Je ne suis pas défaitiste mais je constate la défaite », avait dit J. P. Sartre. Cette constatation, s'applique-t-elle à notre système éducatif ? Il est partout démontré que ce système est le reflet de la société qu'il enfante. Or chez nous il s'enlise dans la médiocrité. Le malaise est très diffus et le niveau de nos classes ne cesse de péricliter. Le travail que nous imposons à nos élèves est devenu un véritable travail de Danaïdes. La classe est surchargée, les matières et les leçons s'égrènent et le maître est à des mètres de son être et de sa conscience. Notre enseignement/apprentissage est donc impérativement appelé à une restructuration fondamentale pour s'extirper de ce mal endémique. Tout d'abord, la surcharge des matières d'enseignement - l'acquisition d'un savoir abondant — est plus ou moins inadaptée. Une surcharge harassante dont le premier effet néfaste ne laisse aucun loisir à nos élèves ; le labeur est continu. Quelques séances dites sportives (sur un terrain poussiéreux) et culturelles permettent juste à l'élève de s'évader de ce bourrage alors qu'elles devraient lui permettre de recouvrir ses potentialités pour prendre goût à la classe et découvrir ses capacités dans les domaines sportif, musical... Même les récréations sont éreintantes pour l'élève. À la maison, également, la récupération est vaine. En effet, l'élève est appelé à résoudre trop d'exercices et à réviser bien des leçons s'il veut « s'accrocher », chose qui, de loin, dépasse ses capacités. Cet entassement de disciplines et l'absence de récupération font perdre à nos élèves leur spontanéité à l'effort mental réfléchi et prolongé : l'émulation qui est la condition sine qua non dans l'éclosion de la personnalité juvénile. Ainsi, nos élèves font face de moins en moins aux exigences de notre « pédagogie ». Une simple réduction des programmes ne pourrait à elle seule remédier aux maux dont souffre notre école. En effet, cette erreur quantitative en a enfanté une autre plus grave encore : l'erreur qualitative. La masse de disciplines, le volume horaire et la surcharge des classes ne sont pas les seuls maux qui perturbent notre action pédagogique. Mais profondément encore, c'est la structure de notre apprentissage. Si la plupart de nos élèves n'arrivent pas à avoir l'autonomie nécessaire à la fin de l'enseignement moyen, c'est que la conception standardisée ne laisse pas au professeur une marge suffisante pour imprégner de sa personnalité la projection identificatoire de l'élève qui lui permettrait de passer sans grand heurt du milieu familial restrictif à la société car le professeur est le pivot sur lequel l'adolescent ajuste son désir d'accomplissement identificatoire. De plus, les méthodes et les programmes préconisés ne prennent pas en considération les différents désirs et besoins de nos élèves d'une région du pays à une autre. Ils ne font pas référence à l'authenticité de la diversité sociétale de ce vaste pays soumis aux influences des contrastes géographiques et humains. Ainsi, ce qu'on fait apprendre à nos élèves et ce qu'on leur fait savoir ne font pas référence à leur esprit éminemment variable d'une région à une autre et d'un âge mental à un autre. En conséquence, nous leur présentons à ce stade de leur croissance physique, psychique et mentale, une matière non assimilable car la façon n'éveille aucunement leur appétit réel, mais elle part des besoins d'un psychique préalablement déterminé alors que ces élèves attendent une vie toute différente de la notre en ce début du XXIe siècle où chaque jour éclôt quelque chose de nouveau. Notre tâche première est donc celle d'affiner et d'aiguiser leurs besoins. Il ne s'agit nullement de contraindre. Mais est-ce que c'est réalisable dans cette école où le matériel didactique indispensable est presque inexistant ? Les moyens audiovisuels ont prouvé partout dans le monde leur efficacité. L'âge mental de nos élèves habitués à l'image exige ces supports qui, associés à une méthodologie rigoureuse, souple et permissive, transforment les cours en action et les résultats obtenus en ascèse. Cependant, cela n'est effectif qu'avec des professeurs compétents. La formation actuelle des enseignants dépasse l'entendement. Tout d'abord, dans les universités, elle est incomplète. En effet, on a l'impression que les futurs professeurs apprennent tout sauf les savoirs et le savoir-faire dont ils auront besoin dans leur futur profession. Le choix, par la suite, (des concours ? !) des futurs professeurs nouvellement « pondus » par nos facultés obéit-il à la déontologie exigée ? Quant à la formation continue, elle devrait obéir à un certain objectif constructeur qui créerait un climat sain où l'enseignant maintiendrait le désir d'évoluer : stage, séminaire, journée pédagogique ou journée de formation, toutes ces rencontres doivent être un prétexte pour la réalisation de cet objectif. Enfin, la fonction d'enseignant doit être revalorisée pour renverser les tendances et attirer les gens ayant un meilleur niveau en vue d'une compétence certaine et d'une aptitude pédagogique réelle. Il est également impératif que l'enseignant bénéficie d'une situation sociale plus viable, de conditions de travail plus adéquates et d'encouragements conséquents. Il y va de la vie de notre éducation. Cette éducation qui, dans beaucoup de pays, subit un essor sans précédent, doit impérativement se libérer de ses sangles, nous pourrons, alors, inverser les choses et dire : « Nous sommes optimistes car nous constatons la réussite. » Ahmed Larouci : PEM de français Biskra