Calme plat hier à Nouakchott. Finie l'euphorie suscitée par la victoire du général Ould Abdelaziz. Plus de coups de klaxon ni de démonstrations de joie après la victoire annoncée et encore moins d'animosité dans les rues de la capitale. Nouakchott. De notre envoyé spécial Paisibles, les Mauritaniens vaquaient à leurs occupations. Leur pays a (ou presque) un président élu, onze mois après le coup d'Etat du 6 août 2008 qui a fait sombrer la Mauritanie dans une crise entre différentes parties de la classe politique. Pourtant, le vainqueur de cette élection, dont la tenue a été rendue possible grâce à la médiation internationale, est l'artisan même du putsch, vivement contesté par une bonne partie de la population et de la classe politique. Est-ce la fin de la crise ? La page est-elle définitivement tournée ? « Je n'ai pas fraudé » Pour les partisans du général Ould Abdelaziz, c'est une nouvelle ére qui s'ouvre pour ce pays désertique de trois millions d'habitants. « La victoire au premier tour est plus que logique, vu les nombreux soutiens dont il a bénéficié, s'extase Ahmed Ould M'bay, réceptionniste d'un hôtel de la capitale. Abdelaziz est un homme rassembleur. Il saura unifier le peuple autour de son projet. » Lors de sa première sortie médiatique une heure après la proclamation des résultats, dimanche soir, le général Ould Abdelaziz s'est proclamé « président de tous les Mauritaniens », tendant la main à ses adversaires. Pour lui, le scrutin du 18 juillet était « net et transparent ». Et même si le processus électoral est quelque part entaché d'irrégularités, lui tire son épingle du jeu, renvoyant la balle aux organisateurs et observateurs de l'élection. « Je me suis porté candidat en tant que citoyen n'ayant aucun pouvoir ou responsabilité publique au cours du scrutin, comme tous les autres Mauritaniens », a-t-il souligné avant d'ajouter que « s'il s'agit de fraude, je ne suis pas impliqué dedans et je n'ai aucune information sur une quelconque opération de fraude et je n'ai aucune expérience dans ce domaine ». Le premier responsable de l'organisation du scrutin est le ministre de l'Intérieur, Mohamed Ould Rzeizim, qui appartient à l'opposition. Il atteste du bon déroulement du scrutin et précise n'avoir reçu aucune preuve de fraude ni recours de la part des contestataires. L'opposition ne faiblit pas L'opposition, en revanche, n'arrive pas à digérer sa défaite. Elle crie toujours à la fraude et refuse de reconnaître les résultats et, par ricochet, le président élu, le général Ould Abdelaziz. Et elle menace de sortir dans la rue. A travers leurs représentants, les quatre candidats contestataires des résultats, à savoir le président de l'Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir (16,29% des voix), le candidat du RFD Ahmed Ould Daddah (13,66%) et l'ancien chef de la transition militaire de 2005 à 2007 Ely Ould Mohamed Vall (3,81%) ont réitéré leur refus d'accepter ce qu'ils qualifient de « coup d'Etat électoral ». Dans une conférence de presse tenue, hier, au siège du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), ils ont expliqué que leur première action consisterait à présenter au Conseil constitutionnel des recours accompagnés des preuves de fraude dont ils disposent. La suite sera dictée, assure Mohamed Ould Moualoud, porte-parole du FNDD, par l'évolution de la situation. En rupture totale avec son cousin général Ould Abdelaziz, Ely Ould Mohamed Vall publie, à travers son directoire de campagne, un communiqué des plus virulents dénonçant la fraude. « Nous tenons à exprimer, de la façon la plus claire et la plus ferme, notre rejet total de cette mascarade électorale qui a été orchestrée de manière ostentatoire avec des méthodes que nous croyions révolues », a-t-il écrit. Ces pratiques, qui sont « contraires aux règles les plus élémentaires de la transparence et qui sont en porte-à-faux avec l'esprit de Dakar, constituent les agrégats d'une nouvelle grave crise qui s'installera immanquablement dans notre pays et dont seront uniquement responsables les autorités putschistes qui viennent, à nouveau, piétiner la volonté du peuple ». Affirmant privilégier la « concertation » et « le dialogue », Ely invite à nouveau la communauté internationale à reprendre ses efforts afin d'éviter que la Mauritanie sombre dans une nouvelle crise « aux conséquences lourdes ». Loin de se résigner, l'opposition va-t-elle replonger la Mauritanie dans le climat du lendemain du putsch ? A-t-elle les capacités de le faire ? Les Mauritaniens répondront-ils à son appel ? Difficile de parier, tant la communauté internationale, qui était du côté de l'opposition lors de la précédente crise, semble « applaudir » cette fois-ci le déroulement de cette élection.