Le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, a lancé à partir de la ville égyptienne de Charm Echeikh un véritable réquisitoire contre les « payeurs de rançons ». Le responsable algérien, qui prononçait un discours devant ses pairs des pays non alignés, a vertement dénoncé le procédé consistant à payer des rançons pour libérer des otages, qu'il qualifie de « moyen de financement alternatif pour les groupes terroristes ». Abdelkader Messahel estime que « le financement des actes terroristes se fait en grande partie à travers l'argent collecté à partir de ces opérations de demande de rançons qui prennent des proportions alarmantes ». Imputant le recours au payement de rançons à des « failles dans l'arsenal juridique international de lutte antiterroriste, en particulier celles liées au financement du terrorisme, exploitées par les groupes terroristes pour se procurer les ressources nécessaires à la poursuite de leur entreprise criminelle », M. Messahel invite à « hâter la finalisation du projet de convention globale de lutte contre le terrorisme ». Le ministre algérien, qui plaide pour la mise en œuvre de mécanismes de coopération entre les Etats, rappelle la décision du sommet de l'Union africaine, à Syrte, condamnant « le versement de rançons pour acte de piraterie ou de prise d'otages ». La déclaration de A. Messahel intervient au lendemain de la libération de l'otage suisse Werner Greiner, enlevé par Al Qaïda au Maghreb (AQMI) le 22 janvier au Niger et libéré dimanche dernier dans le nord désertique du Mali. Une source sécuritaire algérienne, citée par le quotidien El Khabar, avait fait état du versement d'une rançon de trois à cinq millions d'euros pour la libération de ce dernier otage ; une information démentie par le président malien Amadou Toumani Touré, qui a déclaré que « le Mali a ses habitudes, nous ne rentrons pas dans un certain type de transactions », lors d'une cérémonie à Bamako en compagnie de l'otage libéré. Et d'ajouter : « Si vous me posez la question est-ce que le Mali est parti avec une valise d'argent pour payer une rançon, je réponds non, cela ne nous ressemble pas. » La Suisse a aussi démenti le payement d'une rançon par la voix du diplomate Markus Boerlin, qui a déclaré que « la Suisse n'a pas négocié avec les ravisseurs ni versé de rançon ». L'intervention de M. Messahel relance toutefois la suspicion et confirme à demi-mot l'information rapportée par El Khabar. Elle jette de ce fait un froid sur les projets communs dessinés par Alger et Bamako pour lutter contre les groupes terroristes d'Al Qaïda. M. Messahel lance, à travers son discours, une alerte pour que cesse cette pratique du versement de rançons et menace : « Des actions seront menées par les Etats membres de l'UA en direction du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations unies pour prendre des décisions contraignantes et réviser des conventions déjà existantes, notamment celles relatives au financement du terrorisme et de prise d'otages. » La réaction du ministre délégué s'adressent à la fois aux pays payeurs de rançons, donc essentiellement aux Etats occidentaux qui veulent libérer leurs ressortissants à n'importe quel prix, ainsi qu'aux pays jouant le rôle de médiateur avec les ravisseurs. La lutte contre le terrorisme, semble dire le ministre algérien, ne peut s'accommoder d'être court-circuitée par des procédés d'arrangements financiers entre des Etats et des criminels qui ont trouvé un moyen efficace de remplir leurs caisses.