel d'offres vient d'être lancé pour un coût moyen indiqué dans le cahier des charges de seulement 50 millions de dollars, pour une capacité de 50 000 mètres cubes/jour. Alors que la station de Ténès coûtera 231 millions de dollars pour une capacité de 200 000 mètres cubes/jour (selon l'AEC, Algerian Energy Company, qui s'occupe des stations de dessalements), soit un différentiel de 30 millions de dollars en mètres cubes produits, voire plus puisque des experts liés au RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie) affirment qu'elle aurait coûté 280 millions de dollars. L'AEC qui dépend du ministère de l'Energie et non de celui des Ressources en eau, et qui avant la polémique, n'avait pas jugé utile de publier les coûts de ses stations de dessalement, s'est défendue. D'abord, en niant un quelconque impact sur l'environnement en précisant que les stations ne rejetaient que des saumures (de l'eau très concentrée en sel) alors qu'aucune étude au niveau mondial n'a encore démontré leur caractère inoffensif, d'autant que des réactifs chimiques sont utilisés en amont. Pour les coûts, l'AEC a nié l'argument avancé à propos de l'usine de Djerba, se contentant de rappeler qu'elle était encore au stade de l'appel d'offres. La guerre de l'eau a-t-elle commencé ? Le prix de revient de l'eau de mer dessalée oscille dans le monde entre 0,7 et 1 dollar le mètre cube, mais l'Algérie la commercialise autour de 50 DA le mètre cube, soit plus chère que l'eau conventionnelle, autour de 30 DA le mètre cube. Pour l'instant, l'Etat paye la différence avec les prix réels de revient mais Sonelgaz, qui assure la production d'énergie dont le dessalement est gourmand, demande une augmentation des tarifs d'électricité. Que va-t-il se passer ? Personne ne le sait vraiment, d'autant que chacun jongle avec les chiffres. En haut lieu, Abdelmalek Sellal, chargé des ressources en eau, parlait le 15 juin dernier à l'occasion du Salon international des équipements et services de l'eau, de 18 milliards de dollars investis dans le secteur durant la période 2005-2009. Quelques jours plus tard, dans un entretien accordé à la publication Mutations, le même ministre parlait de 15 milliards de dollars investis. Qu'est-ce que 3 milliards de dollars ? Une goutte d'eau. Dans la mer.