À la fin du documentaire de Béatrice Dubell, on est bouleversé de savoir qu'Albert Carteron, prêtre catholique, avait poussé son amitié pour les Algériens jusqu'à vivre en Algérie après l'indépendance, chèrement acquise, il y a tout juste 47 ans. Pour la réalisatrice, le point de départ de sa réflexion, ce sont « des impressions confuses de l'enfance, de lourds ‘‘non- dits'' ». « Puis il y eut la découverte, il y a peu de temps qu'il y avait de vieux Algériens et de vieux Français qui avaient noué des amitiés à cette époque. J'ai eu l'envie d'en savoir plus. J'ai eu une grande chance de rencontrer des gens magnifiques, dont les histoires risquent d'être oubliées. C'est à la fois beau et triste. » Dès les années 50, celui qui était abbé à Lyon s'est rendu disponible, avec attention et discrétion, avant le 1er Novembre, pour aider les Algériens dans le dénuement de l'émigration, puis en rébellion contre la puissance coloniale. Et justement Béatrice Dubell pense que « l'on sait trop peu de choses sur cette période ». Sinon comment aurait-on oublié cet homme exceptionnel qui, en 1992, après trois décennies de vie algérienne, trouve la mort dans ce pays d'adoption et de cause commune, dans un accident de circulation ? Un homme intègre et profond. Dans le film, on ne le voit guère. On parle des réseaux, de la dynamique de soutien à la Révolution algérienne, mais la figure du prêtre est en filigrane. « Cela correspond, je crois, à son action, explique la réalisatrice. Il mettait les gens en contact et s'effaçait. Il restait discret. Il y aurait peut-être matière à faire un film en Algérie. Outre Lyon, je suis allée à El Kantara et à Biskra pour le tournage du film, sur les traces de Carteron. Beaucoup de gens gardent un souvenir très fort de lui. Il y a travaillé 30 ans, au service des autres, surtout avec les enfants, avec une énergie inouïe. Il était surnommé là-bas, Ami Larbi. » Projeté à Lyon (lire El Watan du 20 octobre 2008), et ensuite dans de nombreuses villes en France, le film recentre l'attention sur ces amis de l'Algérie qui, sans préjuger des risques encourus, et sans aucune recherche de gloire, ont soutenu l'aspiration à l'indépendance. Après 1962, comme beaucoup, ils sont retournés à l'anonymat de l'histoire. Le film a aussi été projeté aux rencontres cinématographiques juniors de Béjaïa, en décembre 2008. Réalisatrice de documentaires dont les sujets concernent principalement le champ social et politique, Béatrice Dubell a mené des réalisations dans le cadre de coproductions télévisuelles, avec des maisons de productions régionales et nationales (l'INA), des chaînes hertziennes (la Cinquième), câblées (Télé Création Citoyenne, Cités Télévision) et des télévisions libres comme Zaléa TV. Parallèlement, dans le cadre d'ateliers et de dispositifs expérimentaux, elle intervient en milieu carcéral, dans le monde du travail ou en lien avec les politiques de la ville. Elle est directrice artistique de « Grand Ensemble » atelier de cinéma populaire. Elle prépare une exposition pour 2011 à Lyon sur un point de vue plus large : « Récits d'engagement : des Lyonnais face à la cause de l'indépendance algérienne ».