Une fois n'est pas coutume : le théâtre de plein air du Vieux Rocher affichait complet lors de cette huitième soirée inscrite sur les tablettes du Panaf, les Constantinois ayant rendez-vous ce soir-là avec deux grosses pointures de la musique, en l'occurrence le saxophoniste camerounais Manu Dibango et l'inimitable rappeur annabi Lotfi Double Kanon. En effet, il est 21h et il ne reste pas une seule place de libre au niveau de l'espace en question. Beaucoup de jeunes, surtout des adolescents, ont fait le déplacement en cette soirée caniculaire de lundi pour voir de près le rappeur controversé, Lotfi. Pour les moins jeunes, et surtout beaucoup de couples, il s'agissait de voir à l'œuvre le célèbre Emmanuel N'Djoké Dibango, revenu en terre algérienne après plus d'une trentaine d'années d'absence. On peut dire qu'il y en avait ce soir-là pour tous les goûts. Et c'est Dibango qui fait, le premier, son apparition sur scène accompagné par les membres de son groupe, parmi lesquels deux jeunes infatigables et talentueux choristes et un percussionniste, incroyablement déchaîné. Sapé d'une chemise « So african » et de ses éternelles et immuables lunettes noires, Manu, qui caresse son saxophone comme un bijou, y souffle pour en tirer d'irrésistibles mélodies, de tendance Jazz mais très imprégnées du timbre africain. Naturel, allions-nous dire, n'est-il pas l'un des pionniers de l'Afro-Jazz ? Une heure durant, le Camerounais revisitera une partie de son répertoire, délicieusement servi en doualas (dialecte camerounais) à des mélomanes qui en redemandaient à chaque fois. Il achèvera sa mythique prestation par « Soul Makossa », célèbre morceau repris par le roi de la pop, Michael Jackson, avec son titre « Wanna be starting something », et plus récemment, par la chanteuse R'n'B Rihanna avec son tube « Please dont stop the music ». Les démêlés médiatico-judiciaires de Dibango avec ces deux chanteurs américains accusés de plagiat rendront la version originale encore plus célèbre, et c'est avec une grande délectation que Manu sert ce morceau à chacune de ses apparitions. A la fin du concert, en retournant vers sa loge, Manu sera surpris par des étudiants camerounais excités à l'idée de le voir de si près. Il dira à propos de son concert : « J'ai été agréablement surpris par le public de Constantine qui semble aimer la musique et surtout les sonorités africaines… j'ai vu que les gens bougeaient dans tous les sens et ça c'est bien. Je dis qu'il n'y pas de philosophie dans la musique et je la partage comme ça vient. » Phénoménal Lotfi… Enfin, Lotfi Double Kanon fait son apparition sur scène, salué par une incroyable, ovation, après avoir été attendu par des milliers de jeunes qui n'avaient cessé, pendant deux heures, de scander son nom. Il enflammera le théâtre de plein air une heure et demie durant, et les jeunes chanteront en chœur toutes ses chansons, lui donnant la réplique à chaque fois qu'il leur tendait le micro. Indéniablement, ce rappeur au talent incontestable était l'idole des jeunes constantinois. Tous semblaient se reconnaître dans ses paroles, lui qui chante la misère, l'amour, la malvie des jeunes, l'envie de partir ailleurs et même le sexe. Il sait également se montrer critique à l'égard des responsables ! (Enfin moins qu'avant). Lotfi a démontré, en cette soirée de lundi, qu'il était loin d'être un simple rappeur, mais un véritable artiste, une bête de scène, au grand bonheur des amateurs de rap chanté en algérien, même si certains, ayant fait le déplacement en famille auraient aimé qu'il fasse un peu d'autocensure.