Le Mbalax, musique authentique du Sénégal et le Diwan, le gnawi algérien, ne se sont jamais rencontrés. Vendredi soir, au théâtre de verdure Riadh El Feth, qui a retrouvé son public après des années d'abandon, la fusion a eu lieu. Les jeunes algériens du groupe Rihet El Bled et la chanteuse sénégalaise Khady Mbaye ont tenté l'expérience. Devant des gradins à moitié remplis, les artistes ont poussé les percussions jusqu'au fond. Sur la piste de danse les jeunes se bousculaient. « Le peuple gnawi » muni de chèche et de karkabou a tout fait pour apparaître sous les lumières, au point de danser assis ! C'est la gnawimania, phénomène trendy des places branchées de la ville blanche. Justement Rihet El Bled revendique « un diwan algérois ». Quête difficile tant il est vrai que les cahiers de cet art sont encore à écrire. « Nous voulons un diwan qui ne soit pas celui de Hamouda ! », a crié un membre du groupe en plein concert. Rihet El Bled a été constitué par trois transfuges de Diwan Dzaïr : Chibane Mohamed Amine, Allal Benbarka et Chakib Bouzidi, des élèves du regretté Maâlem Benaïssa. Ils ont été rejoint par Rafik Kettani, Zaki Mihoubi, Soudani Azzeddine, Amine Houam et Yousri Tamrabet. « L'appellation Rihet El Bled reflète le tempo et le diwan algérien. Nous faisons de la musique afro-traditionnelle, mixée avec la rythmique de batteries, gumbri et karkabou. Tout cela pour donner une mélodie africaine », explique Chakib Bouzidi. Au dernier festival de diwan de Béchar, le groupe a décroché le troisième prix. « C'était notre première scène », appuie Chakib. « On est pas encore dans le circuit. Mais, j'ai de l'espoir. On doit faire la promotion du groupe. Il faut faire beaucoup de scènes », enchaîne Omar Djouadi, manager. Rihet El Bled projette de produire un album. « On pense s'y mettre après le Panaf'. On va commencer durant le mois de Ramadhan à préparer la maquette. Il y a des titres chantés sur scène et on va ajouter de nouvelles compositions », explique Chakib Bouzidi. Cependant, le groupe a besoin d'argent. Le manager cherche des sponsors pour financer le projet de l'album. Médecin de formation, Omar Djoudi est venu au managment musical par hasard. « J'assistais aux répétitions du groupe et j'ai vu que ces jeunes avaient besoin d'aide. J'ai décidé donc de les épauler », dit-il. Avec Khady Mbaye, voix puissante et tendre à la fois, a donné une autre dimension à un diwan en quête de bol d'air. Le Diwan ou la Gnawi est une découverte pour cette chanteuse au sourire limpide. « Je chante depuis que je suis née. Je suis née avec la voix. C'est un don de Dieu. Je n'ai pas appris à chanter, je le fais naturellement », nous dit-elle. Elle chante de l'afro-jazz, du Mbalax, la soul music et le traditionnel. Les textes sont en wolof et en bambara, les langues parlées au Sénégal, en Mauritanie, au Mali, en Gambie et en Guinée. « Je ne vais jamais oublier l'expérience avec Rihet El Bled. Cela m'a permis d'apprendre des choses. C'est la première fois que je vois les instruments du gnawi. Le karkabou m'a beaucoup étonné. On est là pour faire de la musique et découvrir d'autres sons », relève Khady Mbaye. Son dernier album, sorti au Sénégal, est Dieu est grand. « Bientôt je mettrai un autre album sur le circuit international », annonce-t-il. Avec La Ilaha il Allah, chanté par Khady Mbaye, a suffi à mettre le public dans une ambiance fusionnelle. Un public qui semblait redécouvrir une musique africaine qui n'est pas celle des « tubes d'été » renvoyés, empaqueté et colorés, par les télévisions européennes au titre sexy de... « World music ».